C’est une analyse intéressante que Wilco Zeelenberg de chez RNF Yamaha et demain Aprilia livre sur les disparitions d’Andrea Dovizioso et de Franco Morbidelli du haut de la feuille des temps. Pour peu, ce serait aussi un avertissement pour ceux qui envisagent de revenir après un petit moment passé sur la touche pour cause de blessure… Le Hollandais assure ainsi que les MotoGP ont évolué, qu’il faut les piloter différemment et que ceux qui n’arrivent pas à changer de paradigme sont condamnés. Pour lui, le sort des deux Italiens sont des cas d’école dans une discipline en pleine évolution, y compris dans son format pour 2023…
Les choses changent en MotoGP et la roue tourne vite. Elle a ainsi happé un Andrea Dovizioso, triple vice-champion du monde de 2017 à 2019 sur Ducati et à la tête de 24 victoires en Grand Prix. Elle a roulé sur Franco Morbidelli, vice-champion du Monde d’une saison 2020 où il a remporté trois victoires. Le point commun entre de ces deux hommes ? Leur nationalité, certes, mais aussi une Yamaha que leur équipier de marque Fabio Quartararo utilise si bien qu’il a été Champion du Monde avec et qu’il mène à son guidon l’actuel classement général. Alors, que s’est-il passé ?
Wilco Zeelenberg est l’un de ceux qui a vécu cet événement au plus près, depuis le stand Petronas devenu RNF. Il connait très bien la M1 et voilà ce qu’il nous dit dans un intéressant entretien découvert sur Moto.it . Et il commence son expertise avec cet élément incontournable et pourtant souvent oublié : les pneus : « en 2020, Michelin a changé la carcasse du pneu arrière et l’adhérence en inclinaison est différente de celle du passé : vous ne pouvez pas vous pencher beaucoup, car l’inclinaison maximale fait augmenter considérablement la température du pneu. Franco, comme Andrea Dovizioso, se penche beaucoup, ne s’accroche pas autant à la moto que les autres pilotes. Je pense qu’ils en souffrent tous les deux, mais même pour moi, tout cela semble plutôt mystérieux ».
Wilco Zeelenberg : « Fabio Quartararo a beaucoup appris au fil des ans, il représente aujourd’hui une combinaison parfaite avec la M1«
Partant de là, il développe : « Fabio a une vitesse de virage plus élevée et parvient à ne pas surchauffer les pneus, mais il roule avec un angle d’inclinaison plus petit. Les deux Italiens roulent à l’ancienne : ils freinent fort et entrent dans les virages freins à la main, tandis que Fabio freine avec la moto droite, lâche les freins puis tourne. Et c’est toujours le cas, dans tous les virages, et il est en moyenne un ou deux kilomètres à l’heure plus rapide. Je pense que c’est une question de talent et aussi de taille : il est grand et gère mieux la moto, il arrive à maintenir la motricité sur la roue arrière à chaque fois ».
Un style que son équipier Morbidelli se dit incapable d’imiter : « il dit que c’est impossible de faire vingt-cinq tours comme ça. Il peut suivre Fabio un tour, mais pas plus : ce n’est pas sa façon de piloter. Le Français a beaucoup appris au fil des ans, il représente aujourd’hui une combinaison parfaite avec la M1 » comment Zeelenberg. Et pour Dovizioso, qui prendra sa retraite à Misano, usé par l’impossibilité de sortir un résultat décent de sa Yamaha ? « Pour rendre la Ducati plus forte, Andrea a dû s’adapter à beaucoup de choses, utiles pour exploiter pleinement cette moto mais inutiles avec toutes les autres. Cela s’est aussi vu avec Jorge Lorenzo : il lui a fallu un an pour gagner avec Ducati et puis, quand il est passé chez Honda, il n’a rien pu faire, car il faut les piloter différemment, il faut apprendre à le faire et le niveau est tellement élevé que cela prend beaucoup de temps ».
Or, du temps, c’est exactement ce dont le MotoGP manque toujours. Pourtant, il faut prendre le risque de jouer cette carte car le retour sur cet investissement peut s’avérer payant. Un pilote le prouve aujourd’hui : Aleix Espargaró : « personne ne pensait qu’il serait capable de piloter aussi fort l’Aprilia, pourtant il y est parvenu. Ça prend du temps, et changer de moto, comme Dovi l’a fait, rend aujourd’hui les choses de plus en plus difficiles ». Voire, dans le cas de Dovi, insurmontables.