De façon très régulière, et depuis maintenant plus de deux années, Hervé Poncharal nous fait l’honneur de nous partager son point de vue après les Grands Prix (Voir ici).
Écouter ses propos qui sont le fruit d’une expérience de 40 ans
est toujours un plaisir, d’autant que l’homme n’a pas sa langue
dans la poche. Nous vous partageons ainsi ses émotions, qui peuvent
fluctuer au fil des épreuves de la déception à la plus grande des
joies, sans pour autant occulter les petits grincements de dents
passagers ou, au contraire, les envolées qui vont bien au-delà du
sport…
Et nous l’en remercions grandement !
Accédez à la première partie de
l’interview ici
Accédez à la deuxième partie de
l’interview ici
Puisque l’on en parle, Hafizh Syahrin a fait deux très bons week-ends, en Australie et en Malaisie, avec des images émouvantes le dernier week-end…
Hervé Poncharal : « Hafizh, je vous l’ai souvent dit, c’est quelqu’un qu’on adore parce qu’il nous fait rire. Il est génial et il amène une bonne ambiance dans le box. Parfois, le travail est un petit peu dur et on a eu des moments pas faciles, que ce soit du côté Johann ou Hafizh, et c’est toujours l’élément qui déride l’atmosphère. Par exemple, il appelle tout le monde « ma couille », y compris Johann, ce qui nous fait toujours marrer. La dernière petite anecdote, c’est qu’en Australie, je ne sais plus pour quel produit c’était mais il y avait une publicité qui passait de manière répétitive avec la musique et les paroles de « Mini, mini » de Jacques Dutronc. Un matin, il arrive en chantonnant « mini, mini » et on lui signale que c’est une chanson française, en lui demandant où il l’a entendu. Il nous a expliqué et on lui a traduit les paroles. Depuis, à chaque fois qu’il rentre dans le box, il la chante, à tel point que les journalistes lui en ont parlé lors de la conférence de presse pre-event à Kuala Lumpur. Tout ça pour dire qu’avec lui, c’est toujours sympa et il s’est super bien occupé de l’équipe en Malaisie.
Alors évidemment, il a fait une superbe course en Australie qui s’est malheureusement terminée à plat ventre, mais il était vraiment dans le coup là-bas. À Sepang, il y avait beaucoup d’obligations et s’est très bien occupé de l’équipe, et ça explique peut-être ses performances très très moyennes aux essais, pour ne pas dire en dessous de ce que l’on espérait. Je pense qu’il avait une grosse pression et se sentait investi d’une méga mission, dans son rôle d’ambassadeur avec quand même les yeux de 110 000 personnes braqués sur lui. Cela explique un peu qu’il a craqué sur la grille. Il sentait qu’il y avait un truc à faire mais il était ému et déçu de ne pas avoir fait mieux en qualification. Se retrouver dernier sur la grille de son Grand Prix national, c’est compliqué, d’autant que son père et sa mère étaient là. Tout ça, ça a fait les images qu’on a vues, où il a pleuré et a quitté la grille pour aller serrer son père dans ses bras. Sur la grille, je lui ai dit : « je crois en toi et je suis sûr que ça va le faire. Ne soit pas négatif par rapport à ta position, je suis persuadé que tu vas faire une belle perf ». J’ai été très positif. Et puis, il a fait ce départ et ce premier tour de folie, puis une superbe course. On est très heureux de ça parce que c’est vrai que, franchement, jusqu’à samedi soir on était déçu. Aussi pour lui, pas que pour nous.
Quand tu fais un week-end comme celui qu’on a fait en Australie, mais surtout celui qu’on a fait en Malaisie, tout le monde vit dans le présent. KTM nous a dit : « on est super heureux d’avoir retrouvé le grand Johann, et on est super content de voir que Hafizh est capable de se battre comme il s’est battu ». Tu sais aussi que nos futurs partenaires, et employeur pour Johann, scrutent tout ça. C’était donc une grosse délivrance et on était en effet heureux. Bien sûr, Johann était heureux et répondait à toutes les sollicitations qui sont inhérentes à celui qui fait un podium, parc fermé, conférence, etc. Mais après la course, la célébration de Hafizh a aussi été forte et belle ».
Enfin, parlons de Remy Gardner qui est assez impressionnant depuis deux Grands Prix, même s’il n’a pas jusqu’à présent pu concrétiser en course…
« Il y a quelques courses, et vous en avez parlé avec Guy
Coulon, certains disaient que Yamaha devait faire un V4 pour être
devant en MotoGP, que les 4 cylindres en ligne étaient plus
suffisants, et bla, et bla, et bla … Et il vous avait dit que
c’était marrant car les Suzuki fonctionnaient, et donc que ce
n’était pas le cas. Aujourd’hui, si vous regardez, Márquez est un
extraterrestre et c’est lui qui fait gagner Honda plus que le V4,
et à Sepang, les Yamaha et les Suzuki performaient. Donc là, on
pourrait presque dire que ce qui ont un V4 devraient commencer à
réfléchir à faire un 4 cylindres en ligne… Je fais exprès d’être
provocateur, mais tout ça, c’est pour dire que les gens qui
hiérarchisent devraient faire attention à ne pas être trop
péremptoires. Et c’est la même chose pour le Moto2, parce qu’on dit
toujours que sans une Kalex ou une KTM, il n’y a point de salut.
Mais Speed Up a démontré cette année qu’avec un top pilote, et
Fabio en est un, on pouvait se battre avec eux. Et Remy, qui
commence à vraiment bien rouler, montre aussi qu’une Mistral peut
se battre pour les premières lignes et pour les podiums. Le pilote
a fait deux petites erreurs qui l’ont empêché d’être sur le podium,
mais je pense qu’en Australie il était plutôt plus vite que Mir
puisque c’est Mir qui l’a gêné et qui a fait qu’il a chuté. Et Mir
finit 2e en Australie… Là, Remy en avait vraiment gros sur la
patate. Là, en Malaisie, il s’est un peu trop énervé. Quand il voit
qu’il est devant, il a tellement envie de bien faire qu’il
sur-pilote. Mais en tout cas, on a vu que la première ligne n’était
pas passée loin et qu’il pouvait encore au moins jouer un top
5.
C’est vraiment dommage parce que je pense qu’avec Remy, on a loupé
le coche. Il avait fait 6e en Argentine mais le gros problème a été
cette énorme chute qu’il a faite où il s’est cassé en 1000 morceaux
les 2 jambes : c’était grave ce qu’il a eu ! Il commence
seulement maintenant à être en pleine possession de ses moyens
physiques, et il se fait vraiment plaisir sur la moto. Et depuis 4
ou 5 courses, ça paye !
Donc évidemment, ça me fait de la peine, parce que je vous ai
parlé de la Yamaha, mais c’est la 10e saison avec les Moto2 à
moteur Honda et vous pouvez imaginer qu’il n’y a pas eu cette année
énormément de développement chez nous puisque l’on sait que l’on va
rouler avec des KTM l’an prochain, et on voit que la machine est
toujours dans le coup ! Et quand vous voyez la puissance d’une
usine KTM, avec le nombre d’essais, que ce soit sur la piste ou en
soufflerie, la puissance de Kalex avec le nombre de retours et
d’informations qu’ils ont avec le nombre de pilotes qu’ils ont sur
la grille, le fait que Speed Up ou Tech3 sont dans le coup prouve
que un Guy Coulon, un Nicolas Goyon et tous les gens qui ont bossé
sur ce programme là, avec des moyens ridicules impossibles à
comparer avec ceux de KTM et Kalex, finalement les mecs ne sont pas
si mauvais que ça !
Il n’est pas question de gonfler le torse, et on a intégré que sans
une KTM ou une Kalex, il n’était pas question d’attirer des top
pilotes. Les dés sont pipés et ça ne peut pas fonctionner.
L’aventure Mistral se termine et c’est toujours un petit peu un
pincement au cœur, mais on le fait sans amertume. On a été au bout
de nos rêves. La saison prochaine, on rentre dans le moule mais
c’est quand même réconfortant de voir que, à la fin de cette
aventure, quand tu as un pilote comme l’a montré Vierge l’année
dernière avec notamment sa première ligne sur le sec et son podium
sur le mouillé à Motegi, quand tu as un pilote qui marche, les
machines sont toutes très très proches.
Et idem en MotoGP : quand tu as un pilote qui marche, qui y croit
et qui positive, même si tu as une moto qui a 2 ans d’âge sans
évolution, tu peux quand même te battre pour le top 5, voire des
podiums, voire des poles ».
Bo Bendsneyder sera-t-il de retour à Valence ?
« Non, c’est Hector Garzo qui va rouler à sa place. Il sera
à Valence en spectateur. C’est dommage parce qu’il avait fait sa
plus belle course en Thaïlande en finissant 14e, mais avec des
supers chronos et une belle deuxième partie de course. Puis il y a
eu cet incident horrible et c’est quelque chose qui ne devrait pas
arriver, même si malheureusement en sports mécaniques ces choses-là
peuvent malgré tout se produire.
Là où je suis content, c’est que, et Remy chez Stop and Go, et Bo
chez NTS, ont retrouvé un guidon et auront des motos compétitives
l’année prochaine. C’est pour moi important, parce que les deux
sont des bons pilotes ».