Si vous avez lu le débriefing de Joan Mir, vous avez sans doute été interpellé par sa réponse, ou plutôt son manque de réponse, concernant les pneus Michelin utilisés lors du Grand Prix de Doha.
Il ne semble donc pas inutile de faire le point sur le sujet et, pour cela, d’effectuer plusieurs petits retours en arrière…
Lors des essais pré-saison au Qatar, tout s’est bien passé, donc on n’a quasiment pas entendu parler des pneus Michelin.
Lors du Grand Prix du Qatar, tout s’est bien passé et seules quelques voix se sont élevées du côté de KTM pour indiquer que l’allocation 2021, un cran plus dur que la 2020, ne semblait pas convenir particulièrement à la RC16.
Lors du Grand Prix de Doha, une semaine plus tard, plusieurs pilotes, et non des moindres, ont imputé aux pneus Michelin préchauffés leur manque de performance lors des essais et de la qualification.
Joan Mir : « Nous savons tous que les performances d’un pneu préchauffé sont différentes de celles d’un pneu neuf, c’est pourquoi nous avions gardé le nouveau pour la dernière tentative. Quand ils m’ont dit de revenir, je l’ai fait, mais malheureusement il n’y avait pas le temps de repartir. »
Pol Espargaró : « Nous avons dû utiliser un pneu préchauffé puis un nouveau pour essayer de faire le tour le plus rapide. Entre l’un et l’autre, la moto change beaucoup, car le composé préchauffé a moins d’adhérence en raison d’un problème chimique. Quand j’en ai mis un qui n’avait pas été préchauffé, j’ai eu plus d’adhérence, mais je n’ai pas pu l’exploiter car j’ai fait beaucoup plus d’erreurs. Je n’ai pas pu en profiter. Ce n’est pas une excuse, cependant, car c’est la même chose pour tout le monde. »
Maverick Viñales : « Pour les tours rapides, j’ai dû utiliser deux pneus préchauffés et avec eux je n’ai pas trouvé l’adhérence que je recherchais. La moto glissait beaucoup. »
Qu’est-ce que les pneus préchauffés ?
Ce sont les pneus de l’allocation qui ont été chauffés dans les couvertures chauffantes mais n’ont pas été utilisés. Ils sont alors rendus à Michelin puis redistribués ensuite aux teams lors d’une épreuve suivante, clairement identifiés comme tel. En général, les teams les utilisent le vendredi pour dégrossir les réglages.
Cette pratique est-elle nouvelle ?
Absolument pas. Elle existait déjà avec Bridgestone et a perduré avec Michelin à partir de 2017 (en 2016, année du retour du manufacturier français en MotoGP, les pneus étaient en pleine évolution d’un Grand Prix à l’autre et ne pouvaient donc pas être réutilisés).
Les pneus préchauffés sont-ils moins bons que les pneus neufs ?
Oui et non. Michelin a beaucoup travaillé sur le sujet et surveille avec la plus grande précision la vie de tous ses pneus : nombre de cycles de chauffe, durée de chauffe, température, humidité, etc. au fil des ans, Bibendum a multiplié les études et expérimentations, et il en résulte que les caractéristiques des pneus sont inchangées, à part peut-être un temps de chauffe plus long. Des tests à l’aveugle ont même été effectués, sans que les pilotes d’essais de Clermont-Ferrand puissent déceler la moindre différence de comportement.
Que s’est-il passé lors du Grand Prix de Doha ?
Au préalable, il faut se souvenir que le Grand Prix de Doha n’était pas au calendrier. Michelin a donc dû faire face à la demande de Dorna de fournir les pneus pour une épreuve supplémentaire. On a donc pioché un peu plus que d’habitude dans le stock de pneus préchauffés lors du shakedown et des essais IRTA. Il faut savoir qu’habituellement, chaque pilote reçoit le même nombre de pneus préchauffés, généralement, quand ça arrive, avec un maximum d’un pneu par degré de dureté. Là, circonstances exceptionnelles obligent mais aussi choix de ne fournir que des pneus neufs lors du Grand Prix du Qatar, l’allocation des pilotes pour le Grand Prix de Doha comprenait ponctuellement plusieurs pneus préchauffés par qualité de gomme. Le fait est complètement inhabituel et c’est sans doute cela qui a incité les teams à en faire part à leurs pilotes. À partir de là, il n’en fallait pas plus pour rendre responsable de tous les maux les pneus « pestiférés »…
Pierro Taramasso : « Ce week-end, nous
avons parlé des pneus préchauffés. Les pneus préchauffés sont des
pneus qui font partie de l’allocation des équipes. Les équipes
préchauffent ces pneus en les mettant dans les couvertures
chauffantes et les chauffent à 90°. Nous demandons tout le temps
aux équipes de bien vouloir chauffer seulement les pneus qu’ils
vont utiliser. Vous préchauffez les pneus, vous les mettez sur la
moto, vous les utilisez, et quand ils sont utilisés, on peut les
jeter. Mais parfois, elles ont besoin d’une solution de
remplacement et elles préfèrent chauffer davantage de pneus, et ces
pneus, des pneus complètement neufs, ont été préchauffés dans les
box puis nous ont été rendus. Donc comme vous pouvez le comprendre,
nous ne pouvons pas jeter des pneus qui ont passé cinq ou six
heures dans les couvertures chauffantes, comme je l’ai dit, à 90°,
alors que les pneus en piste montent à plus de 120° et 130°. Donc
passer quelques heures à 90° ne change pas les propriétés chimiques
et il n’y a pas d’effets sur la performance.
Quand ils nous les rendent, ce que l’on fait, c’est que nous
les redistribuons sur un autre circuit lors d’un autre Grand Prix.
Nous les rendons aux équipes d’une manière équitable, en même
quantité, ce qui est juste. Peut-être qu’il y a un arrière soft
pour tous les pilotes, ou un médium, ou n’importe quelle
spécification, mais encore une fois, chacun en a un. Nous leur
indiquons également il s’agit d’un préchauffé, donc s’ils veulent
utiliser pour sortir en FP1, pour nettoyer la piste ou autre chose,
ils font ce qu’ils veulent. La seule recommandation que nous
donnons, c’est de ne pas l’utiliser en course pour éviter un
quelconque problème. Encore une fois, nous les connaissons et nous
avons fait beaucoup de tests là-dessus. Nous contrôlons et nous
suivons à quelle température et combien d’heures ils ont passé dans
les couvertures chauffantes avec un logiciel particulier que nous
gérons ensemble avec les teams.
Cela ne se passe pas très souvent, et par exemple dans un
calendrier de 20 courses, cela peut se produire sept ou huit fois,
et la quantité est toujours d’un pneu par spécification. Ils
peuvent donc en avoir sur les six pneus tendres, ce qui est
gérable. »
Avec raison ou pas, les pneus étaient déjà souvent l’objet favori des récriminations des pilotes. Gageons qu’avec la mise en lumière des pneus préchauffés, on va en entendre parler toute l’année !
Quant aux élucubrations folkloriques de certains, elles n’engagent que leur auteur…