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Les 8 Heures de Suzuka, dont la 45e édition se déroulera ce week-end, ont toujours été et restent encore aujourd’hui une course à part dans le monde de l’Endurance. Passons en revue pourquoi…

Après de nombreuses courses d’endurance dès 1964 au Japon, les 8 Heures de Suzuka, en tant que tel, sont nées en 1978, sous la forme d’une course nationale (aucune licence de course internationale n’était exigée) au règlement plutôt permissif, puisque motos de série et machines de course pouvaient s’y côtoyer sur la piste. Conséquence de cette liberté quasi totale, le classement de la première épreuve reflète parfaitement la dualité qui allait caractériser cette course au fil des ans: premiers, Wes Cooley et Mike Baldwin sur une Suzuki GS 1000 préparée par « Pop » Yoshimura, deuxièmes, Isoyo Sugimoto et David Emde sur une Yamaha TZ750 D, soit une machine de route améliorée et une pure compétition-client de Grand Prix !

Et malgré l’anecdote que nous allons vous reporter, les performances étaient déjà loin d’être ridicules, puisque la moto victorieuse a parcouru 194 tours du tracé de 6 kilomètres (5,8 aujourd’hui, mais avec une chicane supplémentaire). Mélange de motos de série et de prototypes, mais aussi de performance et d’incidents, la formule a immédiatement suscité l’intérêt des fans japonais, incitant les constructeurs locaux à investir massivement dans leur course nationale.

La famille Yoshimura ayant fait un travail remarquable pour rendre publique son histoire légendaire, ne nous privons pas de la mésaventure survenue à la machine victorieuse de la première édition, en tête depuis le premier tour…

« Au cours de la quatrième heure de course, Cooley est revenu de son deuxième relais au stand pour un changement de pilote et des changements de pneus (la règle à l’époque était de changer les pneus une fois par heure à l’avant et à l’arrière). Le changement du pneu arrière a été effectué par Baldwin et Oya. Cooley et Asakawa travaillaient sur l’avant, lorsque Cooley a cassé l’un des goujons de l’extrémité de la fourche (sur le côté gauche) avec une clé pneumatique. Heureusement, une petite partie du filetage était resté – deux ou trois filets dépassant de la face du support de l’axe de roue avant – juste assez pour fixer l’axe avant. « OK, je vais faire mon relais. Je vais trouver comment le réparer avant de revenir », a déclaré Baldwin en quittant le stand. Après environ 15 tours, il est retourné au stand et a dit : « Meulez simplement le chapeau de l’axe pour le rendre plus fin ! » Le reste de l’équipe était arrivé à la même conclusion que lui. Cooley a pris la piste avec la GS1000 et l’équipe lui a demandé de rentrer au stand juste au moment où ils terminaient de fabriquer une pièce personnalisée à partir d’un chapeau de rechange. La réparation a été effectuée extrêmement rapidement, grâce au calme de Baldwin et à la passion de Yoshimura pour la victoire. La TZ750D a pris la 1ère place pendant que l’équipe Yoshimura réglait le problème du chapeau de l’axe, puis la GS1000 a rapidement repris la 1ère place tandis que la TZ750D s’est arrêtée aux stands en raison d’un étirement de la chaîne de transmission (d’où la nécessité de la chaîne scellée qui équipait la Suzuki). »

Hideo « Pop » Yoshimura, Wes Cooley, Fujio Yoshimura

En 1980, deux ans après sa création, l’événement a été inclus dans le Championnat du monde d’endurance. Cela a conduit à l’inscription d’équipes de course d’endurance européennes et de pilotes américains de Superbike de haut niveau. Chaque fabricant de motos avait créé une équipe de course d’usine et, à un moment donné, il est devenu courant de faire appel à des pilotes de Grand Prix pour renforcer leurs équipages nationaux. En conséquence, grâce à des noms comme Kevin Magee, Kevin Schwantz, Mick Doohan, Wayne Gardner, Dominique Sarron, John Kocinski, Eddie Lawson et Wayne Rainey, les 8 heures de Suzuka sont devenues une course d’endurance, mais avec des vitesses proches d’une course de sprint.

Tadahiko Taira/Eddie Lawson 1990 (Yamaha YZF750)

Pour les fans japonais, l’événement était moins considéré comme une partie du Championnat du monde d’endurance et plus comme une course à part entière, drainant plus de 350 000 fans spectateurs au cours d’un week-end de course. Au Japon, les 8 heures de Suzuka sont à la moto ce que les 24 heures du Mans sont à la voiture, une course à part. C’est pourquoi, malgré les nombreux changements de réglementation, et même si durant les années 90 la participation de grands noms européens et nord-américains a commencé à diminuer progressivement et les constructeurs ont commencé à cesser d’inscrire des équipes d’usine, la course qui se déroule fin juillet reste la chasse gardée des constructeurs japonais, officiellement présents ou pas.

Après un soubresaut en 2001 où Valentino Rossi et Colin Edwards triomphent sur la Honda VTR1000SPW, il faudra attendre les années 2010 pour revoir gagner des pilotes de Grand Prix ou de Superbike, européens cette fois, tels Jonathan Rea en 2012, Michael van der Mark et Leon Haslam en 2013 et 2014, Bradley Smith et Pol Espargaro en 2015, Alex Lowes et Pol Espargaro en 2016, Alex Lowes et Michael van der Mark en 2018, Jonathan Rea, Toprak Razgatlioglu et Leon Haslam en 2019 (hum…), Iker Lecuona en 2022 et Xavi Vierge en 2023.
Johann Zarco continuera-t-il cette glorieuse liste en 2024 ?

On ne peut pas clore ce très rapide aperçu de la course japonaise sans évoquer le rôle de Bridgestone qui, depuis 2006, est invaincu sur son sol. La firme japonaise, après être entrée en Grand Prix à plein temps en 1991, s’est ensuite attelé à remporter sa course d’endurance à domicile. Elle a donc développé des pneus spécifiquement pour les 8 heures de Suzuka, dont les caractéristiques sont sensiblement différentes de celles des autres épreuves de l’EWC. Se déroulant fin juillet, généralement sous la canicule, les gommes sont certes mises à rude épreuve mais ne connaissent que ces conditions; un asphalte brûlant, même après la brève tombée de la nuit pour l’arrivée. Avec une fenêtre d’utilisation très étroite, Bridgestone a pu développer des pneus non seulement très performants, mais aussi très stables, la recette du succès selon le manufacturier nippon.

« La caractéristique la plus importante des pneus utilisés pour les courses EWC est la flexibilité. Les pneus doivent être faciles à utiliser et capables de supporter une large plage de températures. Comme plusieurs courses EWC se déroulent sur des circuits à faible adhérence, les pneus à caractère doux sont préférés. Cependant, pour les 8 Heures, une fenêtre de performance plus spécifique est requise. En général, le niveau d’adhérence est bien plus élevé que sur les autres épreuves du championnat du monde d’endurance (EWC), et il est également important de maximiser la stabilité. Les systèmes de contrôle de traction électronique ont également besoin de stabilité de la part des pneus. Ce type de système ne fonctionne pas bien avec des facteurs instables. Par exemple, si le niveau d’adhérence des pneus est très différent entre le premier relais et la fin de la course, le système de contrôle de traction peut finir par trop fonctionner, ou pas assez. Des changements trop importants de la circonférence du pneu en raison de l’usure peuvent également être problématiques. Plus que des pneus avec le coefficient d’adhérence le plus élevé, des pneus qui peuvent fonctionner de manière uniforme sont plus importants pour gagner aux 8 Heures. Aujourd’hui, les pneus sont conçus pour ne pas faire dérailler l’électronique. Le niveau d’adhérence et la circonférence doivent rester aussi constants que possible. »

Depuis le temps, on le sait, seules les motos équipées des Bridgestone de développement ont une chance de gagner, et la plupart des manufacturiers européens ont accepté cet état de fait, jugeant qu’il n’était pas rentable de développer une gamme de pneus uniquement pour cette course au soleil couchant…

Crédit photos : Yoshimura, Yamaha, Bridgestone, Suzuka Circuit

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