Ce dimanche 14 novembre 2021, Joan Mir a répondu aux questions des journalistes depuis le Circuit Ricardo Tormo à Cheste (Valence), au terme du Grand Prix de la Communauté Valencienne.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos du pilote espagnol, qui n’a pu faire mieux que quatrième lors de la dernière manche disputée cette saison.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Joan Mir sans la moindre mise en forme.
Joan, pouvez-vous revenir sur le déroulé de cette dernière course de la saison ?
« Je suis vraiment très déçu.
Nous avons très bien travaillé durant tout le weekend et durant
toutes les séances d’essais libres, mais en course je n’ai rien pu
faire. J’ai rencontré énormément de problèmes avec l’avant, et
notre grip n’était pas fantastique. Je n’avais aucune carte en main
pour espérer me battre avec les gars de devant. C’est donc vraiment
frustrant, car ce n’est pas du tout la position que je visais. Je
me suis battu pour le podium alors que j’en voulais bien plus. Une
fois de plus, c’est une situation difficile à vivre pour moi.
»
« C’est une situation difficile à vivre pour moi »
Vous avez dit avoir rencontré des problèmes avec l’avant de votre machine, mais vous avez tout de même passé pas mal de temps auprès des Ducati en course. A cette occasion, avez-vous pu identifier leurs points forts ?
« Ce matin lors du warm up j’avais été capable d’être bien plus rapide, mais j’étais alors seul en piste. Le truc c’est que quand j’étais derrière elles, j’ai perdu une bonne part de mes performances. J’ai bien tenté de me porter à la première place en début de course, mais Pecco Bagnaia a réussi à me dépasser. »
« Un peu plus tard j’ai aussi essayé de dépasser Jorge Martín, mais après je me suis fait moi-même dépasser par une Ducati et à cet instant j’ai compris que la course était finie pour moi. L’an dernier j’avais pu identifier certains points faibles sur les Ducati, notamment en fin de course où elles avaient tendance à manquer d’adhérence en milieu de virage. »
« Elles avaient aussi quelques problèmes à l’accélération une fois que les pneus étaient usés, ce qui est logique car quand vous disposez de plus de puissance vous usez davantage vos gommes. Mais si l’an dernier elles perdaient donc en performance dans les derniers tours, cette année c’est l’inverse. J’ai l’impression qu’elles sont encore plus fortes en fin de course. »
« Ce n’est pas quelque chose de facile à comprendre. J’ai beaucoup de mal cette saison à identifier le moindre point faible chez les Ducati, et c’est quelque chose qui m’inquiète. Elles sont en mesure d’être rapides avec différents styles de pilotage. Nous avons donc du pain sur la planche si nous voulons rivaliser avec elles l’an prochain, car elles seront encore plus fortes en 2022. »
« Nous avons du pain sur la planche si nous voulons rivaliser avec les Ducati l’an prochain »
Vous avez déclaré que vous aviez rencontré des problèmes en course au niveau du pneu avant. Pensez-vous que cela soit lié au fait justement d’avoir roulé pour l’essentiel de la course derrière les Ducati, ce qui a sans doute fait monter vos gommes en température et en pression ?
« Ce fut en effet l’un des problèmes. Mais je n’étais pas seul derrière les Ducati de tête. Dans les faits il y avait d’autres Ducati derrière elles. Quand vous êtes derrière une moto, le pneu avant a en effet tendance à monter en température, ce qui peut être source de problèmes. Mais les autres Ducati qui roulaient avec moi n’ont pas eu ces problèmes, et c’est quelque chose que je ne comprends pas. »
« C’est vraiment difficile, et je dois dire qu’on a vraiment beaucoup de boulot car c’est très curieux parce que si vous regardez la durée de cette course, et que vous les comparez à celles des autres épreuves, notamment à Valence lors de la première manche qui avait eu lieu ici l’an dernier, celle où je m’étais imposé, le rythme avait été environ 25 secondes plus lent. »
« Ensuite lors de la seconde épreuve, avec plus d’informations, d’expérience et d’adhérence en raison du gommage de la piste, Franco Morbidelli l’avait emporté devant Jack Miller, et la durée de l’épreuve avait été de 41’22 [contre 41’15 cette année, alors que la première manche disputée à Valence en 2020 avait pour sa part duré 41’37, ndlr]. Les Ducati ont de leur côté réussi à être pas moins de 15 secondes plus rapides lors de la course cette année. C’est donc une énorme progression qu’elles ont réalisée, quand on y réfléchit. Nous devons donc travailler d’arrache-pied pour nous mettre à niveau. »
Peut-on aussi dire que le fait que votre pneu avant monte en température et en pression soit lié à vos entrées de virage plus agressives. Vous avez en effet tendance à attaquer davantage dans ce secteur afin de compenser le déficit de puissance que vous accusez par rapport aux Ducati en ligne droite…
« Durant cette course j’ai perdu beaucoup de temps au niveau des points de corde. Je me suis retrouvé souvent à bloquer l’avant de la moto. Finalement le choix qui s’imposait à moi durant cette course c’était la chute ou le fait de finir quatrième, ce qui n’est pas terrible. J’ai bien failli chuter à plusieurs reprises. »
« C’est vraiment une situation frustrante pour moi. D’un autre côté je suis très content des progrès qui ont été réalisés par Suzuki, car mes sensations sont bonnes. C’est quelque chose qui se vérifie sur le papier et qui se ressent dans le garage. Je crois en notre projet, et nous allons nous battre lors des essais qui arrivent. »
« J’avais le choix entre chuter et finir quatrième, ce qui n’est pas terrible »
Vous n’avez pas remporté la moindre course cette saison. Est-ce que c’est quelque chose qui vous marque chez Suzuki ? Vous étiez Champion du monde mais vous n’avez pas réussi à signer la moindre victoire, ce qui est assez inhabituel. Dans quelle mesure pouvez-vous être confiant en vue de l’an prochain quand vous savez que les Ducati seront encore très performantes, si ce n’est plus que cette saison ?
« C’est une question difficile qui survient à un moment difficile. Je n’ai pas grand-chose à répondre à cela. C’est vrai que je n’ai pas gagné cette année, mais je n’en ai pas moins exploité 100% du potentiel de la moto. Au fond de moi-même je suis très déçu mais je peux au moins dormir sur mes deux oreilles ce soir, comme ce fut le cas durant toute la saison d’ailleurs. »
« Je ne pouvais pas vraiment faire mieux. On peut dire tout ce qu’on veut sur moi : si quelqu’un dit qu’il croit en moi, c’est très bien, et s’il affirme que j’ai réalisé cette année la pire défense de titre qu’un pilote puisse faire, je l’accepte également. Mais pour bien comprendre la situation actuelle il faut vivre les choses de l’intérieur. »
« Au fond de moi je suis très déçu mais je peux dormir sur mes deux oreilles »
L’un des aspects les plus importants dans ce sport réside sur le plan technique de la moto. De ce côté cela doit être également dur à encaisser pour Suzuki de ne pas avoir réussi à décrocher la moindre victoire cette saison…
« C’est vrai que c’est aussi difficile pour eux, d’autant plus qu’en ma personne ils avaient un pilote à-même de gagner des courses. Je me suis mis une grosse pression. Mais je pense que la situation que nous avons vécue cette année ne peut que nous renforcer pour le futur, car cette année nous avons réalisé beaucoup de choses. »
« Suzuki a pris conscience qu’il ne suffisait pas de faire son maximum pour se maintenir en tête, mais bien plus encore. Cela est valable aussi bien pour les pilotes que pour toutes les personnes au sein de l’équipe. Je pense que c’est la plus grande leçon à retenir pour moi et l’équipe cette saison. »
« Ce que nous avons vécu cette année ne peut que nous renforcer pour le futur »
Quand vous dites que vous n’avez pas pu identifier le moindre point faible chez les Ducati, faites-vous référence uniquement à la moto ou au package global moto + pilote ?
« Je parle bien sûr de l’ensemble moto + pilote, car les pilotes Ducati sont bien sûr exceptionnels, cela ne fait aucun doute. »
Vous venez de dire que se donner à 100% ne suffisait pas. Or les prochains essais, qui auront lieu ces jours-ci à Jerez, seront très importants. Quelle sera selon vous la meilleure approche à adopter par vous et Suzuki pour aborder la saison 2022 dans les meilleures conditions ?
« Le plus important lors des essais qui se profilent, ce ne sera pas d’être les plus rapides, mais de récolter un maximum d’informations, et de couvrir un maximum de tours. Suzuki pourra compter aussi sur ses deux pilotes essayeurs, qui auront d’ailleurs pas mal de choses à tester. Beaucoup d’éléments sont en effet prévus au programme, et nous allons travailler pour ainsi dire dans tous les domaines. »
« Je pense que nous avons une bonne marge de progression par rapport à cette année. Nous allons nous concentrer sur le châssis, sur l’aérodynamique, mais aussi sur le moteur car ce dernier ne sera plus gelé. Récolter toutes ces informations et formuler les bons retours techniques à nos ingénieurs sera très important et la clé de la réussite pour l’an prochain. »