L’homme de Yamaha en Grand Prix, soit Lin Jarvis, regrette que Ducati ait huit MotoGP sur la grille de départ tout en reconnaissant que la marque d’Iwata serait bien incapable de produire un tel effort. Il clame à qui veut l’entendre que le blason aux diapasons aura à nouveau une équipe satellite en 2024, s’inscrivant à contre-courant de la situation contractuelle et sportive qui a actuellement cours dans le paddock. Et il oublie de mentionner une chose essentielle : de Tech3 à RNF, ce sont les écuries qui ont quitté Yamaha qui n’a jamais pris en considération ce que son allié lui demandait. En écoutant Razlan Razali, qui est à présent dans le clan d’Aprilia, on comprend qu’il n’est pas d’autre responsable de l’actuelle situation de Yamaha que Yamaha.
Yamaha alignera seulement deux machines en MotoGP durant la saison 2023, et c’est une grande première pour une marque qui a toujours eu quatre M1 sur la grille de départ. Honda gardera cet effectif tandis que le compatriote Suzuki a quitté le paddock. La marque d’Hamamatsu s’en sortait aussi avec seulement deux GSX-RR. Le seuil critique pour un grand constructeur engagé dans la plus haute compétition moto sur piste.
Certes, Yamaha ne s’en sort qu’avec son pilote Fabio Quartararo qui, assumant autant cette exclusivité que cette solitude ne s’était guère ému du départ de l’équipe RNF vers Aprilia, laissant les Japonais entre eux dans leur box officiel. Mais politiquement, cet isolement n’est visiblement pas entériné puisque Lin Jarvis a pris son bâton de pèlerin pour retrouver un allié. Ou plutôt un client. Et c’est cette différence qui fait de la démarche du responsable anglais une mission suicide.
En effet, non seulement Lin Jarvis n’a aucun argument technique crédible pour convertir un partenaire Ducati à la cause Yamaha, mais en plus ce qu’il est autorisé à proposer n’a rien d’engageant. Et l’affection comme l’histoire n’y changeront rien. Son entrisme et son insistance à s’imaginer célébrer un retour de Valentino Rossi via la VR46 au bercail font pour le moment long feu. L’intervention surprise du Président de la FIM assurant que cette affaire était en cours a qui plus est totalement décrédibilisé les parties poussant à la roue pour cette solution. A Tavullia, on s’est fendu d’un nouveau démenti. Quant à Jorge Viegas, son aura en a pris un coup si on en juge par le commentaire bien senti de Carlo Pernat : « c’est n’importe quoi, on est dans le plus pur amateurisme, je ne sais que dire ».
« Avec Aprilia ce n’est pas une relation entre clients, mais un partenariat et c’est ce que j’ai toujours demandé à Yamaha«
S’il ne sait que dire, Razlan Razali, lui, peut en parler. Car en fait, ce n’est pas la seule fois que Yamaha voit un allié lui tourner le dos. C’est la seconde. En 2019, Tech3 a ainsi épousé la cause de KTM après 18 saisons passées sous le blason aux diapasons. La raison ? Une meilleure considération, un appui officiel et le statut de vrai partenaire. Une issue qui aurait dû servir de leçon à Yamaha qui a pu se rabattre sur Petronas devenu ensuite RNF et sous la même impulsion d’un Razlan Razali réclamant les mêmes choses qu’Hervé Poncharal. Mais par autisme, arrogance ou incompétence, on a continué comme si de rien n’était chez Yamaha. Avec la même sentence…
Pour bien comprendre comment on a pu en arriver là, il faut rappeler les propos du patron malaisien, à présent employé depuis que son équipe a été reprise par le sponsor CryptoDATA… « Le MotoGP est une grosse affaire. Nous sommes au sommet du championnat du monde moto » commence-t-il sur Corsedimoto. « Donc, vous avez besoin d’un plan à long terme, d’une stratégie à long terme pour les sponsors, le marketing, et quoi que ce soit ». Et il entre dans le vif du sujet : « j’ai pu accepter que 2022 ne soit qu’une année, en raison de diverses circonstances, mais je crois qu’en milieu d’année nous avons montré que nous avions bien fait… Alors on se demande pourquoi ils ne m’ont pas accordé un accord pluriannuel ».
L’équipe RNF ne pouvait pas accepter la confiance symbolique de Yamaha, cela ne lui aurait pas permis de donner confiance et stabilité à ses partenaires commerciaux. La planification à long terme est le sel des affaires, mais Lin Jarvis n’a pas reçu de certitude financière avant le printemps. En revanche, la société basée à Noale, bien décidée à vouloir une équipe satellite, s’est montrée moins frileuse et a proposé un contrat 2+1 à Razlan Razali.
« Ils veulent qu’on les batte et ça fait plaisir à entendre, ce n’est pas une relation entre clients, mais un partenariat », a conclu le team principal. « Et c’est ce que je demande depuis tout ce temps ». Et il y a fort à parier que cette ambition sera formulée à Lin Jarvis lorsqu’il errera dans le paddock en quête de solution pour mettre deux Yamaha de plus sur la grille de départ. Sur ce plan là aussi, les Japonais doivent changer de mentalité…