La manche inaugurale de la saison MotoGP 2022 a débouché sur la première victoire d’Enea Bastianini dans la catégorie reine, au terme d’une course parfaitement maîtrisée qui a vu l’Italien prendre les commandes dans les tous derniers tours au détriment de Pol Espargaró.
Ce dernier avait pourtant réalisé le holeshot et mené la majorité de la course, mais un choix de gommes peu opportun l’a fait chuter sur la troisième marche du podium dans les dernières encablures. Le pilote de l’équipe Repsol Honda est revenu sur son deuxième podium pour le constructeur japonais en conférence de presse, et nous vous retranscrivons ici l’intégralité de ses propos.
Pol, vous avez réalisé un
holeshot mémorable et vous avez imprimé un rythme incroyable
jusqu’en fin de course. Était-ce vraiment le plan que vous vous
étiez fixé avant le départ ?
« Avant le début de chaque course vous essayez de prévoir votre
position, et de déterminer le rythme de vos rivaux et le vôtre en
particulier. Nous nous attendions donc à être dans un groupe avec
des gars disposant d’un rythme de course vraiment similaire, et de
cette façon nous pensions pouvoir bien économiser les pneus, car
pour ma part j’avais le pneu soft à l’avant et à l’arrière. Je
voulais également économiser du carburant car je savais bien que
tout le monde allait être à la limite. Je me suis donc retrouvé aux
avant-postes en train de mener la course, et ce fut donc une
situation complètement différente de ce que nous avions prévue.
J’ai poussé les pneus et le moteur à leur limite, et à sept tours
du but je savais pertinemment que mes pneus étaient usés à la
corde. J’ai d’abord commencé à perdre de l’adhérence sur le flanc
droit du pneu arrière, et ensuite le pneu avant s’est mis à se
bloquer de plus en plus facilement. Le problème est que mon style
de pilotage est essentiellement basé sur la gestion du frein
arrière en entrée de virage. Donc quand l’arrière a commencé à se
bloquer, je savais que c’était fichu pour moi. Enea a donc fini par
me doubler, et j’ai tenté de lui prendre l’aspiration ensuite mais
ma vitesse de pointe a tellement augmenté que j’ai bien cru que je
n’allais jamais m’arrêter et que j’allais finir dans les graviers.
Finalement ce ne fut pas le cas, Brad Binder m’a dépassé et j’ai
tout de même pu finir à cette troisième place. Mais au final je
suis tout de même très content, car nous venons de lancer le
message que Honda est de retour, d’autant plus avec le bon résultat
de Marc Márquez. »
« A sept tours du but mes pneus étaient usés jusqu’à la corde »
La saison 2021 a été
particulièrement difficile pour vous et Honda. Mais ce weekend
semble vous avoir redonné un surplus de confiance. Pensez-vous
pouvoir vous battre pour le championnat cette
saison ?
« J’ai eu de bonnes sensations dès
les essais en Malaisie, avant de faire le meilleur temps à
Mandalika où j’ai en plus eu un très bon rythme de course. Après
ces essais j’étais encore prudent et je voulais attendre de voir
comment allait se dérouler ce premier weekend de course. Au final
j’ai mené durant la majeure partie de l’épreuve et je me suis
vraiment senti solide sur la moto. J’ai la conviction de pouvoir
rouler comme ça sur toutes les courses. Nous avons bien commencé
ici au Qatar, notre position à l’arrivée est bonne, nous prenons 16
points ici, et à présent nous allons prendre la direction de
Mandalika où je suis très rapide. Peut-être que je vais pouvoir
viser l’objectif qui me motive chaque jour quand je me lève : être
Champion du monde. Ce qui est sûr c’est que je vais me battre pour
cela avec Honda. »
« Je vais me battre pour être Champion du monde avec Honda »
La saveur de ce podium
est-elle différente sachant que vous n’avez pas Marc Márquez à vos
côtés [lors de son premier top 3 avec Repsol Honda, lors du GP
d’Emilie-Romagne 2021, Pol Espargaró avait fini deuxième derrière
son coéquipier], et que vous êtes le numéro 1 de l’équipe ici
?
« Je suis content de voir que Marc s’est tout de
même battu pour le podium, car c’est un bon signe pour Honda. Nous
avons travaillé durant tout l’hiver, et l’équipe a modifié la moto
de fond en comble. Au final j’obtiens ce bon résultat et je dois
dire que la moto n’est pas aussi difficile à piloter que l’an
dernier, et nous sommes à présent tous les deux en mesure de nous
battre pour le podium. Je ne suis pas censé être particulièrement à
l’aise ici, et la moto non plus, car il y a beaucoup de virages à
grand rayon, et le niveau de grip n’est pas génial. J’aimerais donc
vraiment voir ce que ça donne sur un tracé qui fournit plus
d’adhérence et où je peux donc utiliser mon pilotage basé sur la
gestion du frein arrière. Dans ces conditions je pense que Marc et
moi pourrons nous battre pour le podium. Ce serait une bonne chose
pour tout le monde. »
Vous avez vu votre frère
Aleix revenir sur vous lors des derniers tours de course. On a bien
failli assister à un combat fratricide !
« Vu
l’état de mes gommes en fin d’épreuve, j’aurais été bien incapable
de me défendre face à lui ! C’était donc une bonne chose qu’il
reste derrière moi à deux bonnes secondes. Je pense cependant
qu’étant donné qu’Aleix est rapide avec l’Aprilia et moi aussi avec
la Honda, on devrait avoir droit à d’autres belles bagarres
prochainement. »
« On devrait avoir d’autres belles bagarres avec mon frère Aleix prochainement »
C’était votre première
course avec la nouvelle moto. Avez-vous découvert de nouvelles
choses à son sujet durant le weekend ?
« La
moto est complètement nouvelle, et il reste encore énormément de
choses que nous devons améliorer, que ce soit au niveau de
l’électronique, de la traction ou de la partie avant de la moto.
Aujourd’hui nous avons pris une option différente d’Enea Bastianini
et Brad Binder. C’était une bonne décision, mais nous étions
vraiment à la limite avec Marc, et tous les deux nous avons
beaucoup souffert sur l’avant. Nous n’avons pas été en mesure de
rouler avec le pneu medium à l’avant. Nous devons donc encore
travailler là-dessus. Nous étions dans un entre-deux au niveau des
pneus, et avant la course nous ne savions vraiment pas lequel
choisir. Ici c’était probablement l’un des endroits les plus
difficiles pour nous, mais tout devrait être un peu plus clair sur
la prochaine manche, en Indonésie. »
« Nous étions dans un entre-deux au niveau des pneus »
Après ce weekend réussi,
pensez-vous avoir enfin à votre disposition la moto qu’il vous faut
pour exprimer pleinement votre talent ?
«
C’est clairement la moto que je voulais. Elle est beaucoup plus
simple d’utilisation, il n’y a pas à forcer pour obtenir un bon
résultat. Je n’ai pas encore chuté depuis le début des essais
hivernaux avec cette moto, et pourtant il y a eu bien des occasions
pour dépasser les limites, que ce soit lors des tests quand j’ai
roulé en pneus usés ou ici quand je me suis livré à des time
attack. Tout cela signifie que la moto est à la fois plus rapide
mais aussi plus sûre. C’était quelque chose de très important pour
nous et je pense que nous y sommes parvenus. Je me sens vraiment
fort dessus, et je pense pouvoir atteindre les résultats qui sont
attendus de moi depuis que Honda m’a recruté. J’espère pouvoir
conserver cette dynamique. »
Vous dites avoir été dans un
entre-deux au niveau des pneumatiques. Est-ce lié plutôt à votre
relative méconnaissance de la nouvelle moto, ou bien au fait de ne
pas vouloir prendre le risque de chausser le pneu soft à l’arrière
de prime abord ?
« Nous devons encore progresser
dans notre compréhension de ce domaine. Ici vous ne disposez pas
d’une seule séance où vous pouvez vraiment travailler en profondeur
sur les pneus. Dans ces conditions vous ne pouvez pas vraiment
comprendre le comportement de la moto et donc prédire ce qui va se
passer en course. Il est difficile de prévoir ce qu’il va se passer
lors de l’épreuve si la température est par ailleurs radicalement
différente de celle observée lors des essais libres, avec parfois
des écarts entre 15 et 20°C en piste. Alors c’est vrai
qu’aujourd’hui nous avons pris la décision la plus prudente dans le
sens où j’étais sûr d’être rapide avec cette gomme. Il était
nécessaire pour la première course disputée avec cette moto de
sécuriser ce résultat. »
Marc Márquez a déclaré dans
le weekend que la nouvelle Honda réclamait un pilotage beaucoup
moins agressif que par le passé. Or vous avez toujours voulu
adopter un style plus agressif sur vos machines. Partagez-vous donc
le point de vue de votre coéquipier ?
« Il
est possible qu’avec son style de pilotage Marc ait besoin d’être
plus doux. Pour ma part j’ai vraiment besoin de piloter la moto de
façon agressive car de cette façon je gagne bien plus de grip à
l’arrière. Dans ces conditions je peux davantage forcer sur l’avant
et l’arrière. J’apprécie vraiment le comportement de cette nouvelle
moto, même si bien sûr il faut encore la dégrossir et
l’améliorer. »