Bien souvent, on trouve les prémices d’un circuit permanent dans des courses sur route interdites à cause d’accidents mortels. Celui du Sachsenring, en Allemagne, n’échappe pas à cette règle…
Tout a commencé le 26 mai 1927 quand une course de motos dénommée Badberg Viereck rennen (course en rectangle de Badberg) est organisée à Hohenstein – Ernstthal, près de Chemnitz en Saxe. Le tracé de 8,731 kilomètres grossièrement rectangulaire, sur les lieux de l’actuel circuit, offrait un peu de tout : lignes droites, courbes rapides, passage entre les maisons, épingles serrées, le tout dans un paysage vallonné et verdoyant.
Le succès est énorme avec plus de 140 000 spectateurs alignés sur le parcours et l’édition de 1928 n’a pas été moins populaire. Elle s’est cependant avérée exceptionnellement dangereuse, avec pas moins de 41 chutes au long de son parcours, ce qui a entraîné les autorités locales à mettre fin à la compétition.
Ce n’est qu’en 1934 que les courses reprennent, accueillant cette fois le prestigieux Grand Prix d’Europe de moto en 1936. Malheureusement, les dangers sont toujours présents et trois pilotes se tuent, dont le champion d’Europe 1933 Gunnar Kalén et le champion 1934 Pol Demeuter. Mais cette fois l’événement a pris une ampleur nationale et n’est plus interdit.
Pol Demeuter
En 1937, suite à a fermeture du parcours Grillenburger Dreieck
dans la forêt de Tharandter, le tracé routier de
Hohenstein-Ernstthal récupère le nom de
Sachsenring.
L’Écossais Jimmie Guthrie, vainqueur du « Grand
Prix d’Europe » en 1935 et 36, se tue mais le succès ne se dément
pas et, trois année plus tard, seule la guerre pourra mettre fin
aux compétitions, tellement l’engouement populaire (et la
propagande) étaient au rendez-vous jusque là…
Une fois la paix revenue dans une région désormais passée sous tutelle russe, les courses reprennent avec une ferveur décuplée dès 1949, l’édition 1950 du championnat d’Allemagne constituant même un apogée avec 480 000 visiteurs pour le seul dimanche ! Vous avez dit « ferveur populaire » ?
Photo: FIM/Maurice Büla
Les années soixante ne démentent pas ce succès, bien au contraire, les spectateurs se passionnant toujours pour les performances des productions locales de Zschopau, les MZ à moteurs 2 temps du sorcier Walter Kaaden pilotées entre autres par Ernst Degner jusqu’en 1961, avant que ce dernier passe à l’Ouest du rideau de fer en apportant à Suzuki les secrets de la technologie Est-Allemande…
A partir de cette date, le Grand Prix de la République Démocratique d’Allemagne devient une épreuve du championnat du Monde de moto et les stars mondiales de la compétition moto effectuent toutes une visite annuelle en Saxe, telles Mike Hailwood, Giacomo Agostini, Dieter Braun et Ángel Nieto... mais plus Ernst Degner, attendu de pied ferme par la Stasi !
Ici, en 1963, l’invincible armada Suzuki en 125 (qui a même « volé » les couleurs originelles de MZ, le bleu et l’argent), avec de gauche à droite Hugh Anderson, Frank Perris et l’autrichien Bert Schneider. Tout à droite, la MZ #143 de László Szabó, puis derrière la #144 de Werner Musiol et la #150 de Dieter Krumpholz.
1966
Un autre plaisir de la foule, le champion du monde britannique 125cc Bill Ivy, est devenu un autre ajout tragique à la liste des décès en 1969, lorsqu’il a été éjecté de sa moto suite à un piston serré.
L’immense succès populaire a peu à peu engendré des célèbres moyens astucieux de voir les courses malgré la foule…
Dans les années 1970, les choses se gâtent car machines et pilotes locaux sont maintenant dépassés par les concurrents du monde occidental. En 1971, on atteint le point critique quand l’Allemand de l’Ouest Dieter Braun remporte la victoire en 250cc en 1971 : en signe de protestation contre les conditions qui règnent dans le pays, quelqu’un coupe les hauts-parleurs qui diffusaient l’hymne national de la DDR et la foule entonne le Deutschland über Alles !
Cela a évidemment fortement déplu aux autorités communistes est-allemandes qui ont immédiatement retiré le « Großer Preis der DDR » du championnat du monde…
Les Großer Preis der DDR puis Großer Preis des ADMV der DDR survivront ainsi avec des épreuves réservées aux pilotes des États de l’Est jusqu’en 1990, année où trois accidents mortels surviennent et provoquent la fermeture du vieux circuit.
Après la réunification de l’Allemagne (3 octobre 1990), il
faudra encore attendre six années avant que le nouveau circuit,
tracé sur les lieux du précédent, accueille les Internationales
Sachsenring-Rennen , puis encore deux années pour que le Grand Prix
d’Allemagne comptant à nouveau pour le championnat du monde se
déroule définitivement sur le circuit actuel du Sachsenring.
Notez son implantation de part et d’autre de l’ancien tracé, avec
une ligne droite et la ligne de départ communes. La
« cascade » ajoutée ultérieurement est la seule située à
l’intérieur de l’ancien tracé.
Entre temps, le circuit de Saxe ouvert en 1995 en tant que centre de formation des conducteurs par l’ADAC Sachsen avait été agrandi, son sens de rotation changé, sa voie des stands changée du côté opposé d’une ligne droite principale allongée en 1998, et quelques virages assouplis pour être homologués par la FIM.
142 000 spectateurs salueront cette nouvelle formule.
D’autres changements sont intervenus en 2000, lorsque la chicane
menant au tronçon d’origine du parcours routier a été supprimée.
Les autorités du circuit n’étaient toujours pas entièrement
satisfaites et d’autres changements majeurs ont eu lieu avant la
saison 2001, lorsque une nouvelle dernière section a été développée
par Hermann Tilke, ainsi que le réalignement de la ligne droite des
stands, avec de nouveaux box et un paddock créé à l’intérieur de la
nouvelle boucle.
Les aménagements de Tilke comprennent une spectaculaire descente à
droite plongeant vers la nouvelle section, qui a rapidement acquis
le surnom de « La cascade ». Ces changements signifient également
que le circuit est complètement fermé pour la première fois,
devenant une installation véritablement permanente séparée de toute
voie publique. Le circuit de Sachsenring est aujourd’hui long de
seulement 3,671 km. Ce chiffre fait de lui le plus court de la
saison avec Philipp Island. Il présente aussi la particularité
d’être emprunté dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, ce
qui est un fait assez rare pendant la saison. Il fait aussi partie
des plus lents car sa plus longue ligne droite ne dépasse pas 700
mètres.
Son revêtement a été refait en
2017, mais reste abrasif et peu adhérent.
Pour l’anecdote, l’ancienne tour de contrôle datant de 1960 a dû être retirée lors de la première grande rénovation du parcours en 1997 en vue du Championnat du monde.
Tout d’abord démontée, puis stockée pendant environ un an et reconstruite à environ 200 m de l’original, elle fait toujours partie du paysage aujourd’hui, à l’extérieur du dernier virage.
Quelques photos extraites d’une série, probablement prises par Lars Schmidt en 1971, juste pour le charme…