La liste des rivaux de Valentino Rossi est longue comme
le bras. Parfois, la comparaison dessert l’adversaire, mais ce
n’est pas toujours le cas. Gibernau, aux côtés de Rossi, a été
grand le temps de quelques saisons. Aujourd’hui, penchons-nous sur
la carrière de Sete.
Né en 1972 à Barcelone, l’intéressé grandit dans une famille
particulière. Comme beaucoup de ses compatriotes,
‘Sete’ n’est pas son vrai prénom, et
‘Gibernau’ son nom complet. Manuel Gibernau Bultó
est littéralement né sur une moto de course.
Son grand-père n’est autre que Francesc Xavier
Bultó, fondateurs des mythiques entreprises
Montesa et Bultaco. Rapidement,
Sete se passionne pour la piste et délaisse les zones de trial si
chères aux firmes précédemment mentionnées.
C’est en 1990 que le petit de la famille débute en championnat
national. Il faut rappeler qu’à l’époque, les Espagnols ne
pullulent pas autant et il est difficile de se faire une place. Ses
premières wildcards en mondial interviennent deux
ans plus tard.
Pendant quatre ans, Sete va multiplier les apparitions sans jamais
signer un contrat d’une année. Jusqu’en 1996. Chez Axo
Honda Team, la saison rookie est difficile en catégorie
250cc. Étrangement,
Wayne Rainey en personne le signe en 500cc pour la
saison suivante, alors qu’aucun résultat n’est réellement
convainquant !
La transition est brutale et les rumeurs vont bon train. Pourtant,
l’acclimatation est plutôt correcte. Encore plus fou : Repsol
Honda, meilleure équipe du monde à cet instant, l’engage pour
porter main forte à Doohan.
L’évolution exponentielle de Sete, un peu incompréhensible
d’ailleurs, ne porte pas ses fruits. Certes, quelques podiums sont
au rendez-vous mais rien de plus pour l’officiel Repsol. L’année
2000, marquée par six résultats blancs, est de trop :
Repsol se sépare du Catalan.
Une fois de plus, la bonne impression donnée en 1999 (cinquième au
général) convainc Suzuki, équipe championne du monde en titre, de
l’engager aux côtés de Kenny
Roberts Jr. Le chat Gibernau retombe toujours sur ses
pattes.
C’est au sein de cette famille que son compteur de victoires se
débloque, à l’occasion du Grand Prix de Valence
2001. Un choix de pneumatiques osé sur le séchant lui
donna l’avantage par rapport à Alex
Barros, son rival du jour.
Sa saison, terminée en neuvième position, fut ponctuée d’un beau
résultat qui lui assurait une bonne place au sein de l’équipe l’an
prochain. Un exercice 2002 cauchemardesque au
possible.
Gibernau n’arrive plus à rien avec sa nouvelle GSV-R quatre temps.
Huit abandons en 16 courses et une 16e place au championnat à plus
de quarante points de son coéquipier. À sa décharge, la Suzuki en
question était bien loin de la championne du monde 2000.
Toujours est-il que Sete se sépare de l’équipe, pour rejoindre
Honda Gresini. Il faut dire que l’Espagnol
entretient de bonnes relations avec Telefónica, géant des
télécommunications dans les pays hispaniques. Ainsi, le sponsor
suit et une belle équipe se forme.
C’est maintenant que le pilote que l’on connaît tous démarre
réellement sa carrière. Lors du premier Grand Prix de la saison, le
pire se produit. Son coéquipier
Daijiro Kato se tue au Japon, un évènement qui
renforça considérablement le mental de Gibernau, un homme très posé
et cultivé.
Lors du weekend suivant en Afrique du Sud, il décroche la pole
position et la victoire avec le n°74 apposé à son traditionnel
n°15. Un bel hommage. Sete s’en allait réaliser sa meilleure année
en carrière, marquée par quatre victoires et six autres
podiums.
Sur la RCV, il est plus facile, plus léthal en bagarre.
Malheureusement,
le bug de l’an 2000 se dresse face à lui. Rossi évolue
sur une autre planète, intouchable au championnat. Malgré un
déficit de 80 points à l’arrivée, Gibernau termine
vice-champion du monde.
2004 devait être son année. Rossi s’en allait pour un nouveau
challenge, et la RC211V gardait ses précédentes qualités. Une fois
de plus, l’italien est intraitable, peu importe la moto. Nouvelle
deuxième place accompagnée de nombreux podiums mais bien trop loin
de Rossi pour être remarquable.
C’est tout le problème. « The doctor » étouffait
Gibernau qui n’avait pas le bagout d’un Biaggi ou
d’un Capirossi. Les deux conservaient de bonnes
relations. Jusqu’au Grand Prix du Qatar 2004…
Pour une bête histoire de sable sur la piste, les deux
s’embrouillent. Le sort donne raison à Gibernau, qui s’en va gagner
la course alors que Rossi ne franchit ne pas la ligne. À l’arrivée,
Rossi jette un sort à son rival espagnol.
« Il ne gagnera plus jamais une course ». La «
Qatar curse », ou « Malédiction du Qatar » en
français,- était lancée. Peut-être que Sete était sensible à la
pression médiatique; Il n’échappa pas à
l’infortune.
Sa carrière changea radicalement après cette course. Jerez
2005 n’est que le prolongement de cette dynamique. Dans le
dernier virage, Rossi essuie son carénage sur celui de son
vis-à-vis, l’arcboutant hors de la piste.
Coincé dans les graviers, l’Espagnol fulmine mais
ne peut rien contre la machine Rossi. Malgré de belles prestations,
Gibernau n’arrive plus à triompher. Une triste septième place au
classement ponctue son année 2005.
La suite est encore moins belle. Année 2006 marquée par les
blessures et un passage chez Ducati, puis la retraite à 34 ans. Une
sortie de retraite en 2009 ratée, puis une nouvelle expérience en
MotoE à 47 ans lors de la saison 2019.
Gibernau n’était peut-être pas Lorenzo ou Stoner, mais il a offert de belles confrontations à Valentino Rossi au début des années 2000. Ne l’oublions pas !
Photo de couverture : Box Repsol