Manuel Pecino est un des meilleurs journalistes permanents des Grands Prix. Auparavant responsable au sein du groupe Alesport qui publie entre autre Solomoto, l’Espagnol travaille maintenant en indépendant et a ouvert son propre site depuis plus d’une année. Ses relations au sein du paddock lui ouvrent toutes les portes et l’homme vient notamment de réussir à poser les mêmes questions à tous les responsables techniques des constructeurs impliqués en MotoGP. Ces réponses, après celles concernant l’aérodynamisme sont donc à prendre en considération.
Quelles sont vos priorités en termes de puissance moteur ?
Kouichi Tsuji (Yamaha) : « La puissance reste une quête perpétuelle. Cependant, nous devons être en mesure de l’utiliser et nous travaillons à maintenir le meilleur caractère possible car cela aide à piloter la moto. Pour nous, le moteur est un composant du châssis. »
Tetsuhiro Kuwata (Honda) : « Même si cela ne le rend pas plus facile, le développement du moteur est le plus facile à quantifier. De toute évidence, nous voulons obtenir autant de puissance que possible. Un moteur puissant est le gage d’accélérer plus rapidement et d’aller plus vite dans les lignes droites. Ceci est l’une des meilleures façons d’aller plus vite sur un tour de circuit. De toute évidence, cette puissance doit être utilisable, et c’est la raison pour laquelle nous la gérons correctement avec l’électronique. La puissance ne doit pas non plus mettre en défaut le châssis. Voilà l’équilibre que nous recherchons aujourd’hui. »
Gigi Dall’Igna (Ducati) : « Nous ne cessons jamais de travailler pour développer notre moteur. Notre objectif aujourd’hui est d’améliorer sa facilité d’utilisation, tout en conservant la puissance qui en fait un atout. »
Ken Kawauchi (Suzuki) : « Depuis l’année dernière, nous avons de bonnes reprises à bas régime. Notre moteur est gérable, facile à utiliser, ce qui est une caractéristique que nous voulons évidemment conserver. Dans le même temps, nous cherchons à améliorer la puissance à des vitesses moyennes et élevées. Tout cela est équilibré, parce que l’augmentation de la puissance à bas régime causerait trop de patinage et serait trop exigeant pour le contrôle de la traction, ce que nous ne voulons pas. La transition entre la puissance à bas et moyen régime est très importante. »
Romano Albesiano (Aprilia) : « Nous essayons d’améliorer la courbe de couple pour obtenir un moteur plus plein. Dans tous les cas, nous savons très bien que la puissance est essentielle quand nous nous trouvons à nous battre avec un autre pilote. Plus vous allez vite en ligne droite, meilleur c’est. »
Sebastian Risse (KTM) : « La puissance est là. En termes d’utilisation, nous avons eu de bons commentaires des différents pilotes qui ont essayé la moto l’année dernière. Aujourd’hui, nous avons deux pilotes qui n’ont connu que la Yamaha depuis qu’ils courent en MotoGP. La M1 a la réputation d’avoir une très bonne courbe de puissance, d’être facile à utiliser. Ils doivent maintenant s’habituer à un V4 dont les caractéristiques sont différentes. Et de notre côté, nous devons continuer à faire des progrès. Beaucoup de travail a été fait depuis Novembre et les premiers retours de Pol et Bradley sur la liaison entre la poignée des gaz et la courbe de couple. Nous ne sommes pas trop mal… »
Remarques : Aujourd’hui, les moteurs de MotoGP délivrent environ
275 chevaux, si tant est qu’un tel chiffre veuille dire quelque
chose (méthode de calcul, puissance au vilebrequin, à la boîte, à
la roue, etc). On le voit dans les réponses pré-citées, même si
une plus grande puissance est toujours la bienvenue, ne
serait-ce que pour doubler en ligne droite, elle doit s’accompagner
d’une certaine douceur pour ménager l’adhérence du pneu, soit une
contradiction que seules les aides électroniques peuvent aider à
gérer.
La puissance maximum n’est guère plus utilisée qu’une petite
fraction du temps pendant un tour de circuit, principalement à
haute vitesse en ligne droite. Petite mais importante.
En ce domaine, Ducati possédait un avantage indéniable mais cela
n’a pas empêché l’usine de Borgo Panigale de concevoir un nouveau
moteur pour cette saison 2017 pour contrer les améliorations de
Honda, Yamaha et Suzuki en la matière.
Pour le moment, d’après nos informations, cela ne se passe pas sans
heurt et les premiers essais à Sepang et en Australie ont conduit à
de nombreuses ruptures moteur. A l’image de Honda qui n’a pas
encore officiellement choisi entre deux versions de son nouveau
moteur, Ducati compte donc sans doute sur ces derniers essais
MotoGP officiels intersaison au Qatar pour faire son choix
avant de faire homologuer ses moteurs pour toute l’année.
Le problème ne semble pas se poser chez Yamaha et Suzuki, qui semblent avoir bien progressé sur une seule version, alors que chez Aprilia et surtout KTM, on sortira sans doute des évolutions moteur en cours de saison, comme le règlement les y autorise.
Note : Lors des essais intersaison, les feuilles de résultats ne mentionnent pas les meilleures vitesses maxi atteintes…