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Une fois de plus, Hervé Poncharal a eu la gentillesse de bien vouloir nous partager sa vision à l’issue d’un événement MotoGP.

Cette fois, comme il le fait régulièrement depuis bientôt deux ans, c’est à l’occasion des premiers tests MotoGP à Sepang que le patron du team Tech3 nous fait goûter les premières senteurs de la saison 2018… et ça promet !

Merci à lui d’avoir pris sur son temps, dans une période pourtant compliquée et très chargée, suite au forfait de Jonas Folger

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Pouvez-vous nous dire un mot sur Yonny Hernández qui roulait sous vos couleurs lors de ces tests ?

« Écoutez, je le connaissais très peu, du genre bonjour-bonsoir dans le paddock. J’ai découvert un garçon charmant, vraiment charmant, avec qui tu as envie de faire la saison car c’est vraiment une personne agréable. Il m’a un peu parlé de sa vie et c’est toujours intéressant de parler avec les gens. Il habite en Espagne pendant la saison, mais il vient de Colombie, de Medellín, et, évidemment, il y a tous les clichés sur cette ville. Au contraire, il m’a dit que c’était une ville agréable à vivre et qu’il n’y avait pas cette violence systématique dont on entend parler. On a donc passé des moments très agréables sur le plan humain, et je pense que sur la piste, même si on m’accuse souvent de ne voir que le côté positif des choses, quand tu sais que ça fait plus d’un an qu’il n’a pas roulé en MotoGP alors que pendant ce temps l’électronique, les pneumatiques et les motos en général ont vraiment évolué, et qu’il a fait de la Moto2 l’année dernière, qu’il a peu roulé à Sepang et avec de la pression, quand tu prends tout ça en ligne de compte, faire 2’01.2 en faisant peu de tours le dernier jour car on lui a demandé de lever le pied, c’est tout à fait ce qu’on attendait de lui. Il a fait son travail. C’est évident mais on n’a jamais pensé que Yonny allait pouvoir se battre pour faire des chronos que faisait Johann ! Et on a vu l’année dernière que les trois pilotes de remplacement que l’on a pris quand Jonas était indisponible, ils n’ont pas non plus fait ce qu’a fait Johann et il y en a pas un seul qui a marqué des points. Ça montre encore une fois le niveau du MotoGP, la difficulté de trouver des pilotes en dehors de ceux qui sont titulaires sur la grille, et pour moi, ce qu’a fait Yonny est très correct. Il a vraiment fait son boulot. Par contre, la décision concernant la suite n’a pas encore été prise et je pense que l’on fera le point d’ici quelques jours car il faut que lui le sache, et nous aussi. Car il a un programme sur la Kawasaki Superbike de l’équipe Pedercini qui l’attend au cas où on ne le sélectionne pas. »

On a suivi Johann, évidemment à travers ses chronos mais aussi ses débriefings quotidiens. On connaît sa façon de travailler méthodique et sans se soucier des autres. Il a donc décidé de revenir au châssis 2016 le troisième jour et certains internautes ont écrit qu’il avait peut-être parlé un peu vite en disant que le châssis 2017 était meilleur que le 2016. Or, en relisant l’intégralité de ses débriefing des tests de Valence sur notre site (voir ici), on constate que même à l’époque, il n’a jamais déclaré que le châssis 2017 était plus rapide. Plus stable et plus facile, oui, mais plus rapide, non.

« Oui. De toute façon, Johann a une caractéristique qui est très impressionnante, c’est que c’est quelqu’un qui, quand il prend une décision, ne revient pas rapidement dessus. Il a fini sa saison 2017 à Valence et on se souvient tous comment, par une presque victoire après avoir fait une course fantastique, etc. Ensuite, il a attaqué les essais et il a eu envie de voir ce qu’était le châssis Yamaha pour les pilotes d’usine en 2017. C’était la suite logique du 2016 et, de façon très normale et très logique, il avait aussi le sentiment qu’il avait fait le tour de sa moto 2016. Vous étiez là et vous avez assisté à ses débriefings, et vous avez pu constater que le premier feeling était bon. Il a trouvé qu’il y avait peut-être matière à être plus constant sur la course, etc. Mais pas nécessairement être plus rapide sur un tour. Il n’en a pas démordu et a fait tous les essais de Valence avec ça et il a fait tous les essais à Sepang en novembre avec ça. Et ici, il a fait les deux premiers jours avec ça. A un moment donné, c’est bien d’avoir de la constance et d’aller jusqu’au bout de ses idées, mais par contre, quand tu sais qu’il y a trois pilotes Yamaha qui sont là pour se battre devant et que les deux autres roulent avec un matériel différent, tu te dis toujours que ce serait peut-être bien de faire un contre-essai pour valider. C’est ce à quoi servent les essais et si tu ne le fais pas maintenant, tu ne le feras jamais. Si vous vous souvenez bien, il avait fait un week-end fantastique lors du Grand Prix de Malaisie à Sepang. Il avait fait la pole jusqu’à la dernière seconde où Dani Pedrosa l’a battu pour trois fois rien et nous avait dit qu’il avait un feeling fantastique sur le sec, puis il a fait podium et meilleure Yamaha sur le mouillé. Et là, surtout en mode Time Attack, il ne retrouvait pas tout à fait ce feeling, donc il s’est demandé si c’était lui qui s’était un peu engourdi pendant l’hiver, est-ce que c’était la piste qui était différente, etc. Dans ces cas-là, c’est normal, tu as envie de savoir. Et donc, à un moment donné et de manière tout à fait logique, tu te dis que tu vas reprendre l’ancien châssis pour voir comment tu te sens sur ta moto, ta moto étant celle avec laquelle tu as fait tout le championnat 2017. Il a donc fait quelques petits runs durant l’après-midi du troisième jour et la différence n’était pas très significative, mais il a pris la décision de la garder. Je pense aussi que, dans un petit coin de sa tête, le fait que les deux Factory l’aient aussi, a joué. Mais ce n’est que mon analyse. Voilà. Tout est ouvert. Évidemment, il ne faut pas changer de motos trois fois par week-end mais ce serait dommage de ne pas se permettre de réessayer. Pour l’instant, les dernières sensations qu’il a eues avec sa moto 2016 sont celles qu’il a préférées de ces trois jours passés à Sepang, et c’est donc avec cette moto qu’il commencera ces essais à Buriram. Et encore une fois, il n’y a pas un fossé entre les deux motos, ni au chronomètre, ni dans le domaine des sensations. Ce n’est pas un autre monde. C’est d’ailleurs ce qui se passe également chez Ducati, et c’est là où Ducati a été très fort : la 2018 a subi de très très petites évolutions par rapport à la 2017. Ça s’appelle d’ailleurs « travailler à la Yamaha ». D’une année sur l’autre, ce sont de toutes petites améliorations. Donc on n’est pas loin de la vérité et on tourne toujours sur une circonférence relativement limitée. »

On a également pu noter que, pour la première fois, Tech3 a également disposé des mêmes appendices aérodynamiques que le team officiel. Doit-on y voir un effort particulier de l’usine éventuellement motivé par les performances de Johann ?

« Yamaha nous a dit qu’en aéro, Johann aurait les mêmes spécifications que le team usine. C’est effectivement la première fois. Yamaha a vraiment envie d’aider Johann comme ils peuvent et ils le font avec ce qu’ils ont à leur disposition. Après Valence, ils nous avaient déjà dit qu’il y avait des choses qu’ils ne pourraient pas faire, mais qu’ils feraient autant qu’ils peuvent. Et ça, les ailerons, je pense que ce ne sont pas des choses qui sont sources de dépenses incroyables supplémentaires. Et de toute façon, c’est clair qu’avec le retrait de Jonas Folger, il y aura cette année trois pilotes Yamaha très forts cette année. Donc même si on n’a pas tout à fait le même matériel, on a un très bon support et Johann aura la même aérodynamique que les pilotes Factory, une fois que celle-ci sera définitivement figée. Le petit galop d’essai avec ce qu’on lui a mis à disposition l’a d’ailleurs très agréablement surpris. »

Autre sujet d’interrogation, Johann a évoqué une amélioration des performances moteur, or on pensait qu’il allait faire la saison 2018 avec le même moteur qu’en 2017. Qu’en est-il réellement ?

« Johann utilise bien le même moteur que l’année dernière avec, c’est vrai, sans doute un petit plus au niveau des règlages (ndlr : augmentation du régime moteur selon le journal L’Equipe). On est content avec ce que l’on a, mais vous le savez, je ne m’étends jamais sur ces sujets techniques. »

Après ces premiers tests à Sepang, dans quel état d’esprit abordez-vous les suivants à Buriram ?

« Comme je vous l’ai dit, ces tests étaient durs et intenses. Vous avez passé deux photos de Johann où on voyait que les traits étaient creusés. Tous les pilotes étaient comme ça et les techniciens aussi. Je peux vous dire que, passé minuit, il y avait de la lumière dans bien des box, alors qu’il fallait être sur le circuit le matin à sept heures. C’était donc intense et il va falloir être fort dans sa tête et fort physiquement, il va falloir ne pas faire d’erreur, et je pense que ça va être un championnat magnifique mais très dur pour chacun des participants. Donc quoi qu’on puisse en penser, année après année, grâce aux gens qui gèrent ce championnat, on arrive à se retrouver avec une grille qui est de plus en plus proche en termes de performance et qui augure de belles batailles. »

Aucune équipe MotoGP ne connaît réellement le circuit de Buriram. Peut-être que les écarts seront alors plus grands…

« Ce qui va être intéressant, c’est effectivement de voir si les forces en présence seront aussi proches sur un circuit comme Buriram qui est quand même un circuit assez différent de Sepang. A l’aéroport, Guy Coulon regardait le plan du circuit qui lui faisait penser à un petit Motegi, et j’ai parlé à Sylvain Guintoli qui l’assimile à un petit Losail. Donc on verra bien. »

NDLR : Depuis cette interview réalisée jeudi, immédiatement après le retour d’Hervé Poncharal de Malaisie, le nom d’Hafizh Syahrin a émergé dans la presse comme le plus probable remplaçant de Jonas Folger et son officialisation ne devrait guère tarder (voir ici, ici, et ).

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