Après Gresini Racing, qui a ouvert le bal des présentations des motogp pour la saison 2022 il y a une huitaine de jours, ce fut ce lundi au tour de la toute nouvelle équipe WithU Yamaha RNF MotoGP Team d’y aller de son introduction. La structure, qui remplace cette année le Petronas Yamaha SRT, affiche déjà de solides ambitions, qui plus est avec un duo de pilotes prometteur alliant la fougue de la jeunesse (Darryn Binder) à l’expérience de la maturité : Andrea Dovizioso.
Le premier cité aura néanmoins la lourde tâche de faire taire les critiques alors que le Sud-Africain s’apprête à faire le grand saut du Moto3 au MotoGP. C’est bien simple, un seul pilote n’a jusqu’ici réussi pareil exploit : Jack Miller en 2015. L’Australien devrait ainsi constituer une référence de premier ordre pour le frère cadet de Brad, qui vient de fêter ses 24 ans vendredi dernier, mais Darryn pourra également compter sur l’expérience de son coéquipier.
Arrivé en Grands Prix en 2015, le rookie ne s’est imposé jusqu’ici qu’une seule fois, c’était en Catalogne en 2020. Et malgré deux nouveaux podiums l’an dernier pour le compte du Petronas Sprinta Racing, le numéro 40 s’est rendu coupable de grosses bourdes, la plus notable s’étant déroulée lors de la pénultième manche, en Algarve, lorsqu’il avait percuté l’un des prétendants au titre, Dennis Foggia.
De quoi faire jaser dans le paddock quant au caractère prématuré de l’arrivée de Darryn Binder en MotoGP, ce dernier étant bien souvent dépeint comme un pilote pas encore suffisamment mature pour évoluer en sécurité dans la catégorie reine. Une chose est sûre : l’intéressé aura donc à cœur cette année de donner tort aux critiques.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos du pilote sud-africain, impatient de faire ses débuts dans la catégorie reine à l’occasion des essais à Sepang, le 5 février.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Darryn Binder sans la moindre mise en forme, même si cela est traduit de l’anglais.
Darryn, c’est bon de vous voir enfin en MotoGP. Cela étant, il y a eu beaucoup de discussions au sujet de votre passage direct du Moto3 à la catégorie reine, tout comme cela avait déjà été le cas avec Jack Miller par le passé. Comment vous êtes-vous préparé en vue de cette saison, que ce soit pour bien performer que pour faire avec les critiques de certaines personnes qui jugent votre arrivée dans la discipline prématurée ?
« Pour moi, c’est un rêve qui se
réalise, car tout le monde souhaite rouler en MotoGP, donc quand
vous avez une telle opportunité qui se présente vous ne pouvez tout
simplement pas la refuser. C’est la plus grande opportunité que je
n’ai jamais eue dans ma vie. Cela dit, je sais bien que mon arrivée
ici a provoqué des sentiments partagés et des commentaires très
différents selon les personnes, mais disons les choses telles
qu’elles sont : j’aurais été stupide de refuser l’opportunité
unique qui m’était offerte de piloter dans la catégorie
reine.
J’ai donc saisi cette chance et je compte bien
donner le maximum. Je suis vraiment très heureux de débarquer en
MotoGP, et je n’ai que faire des critiques. Je n’ai d’ailleurs pas
besoin de coach mental comme cela a pu m’être suggéré. Je suis une
personne comblée, et concernant toutes les conneries qu’on peut
raconter, je m’en lave les mains. Je dois dire que j’approche cette
saison comme j’ai approché jusqu’ici toutes les autres. Bien sûr,
j’ai changé quelques petites choses en ce qui concerne mes
entraînements, et j’ai essayé de hausser mon niveau de jeu dans
plusieurs domaines. Mais je n’ai pas fondamentalement changé mon
approche de la course, car au final nous parlons toujours de
compétition moto, comme auparavant. »
« C’est la plus grande opportunité que je n’ai jamais eue dans ma vie »
Nous venons de faire allusion aux critiques des fans, mais certaines sont également formulées par les médias ainsi que par des pilotes que vous allez côtoyer en piste cette saison. Est-ce que vous avez un plan pour essayer de faciliter les choses dans le paddock ? Peut-être aller à la rencontre de vos adversaires et prendre l’initiative de faire les présentations ?
« Au final je vais simplement me
contenter de faire mon boulot, qui est de monter sur la moto et de
faire de mon mieux. Bien sûr, j’aimerais bien laisser toutes les
mauvaises histoires derrière moi et repartir depuis une feuille
blanche, mais c’est quelque chose de difficile à faire et à la fin
de l’an dernier j’ai fini par commettre une grosse erreur.
Je vais donc simplement grimper sur la moto et faire en sorte
de faire du mieux que je peux tout en me tenant éloigné des
problèmes. Dans cette optique, j’espère que je vais livrer de
belles courses ainsi que de belles batailles avec les autres gars.
Après, que les autres m’apprécient ou pas cela ne change pas
grand-chose pour moi, car au final c’est chacun pour soi en piste.
Bien sûr, je ne suis pas fermé à la conversation, bien au contraire
je pense être quelqu’un d’affable. En ce qui concerne les médias,
je pense que tout ce qui s’est passé l’an dernier a gagné des
proportions exagérées. »
« Que les autres m’apprécient ou pas, cela ne change pas grand-chose pour moi, car au final c’est chacun pour soi en piste »
Vous venez de déclarer que vous avez ajusté votre préparation cette année. Pouvez-vous nous expliquer plus en détails ce que vous avez changé par rapport aux années précédentes ?
« La première chose que j’ai modifiée, c’est ma façon de manger, car je n’étais pas très satisfait de mon poids. Cela mis à part quand je suis retourné en Afrique du Sud j’ai entamé un nouveau programme d’entraînement avec un nouvel entraîneur : je me suis en effet concentré sur le physique car je voulais gagner plus de force pour être en mesure de bien dompter la motogp, qui est une machine plus imposante, plus lourde, que toutes celles que j’ai pilotées jusqu’ici. J’ai aussi essayé de travailler sur moi pour être capable de tirer le maximum de moi-même, et d’arriver ainsi en début de saison en étant le plus fort possible. »
Quand on est venu vous proposer un guidon en MotoGP, vous avez dû vous demander « pourquoi moi ? » ?
« J’étais tout simplement surexcité ! Je n’ai posé aucune question et j’ai juste dit que j’étais fin prêt pour faire le grand saut ! Après, savoir pourquoi on m’a choisi moi plus qu’un autre, je pense que c’est une question liée au management. La base mon plan était de rester en Moto3 avec Petronas et d’essayer de gravir les échelons un à un avec eux. Maintenant je dois saisir l’opportunité qui m’est offerte et en tirer le maximum, et je dois prouver qu’on a eu raison de me choisir. »
« Je dois prouver qu’on a eu raison de me choisir »
« La première personne que vous devez battre est votre coéquipier », dit-on souvent dans le monde de la course, mais dans votre cas vous avez un frère qui évolue déjà en MotoGP. Peut-on considérer qu’il va devenir votre adversaire numéro 1 ?
« A 100% ! On va déjà voir comment se déroule la première course, mais le battre fait clairement partie de mes objectifs. »
Qu’est-ce que vous ressentez justement à l’idée de piloter face à votre frère ?
« Cela va vraiment être incroyable de me mesurer à mon frère en piste. Nous avons déjà couru l’un contre l’autre il y a quelques années en Afrique du Sud lorsque nous étions plus jeunes. Par la suite nous avons également passé deux années ensemble en Moto3, mais nous n’évoluions alors pas au même niveau car moi j’arrivais tout juste dans la catégorie et j’avais beaucoup à apprendre. Dans les faits, je ne peux donc pas dire que nous nous soyons déjà battu comme des chiffonniers en piste. Je vais donc essayer de me mettre à son niveau afin de pouvoir livrer bataille face à lui, ce serait vraiment quelque chose de spécial. »
Vous allez faire équipe cette année avec le pilote qui est désormais le plus expérimenté sur la grille, à savoir Andrea Dovizioso. Quitte à choisir, préféreriez-vous demander conseil à ce dernier ou à votre frère ?
« Si j’ai des questions sur les réglages de la moto ou bien sur la gestion de la course, je pense que je me tournerai davantage vers Andrea, pour la simple et bonne raison qu’il est dans la même équipe que moi ainsi que sur la même moto. Il dispose en outre d’une plus grande expérience. Cela ne veut cependant pas dire que je ne vais rien demander à mon frère, mais nous allons avoir deux machines très différentes entre nos mains, et les besoins ne seront sans doute pas les mêmes. C’est par ailleurs une chance pour moi de partager le garage d’un gars aussi expérimenté qu’Andrea, et j’espère donc que je vais pouvoir apprendre beaucoup auprès de lui. »
Razlan Razali, le patron de Yamaha RNF, a expliqué que votre passage direct du Moto3 au MotoGP était non seulement une grande prise de risque pour l’équipe mais aussi pour vous. Comme vous l’avez dit, et on le comprend bien, il n’était de toute façon pas question pour vous de rejeter une telle proposition, mais avez-vous tout de même eu un moment de doute au moment d’accepter l’offre ?
« C’est clair que c’est un énorme risque que de faire le grand écart entre les deux catégories. L’idée n’est par ailleurs pas d’atteindre le MotoGP, mais d’y rester. C’est vrai que c’est un grand risque, mais je ne pouvais effectivement pas refuser cette offre qui m’était faite. Je dois dire que ce n’est pas quelque chose qui me tourmente plus que cela, car piloter une motogp a été mon rêve durant toute ma vie. Je vais donc faire du mieux que je peux. »
On compare énormément votre parcours avec celui de Jack Miller pour votre passage direct du Moto3 au MotoGP, mais il y a aussi tout un tas de pilotes qui n’ont fait qu’un passage éclair en Moto2, comme Maverick Viñales ou Joan Mir par exemple, sans que cela ne les pénalise outre-mesure. Considérez-vous ces pilotes comme des références dans votre progression ?
« Si on regarde le parcours de Jack Miller, cela lui a pris du temps mais il a réussi à faire son trou, et comme vous l’avez dit d’autres pilotes sont arrivés en MotoGP après seulement une saison passée dans la catégorie intermédiaire. Après, j’ai toujours pensé que j’allais davantage rencontrer des difficultés en Moto2 qu’en MotoGP en raison de ma taille et de mon poids. Je devrais donc être plus à l’aise sur une plus grosse machine. »
« En raison de ma taille et de mon poids, je devrais être plus à l’aise sur une plus grosse machine »