Ce dimanche 14 novembre 2021, Jack Miller a répondu aux questions des journalistes depuis le Circuit Ricardo Tormo à Cheste (Valence), au terme du Grand Prix de la Communauté Valencienne.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos du pilote australien, qui a terminé troisième de la course disputée ce dimanche.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Jack Miller sans la moindre mise en forme.
Jack, c’est toujours bien de finir la saison sur un podium. Votre vitesse en toute fin de course en particulier fut spectaculaire. Vous devez être ravi de votre résultat du jour ?
« Je suis en effet content de faire partie de ce podium qui est en quelque sorte historique ! Nous sommes trois Ducati dans le top 3, c’est la première fois dans l’Histoire de la discipline que cela arrive, donc c’est fantastique. C’est fantastique pour les pilotes, pour l’équipe, pour tous les ingénieurs. Ils ont travaillé si dur depuis 2011-12 et jusqu’ici. C’est une histoire très longue. »
« Nous avons rencontré beaucoup de difficultés pour en arriver là, mais maintenant que nous avons autant de motos qui sont si fortes, c’est incroyable. Je me souviens notamment de mon arrivée en MotoGP en 2015, si on m’avait demandé à ce moment-là si je voulais rejoindre Ducati, j’aurais été bien embêté de répondre par l’affirmative. Mais à présent tout le monde veut avoir une Ducati ! »
« C’est la première fois dans l’Histoire de la discipline que trois Ducati sont sur le podium »
« C’est bien de faire partie de ce projet, de faire partie de ce développement qui a eu lieu ces dernières années. En ce qui concerne la course d’aujourd’hui, je dois bien admettre que lors des premiers tours j’ai eu un peu l’impression d’être un lapin devant les phares d’une voiture. J’ai dans un premier temps essayé de passer Jorge Martín, mais il m’a immédiatement redoublé, car j’ai eu le droit à une petite frayeur en ressortant du dernier virage et il en a profité. »
« J’ai ensuite été un peu dépassé par les événements avec les Suzuki et les Yamaha qui étaient elles aussi très agressives. J’ai donc essayé de garder mon calme, mais je dois dire que je me suis aussi laissé rendre vulnérable car au début je gérais beaucoup les gaz notamment à la sortie des virages 13 et du premier virage, car je voulais vraiment ménager mes pneus. J’ai donc essayé de jouer sur le long terme, mais c’est vrai que me retrouver si loin en début de course ne m’a pas aidé par la suite. »
« J’ai dû me frayer un chemin, même si j’ai été chanceux avec Álex Rins [qui a abandonné sur chute, ndlr]. Je me suis senti très fort, mais j’ai aussi été pris par le temps pour remonter davantage dans la hiérarchie. En toute fin de course j’ai essayé de passer Jorge, mais le dernier virage était vraiment piégeur : j’ai essayé de bien conserver ma trajectoire et d’avoir suffisamment de vitesse pour le passer. »
« Mais j’ai oublié d’enclencher le ride-height device, et je me suis retrouvé avec du wheelie alors que j’étais sur le quatrième rapport. A ce moment-là je n’ai pas compris ce qui m’arrivait. Je me suis rendu compte ensuite tel un idiot de mon oubli et j’ai enclenché le dispositif, mais j’arrivais déjà au point de freinage donc cela ne m’a servi à rien. »
« Jorge avait donc repris de la marge, et je n’étais plus en capacité de porter une attaque en sécurité dans les virages propices à cela, c’est-à-dire les virages 1, 2 et 4. Dès lors je n’étais pas en mesure d’être très menaçant dans le dernier tour. Au final je termine quatrième du championnat… cela aurait pu être mieux. »
Mais avec Pecco Bagnaia deuxième au classement, le titre chez les constructeurs et les équipes pour Ducati, je dois bien admettre que ce fut une année phénoménale pour nous. Beaucoup de gens avaient des doutes au début sur le fait de mettre Pecco et moi dans l’équipe d’usine, mais je pense qu’on s’est plutôt bien débrouillés. Pecco plus que moi bien sûr, mais je pense qu’on s’en est bien tirés, suffisamment en tout cas pour garder notre boulot pour quelques temps encore ! »
Quel cap devez-vous franchir selon vous pour atteindre le même niveau de performance que Pecco l’an prochain ?
« Lors des cinq ou six dernières courses, j’ai bien cru qu’il allait tout remporter. Cette moto a été incroyable lors de la seconde partie de la saison. Et il n’aurait pas fallu que le championnat dure quelques courses de plus, mais c’est comme ça. Je pense qu’il a été très fort, mais il n’est pas le seul. »
« Prenez Martín, prenez Fabio Quartararo… La liste est longue. De mon côté il est temps à présent de rentrer à la maison, de prendre du recul par rapport à tout cela et d’essayer de progresser sur de petites choses qui m’ont fait défaut cette année, et en premier lieu la régularité. »
A quel point Jorge Martín vous a-t-il impressionné aujourd’hui, et plus généralement au cours de sa première saison en MotoGP ?
« Il a été très fort aujourd’hui, j’ai dû le suivre pendant longtemps… En fait durant toute la course, soit 27 tours ! La Ducati n’est pas une moto facile, elle a son caractère, et en ce sens tous les rookies ont vraiment assuré. Ils m’ont même rendu nerveux car ils n’ont eu de cesse d’aller de plus en plus vite. »
« Dans le cas de Jorge, il a vraiment fait un travail fantastique. Il a beau avoir manqué quelques courses cette année, il détient déjà un professionnalisme que personnellement je n’avais pas à mes débuts dans la catégorie, c’est certain. Je pense que c’est un pilote très complet, et encore une fois il m’a rendu nerveux parce que lui et Enea Bastianini m’ont parfois dépassé alors qu’ils étaient sur une moto datant d’il y a un an. »
« J’ai alors ressenti le même feeling qu’Andrea Dovizioso et d’autres ont pu avoir par le passé quand c’était moi qui par moment parvenait à prendre le dessus sur eux. Mais cette concurrence m’a incité à davantage progresser sur moi-même et devenir in fine un meilleur pilote. C’est incroyable de voir à quel point ces gars-là s’en sortent bien alors qu’ils sont encore vraiment très jeunes. »
« Martín détient un professionnalisme que je n’avais pas à mes débuts »
Vue de l’extérieur, l’équipe Ducati a l’air parfaite. Et pourtant un gros développement est encore prévu pour l’an prochain, et de nouvelles pièces vont faire leur apparition sur la moto. Selon vous quelle erreur doit éviter Ducati ?
« Je n’ai pas du tout peur des différentes innovations que Ducati va apporter sur la moto à l’avenir. Nous avons déjà essayé certaines pièces pour 2022 lors des essais organisés à Misano il y a quelques semaines, et selon moi elles rendent toutes la moto encore plus performante, donc les autres n’ont qu’à bien se tenir l’an prochain. »
Joan Mir a déclaré après la course qu’il était choqué de voir que Ducati avait gagné 25 secondes par rapport à la course de l’année dernière ici, et qu’il ne voit pas comment il va pouvoir vous battre l’an prochain. Êtes-vous tout autant impressionné par les progrès de votre moto cette saison ?
« La moto n’a pas énormément changé comparé à l’an dernier. Je veux dire par-là que nous avons mieux compris les réglages que nous devions faire dessus. Mais il ne faut pas perdre de vue que la météo était en effet bien meilleure aujourd’hui. Par exemple dans le virage 4 on pouvait relâcher les freins et laisser tranquillement la moto s’engouffrer dans le virage sans se faire trop de soucis. »
« Nous avons par ailleurs été en mesure d’utiliser le pneu dur à l’avant cette année, en lieu et place du medium voire du soft… Il y a donc pas mal de variables à prendre en compte. Bien sûr nous avons bien progressé et nous sommes devenus plus forts, mais on ne peut pas dire pour autant que la moto a changé drastiquement. Honnêtement ce n’est pas le cas. »
« On ne peut pas dire que la moto ait changé drastiquement depuis deux ans »
« Ce weekend nous sommes arrivés et nous avons tout simplement réutilisé les mêmes réglages que l’an passé. Cela n’a pas du tout fonctionné, et nous sommes immédiatement revenus sur les réglages que nous avions utilisés à Portimão, ceux que nous avons utilisés durant la majeure partie de l’année, et le tour était joué. »
« Nous n’avons pas eu à toucher plus que cela à la moto. Nous sommes tous très à l’aise avec cette moto, et nous avons trouvé un bon package qui fonctionne à merveille chaque weekend. Nous avons pour ainsi dire la même moto depuis maintenant deux ans, donc je pense que nos progrès sont à mettre au crédit de notre expérience qui s’accroît sur cette machine. Dans ces conditions, il va falloir prendre garde à ce que va réserver notre moto en 2022… »
Danilo Petrucci a déclaré qu’il était sans doute le dernier pilote « normal » à avoir réussi à remporter une course en MotoGP. Selon lui, les autres pilotes sont de véritables phénomènes. Êtes-vous d’accord avec cette assertion ? »
« Danilo fait partie de ces gars qui se rabaissent tout le temps. Nous passons tous par des hauts et des bas au cours de notre carrière. Il n’y a qu’à voir Fabio Quartararo pour s’en convaincre… Pareil dans mon cas : quand je suis arrivé en Grand Prix cela a vraiment ressemblé à un baptême du feu, et par la suite j’ai été en mesure de bien progresser. »
« Même chose pour Pecco : Je me souviens qu’en 2013, alors que j’avais un peu plus de bouteille que lui, je trouvais la FTR Honda fantastique, alors que lui était complètement perdu. A l’inverse beaucoup de pilotes sont arrivés dans la discipline en étant considérés comme des phénomènes, avant de s’effondrer. Je ne pense pas qu’il existe vraiment de phénomènes, si ce n’est de très rares exceptions telles que Pedro Acosta ou ce genre de pilotes. »
« Mais en ce qui concerne Danilo, il n’a pas seulement beaucoup de talent, c’est plus que cela : il a travaillé pour atteindre ce niveau. Si vous regardez certaines photos de lui alors qu’il pilotait sur la Ioda, en 2012 et 2013, avec sa grosse tête qui ressemblait à une lune, et que vous regardez son physique lors de ses années chez Ducati, vous pouvez alors prendre conscience des changements auxquels il a procédés pour arriver là où il est aujourd’hui, et constater qu’il a énormément travaillé pour atteindre ce niveau. Et pour cela c’est juste une légende. »
« Danilo Petrucci est une légende »
Quel regard portez-vous sur le titre de votre compatriote Remy Gardner en Moto2, et sur sa saison dans l’ensemble ?
« Je pense que la course qu’il a menée est un bon résumé de son comportement cette saison : Il a été calme et concentré, et s’est contenté de gérer la situation. Pour l’Australie c’est bien sûr fantastique, mais si vous aviez dit l’an passé que cette saison Remy Gardner serait Champion du monde, je pense que personne ne vous aurait cru car il était alors assez irrégulier. »
« Mais je pense qu’il a beaucoup progressé sur cela cette année, et qu’il a vraiment gagné en maturité, et aujourd’hui il a simplement fait étal de toutes ses qualités : Il a juste fait ce qu’il avait à faire. Raúl Fernández a essayé de le suivre tout le weekend et à jouer sur l’aspect psychologique, mais ça n’a pas marché. »
« Le titre de Remy Gardner en Moto2, c’est fantastique pour l’Australie »
« C’est fantastique pour l’Australie, car c’est notre premier Champion du monde depuis Casey Stoner [dont le dernier titre remonte à 2011 en MotoGP avec Honda, ndlr]. En ce sens il m’a devancé ! Je suis donc très content pour lui mais aussi pour Wayne [le père de Remy Gardner, Champion du monde 500cc en 1987, ndlr]. »
« Ils ont fait énormément de sacrifices : Il est venu ici dans un premier temps mais ça ne l’a pas fait. Il est alors reparti au pays avant de revenir dans le championnat espagnol et de passer en Moto2 pour être enfin Champion du monde. Je lui tire donc mon chapeau, à lui ainsi qu’à son équipe et notamment à Aki [Ajo, patron de l’équipe Ajo Motorsport, présente à la fois en Moto2 et Moto3, ndlr], dont la structure a remporté le titre en Moto2 et Moto3 cette année. »