Après Gresini Racing, qui a ouvert le bal des présentations des motogp pour la saison 2022 il y a une huitaine de jours, ce fut ce lundi au tour de la toute nouvelle équipe WithU Yamaha RNF MotoGP Team d’y aller de son introduction. La structure, qui remplace cette année le Petronas Yamaha SRT, affiche déjà de solides ambitions, qui plus est avec un duo de pilotes prometteur alliant la fougue de la jeunesse (Darryn Binder) à l’expérience de la maturité : Andrea Dovizioso.
Ce dernier, qui prendra part en 2022 à sa 15e saison et qui avait rejoint l’an passé le Petronas Yamaha SRT en cours d’exercice après une période sabbatique (l’Italien a ainsi pris part aux cinq dernières manches de la saison 2021 pour le compte de l’équipe malaisienne) et qui avait dû se contenter d’une spécification de la M1 datant de 2019, pourra cette fois-ci compter sur la dernière génération de la machine japonaise. De quoi être résolument optimiste pour le championnat qui s’annonce.
Le pilote de bientôt 36 ans (il sera le plus vieux sur la grille cette année), trois fois vice-Champion du monde de 2017 à 2019 avec Ducati, se lance donc un nouveau défi, sans doute le dernier de sa carrière en MotoGP.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos du pilote italien impatient de débuter les essais à Sepang, le 5 février.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Andrea Dovizioso sans la moindre mise en forme, même si cela est traduit de l’anglais.
Andrea, vous avez piloté jusqu’ici les Yamaha spécifications 2019 et 2021. Quel est le plus gros changement entre ces deux motos, et qu’attendez-vous de la spécification 2022 que vous allez utiliser cette saison ?
« J’ai effectivement eu la possibilité de faire une comparaison entre les spécifications 2019 et 2021 lors du tout dernier test qui a eu lieu l’an dernier à Jerez. Je dois dire que la différence entre les deux machines est assez énorme. Je n’ai cependant pas encore eu la possibilité de rouler sur la moto de 2022, au contraire des deux pilotes de l’équipe officielle qui ont déjà eu la possibilité d’essayer de nouvelles choses. »
« Je pense donc que lors des premiers essais en Malaisie début février nous aurons déjà une moto sensiblement différente. En ce sens, les deux tests prévus à Sepang revêtiront une grande importance car cela va nous permettre de prendre des décisions concernant la moto que nous allons utiliser cette année. Ces cinq jours de roulage vont sans doute me permettre de m’adapter un peu mieux au pilotage de la Yamaha, car j’ai encore une bonne marge [de progression]. »
En 2020, alors que vous étiez encore chez Ducati, vous aviez rencontré des problèmes avec les nouveaux pneus d’alors. Pouvez-vous nous dire, en vous reposant sur votre expérience de la fin de saison dernière, si ces problèmes perdurent, et si vous devez ajuster votre style de pilotage compte tenu de la Yamaha ? En d’autres termes : est-ce que tout cela vous paraît naturel ou bien vous reste-t-il encore beaucoup de travail pour vous acclimater à votre machine ?
« Je me souviens que la carcasse qui a été introduite en 2020 avait changé profondément la façon dont on devait freiner, et je dois dire que c’est la même chose avec la Yamaha. Pour le moment quand je freine je n’ai toujours pas l’impression d’utiliser le plein potentiel des pneus et de la moto. J’ai fait pas mal de progrès à ce sujet lors des deux dernières courses de l’an passé car j’ai vraiment concentré mes efforts sur l’amélioration de mes freinages. »
« Je dois par ailleurs ajouter que le style de pilotage que requiert la Yamaha n’est pour l’heure toujours pas naturel pour moi. Ce n’est pas quelque chose de facile, mais je pense que c’est faisable. Je pense que cela va demander beaucoup de travail, car quand on touche à un point aussi essentiel d’une machine, il est impossible de ne pas s’adapter : il faut suivre les caractéristiques de la moto. »
« Le style de pilotage que requiert la Yamaha n’est toujours pas naturel pour moi »
L’an dernier vous vous êtes tenu éloigné du championnat pendant quelques mois avant de faire votre grand retour à Misano. Aviez-vous alors ressenti des changements quand vous aviez repris la compétition ?
« Beaucoup de choses avaient déjà changé en 2020, et cela a continué en 2021. En MotoGP il y a toujours des changements importants d’une saison à une autre, pour la simple et bonne raison que le développement des machines et des pilotes y est considérable. Il y a donc toujours quelque chose en mesure de vous surprendre. Mais le plus gros changement a sans nul doute eu lieu en 2020, car ce fut une saison assez étrange à plus d’un titre, que ce soit au niveau du championnat en tant que tel qu’au niveau du contexte sanitaire avec le Covid, et sur le plan technique avec l’introduction de cette nouvelle carcasse pneumatique. »
Pensez-vous que votre situation est similaire à celle de Jorge Lorenzo quand ce dernier est passé chez Ducati en 2017 ? C’est un peu le même cheminement mais en sens inverse pour vous, qui devez également vous adapter, dans votre cas à la Yamaha…
« C’est bien sûr une nécessité, à fortiori en moto. Quand vous changez de machine, il faut bien sûr vous adaptez en conséquence. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Jorge en son temps : il a commencé à être vraiment compétitif lorsqu’il a modifié son approche mentale, ce qui l’a aidé à piloter différemment que quand il était avec Yamaha. Tous les pilotes ont des talents différents, une expérience différente, et il faut dans la mesure du possible réussir à conserver sa propre façon de piloter. »
« Il faut dans la mesure du possible conserver sa propre façon de piloter »
Vous êtes un pilote très important pour Yamaha, qui veut utiliser votre grande expérience pour développer la M1. Mais le passé nous montre que parfois cette expérience peut parfois limiter les pilotes concernés, en particulier quand ceux-ci sont âgés. Est-ce que vous êtes d’accord avec cela ?
« Quand vous avez comme moi une vingtaine d’années d’expérience, je pense que vous avez plus de choses positives que négatives à offrir, car vous savez comment être efficace dans votre travail. »
Concernant la relation avec votre nouveau coéquipier Darryn Binder, vous considérez-vous comme une sorte de mentor pour lui, ou bien restez-vous principalement concentré sur votre propre travail ?
« Je vais être ouvert avec lui comme je le suis avec quasiment tous les pilotes. S’il a besoin de comprendre quelque chose, je serai là. Je pense cependant qu’il a une bonne pointe de vitesse et qu’il a une bonne opportunité de la montrer. Mais s’il a besoin d’aide, je serai là. Sans problème. »
« Si Darryn a besoin d’aide, je serai là »
Vous vous êtes beaucoup entraîné avec Danilo Petrucci. Qu’avez-vous ressenti lorsque vous l’avez vu remporté son étape sur le Dakar ? Est-ce que cela vous a donné des idées pour votre carrière après le MotoGP ?
« Non, non, non ! Je suis assez fou, mais pas autant que lui ! Je ne ferai jamais ça. Je connais bien Danilo, et je sais à quel point il est fort en motocross. C’est vrai qu’il m’a surpris au niveau du résultat, car je ne m’attendais pas du tout à cela. Il a donc fait quelque chose de vraiment fou, et je pense que sa réaction après la spéciale a été émouvante, car quand vous parcourez des centaines de kilomètres dans ces conditions, vous êtes totalement rincé à l’issue. Donc obtenir ce type de résultat après un pareil effort, cela suscite forcément beaucoup d’émotion. J’ai été très content pour lui, et je lui ai envoyé un message car c’était mérité. »
Vous êtes le pilote le plus âgé sur la grille cette année. Est-ce une source de craintes de votre côté ?
« Je ne peux bien sûr pas être satisfait d’être le plus vieux sur la grille [rires] ! Je ne peux pas dire que ce soit quelque chose de positif. Mais si je suis encore là à mon âge, cela signifie aussi que j’ai travaillé de la bonne façon au cours de ma carrière, et que les gens qui m’ont accompagné durant toutes ces années m’ont toujours aidé à progresser. Je peux donc être fier de cela. »
Est-ce que vous avez déjà réfléchi à 2023 ? Avez-vous une idée de ce que vous allez faire après cette année ?
« L’an dernier a été assez étrange, et je m’attends à ce que ce soit encore la même chose cette année. Je prends cette saison comme si c’était la dernière, car je ne sais pas du tout ce qu’il va se passer, et cela va être conditionné comme toujours par les résultats que je vais obtenir. Si ces derniers sont bons, alors il n’y aura pas de problème, mais si c’est difficile ce sera une autre affaire. Pour le moment je n’ai pas de contrat pour l’an prochain, mais de toute façon je n’en veux pas pour l’instant car je ne sais pas encore ce que je veux faire en 2023. Mais encore une fois : tout va être conditionné par les résultats. S’ils sont bons, alors c’est que je prendrais du plaisir, et s’ils ne le sont pas, c’est que ce sera plus difficile pour moi. »