Il fut un temps qui nous semble aujourd’hui très éloigné, où les Grands Prix motos étaient de grandes fêtes populaires. La foule bigarrée et aux couleurs de ses héros et marques préférés faisaient résonner sa passion dans des gradins bondés. Elle donnait ainsi le sentiment grisant au pilote d’être le gladiateur contemporain d’une nouvelle arène où il était adulé. Il y avait de l’ambiance et la joie était communicative. Puis une pandémie s’est abattue faisant de ses grands rassemblements un des vestiges d’un monde dit d’avant. Valentino Rossi, qui va aborder un Grand Prix d’Italie promis au seul son des moteurs sur un site du Mugello vide, dit ce qu’il en pense. Et c’est assez déprimant.
L’an passé, le monde découvrait les affres d’une pandémie et aujourd’hui encore il vit sous une chappe de plomb imposée par une Covid-19 qui oblige non seulement à une limitation des flux entre les biens et les personnes, mais aussi à une distanciation sociale de tous les instants. L’autre est maintenant un danger potentiel et il est défini par une corpulence et le timbre d’une voix puisque le reste est totalement masqué. De nouvelles relations qui perdureront, malgré vaccin et précautions.
Mais revenons au microcosme des Grands Prix. Valentino Rossi, à la veille de son Grand Prix d’Italie qui était avant le coronavirus un rendez-vous passionné avec son peuple, regrette qu’à présent chaque meeting soit comme une rencontre anonyme de clubs. Et il y a des circuits où cette froideur est subie plus qu’ailleurs : « le Mugello est toujours une course très importante. A côté de Jerez, c’est certainement l’endroit où le plus gros problème est quand il n’y a pas de fans », a ainsi soupiré Valentino Rossi en apprenant au Mans que le Grand Prix d’Italie du 28 au 30 mai devrait se dérouler sous le régime du huis-clos. « Parce que la piste est comme un stade naturel, où vous pouvez voir les gens lorsque vous pilotez. C’est donc dommage que nous n’ayons pas de fans là-bas ».
Rossi : « parfois, vous vous demandez à quoi ça sert de rouler devant personne »
Pour bien se faire comprendre, il fait des comparaisons fortes : « Le Mugello sans spectateur c’est comme la finale de la Ligue des champions sans spectateur. Mais c’est ce qui se passe un peu partout en ce moment » regrette-t-il. « C’est comme un essai du lundi. Avant, après le week-end de course, vous vous étiez habitué à la foule et au bruit dans les gradins. Mais lundi, seules les boîtes vides traînaient et les papiers volaient dans les airs. Une atmosphère irréelle, presque postnucléaire, juste un peu triste ». Et c’est aujourd’hui le quotidien d’une saison entière.
Vale a également admis sur Speedweek: « parfois, vous vous demandez à quoi ça sert de rouler devant personne. Mais c’est ainsi. Et c’est toujours mieux que de ne pas rouler du tout. Espérons que tout reviendra bientôt à la normale ». A propos : il n’y a pas eu de Grand Prix d’Italie l’an passé à cause de la pandémie. Ce retour en Toscane sera-t-il honoré par la tradition de voir le Doctor avec une décoration de casque spécifique, malgré les tribunes vides ? « Ça peut être » dit Rossi. S’il dérogeait à la règle, ce serait vraiment le signe de la fin du monde…
Et c’est comme prendre une retraite : ce serait une grande tristesse que d’annoncer ce grand événement et ce tournant décisif dans la plus grande confidentialité et la distanciation avec les fans. Le voilà donc contraint d’attendre des jours meilleurs. Ce qui veut dire poursuivre au moins jusqu’en 2022 ?