Diego Gubellini est le chef mécanicien d’un Fabio Quartararo avec lequel il a connu l’ivresse de l’ascension en MotoGP et celle des victoires comme d’un titre mondial. Mais aujourd’hui, c’est plutôt la gueule de bois dans le stand Yamaha. Pour expliquer cette régression dans la hiérarchie, il est de bon ton dans le box frappé des trois diapasons de regretter l’évolution technique des motos, de pointer du doigt Ducati et de se présenter en victime de sa grande vertu à défendre une noble et ancestrale idée de la moto face aux abominations engendrées par les adversaires. Une haute opinion de soi généralement synonyme de chant du cygne, que des théories contradictoires avancées rendent d’autant plus pathétique.
« Je n’aime pas cette situation ». C’est ainsi que Diego Gubellini définit le conjoncture actuellement en vigueur dans le box Yamaha dédié à Fabio Quartararo. Et à la lecture des résultat, on comprend la frustration du chef-mécanicien du Français, habitué à bien mieux depuis qu’il est à ce poste au sein de la marque. Généralement, ailleurs, lorsque l’on n’est plus ce que l’on a été, on parle de mobilisation, de travail, et de volonté de retrouver la splendeur perdue. Mais chez Yamaha, on se pose en victime d’une époque obscène, en gardien de l’histoire et de valeurs que l’on est seul à définir. Et c’est tellement plus facile que de reconnaitre que l’on a dormi sur ses lauriers et que l’on est totalement passé à côté d’une évolution de la compétition, dont on a eu conscience, mais que l’on a ignoré par suffisance.
Prenons quelques arguments avancés par Gubellini et appliquons-les à la réalité du terrain. Dans un entretien à GPOne il déclare par exemple : « nous avons atteint un point en MotoGP où la moto fait la différence et le pilote de moins en moins. Si vous commencez plus loin, il n’y a plus de marge pour rattraper ce qu’il y avait il y a quelques années. Si vous avez le meilleur rythme, mais que vous ne partez que 15e, les écarts sont trop faibles pour remonter ».
Ah bon ? Brad Binder lors de la course Sprint en Argentine est justement parti 15è et après un peu plus de 10 tours, il a passé la ligne d’arrivée en vainqueur avec sa KTM. Gubellini devrait regarder un peu plus les courses de l’officiel KTM. Il remonte toujours et, se faisant, il ne fait chuter personne et ne reçoit quasiment jamais de pénalité. C’est un compétiteur qui s’occupe de faire de la compétition en mariant son talent avec les caractéristiques de sa machine. La base de la course.
Diego Gubellini : « Bagnaia peut regarder les données des autres pilotes, depuis que Viñales a quitté Yamaha, nous n’avons plus cette opportunité »
Le même Diego Gubellini dit : « maintenant, une marque a pris la tête du MotoGP moderne ». Ne mentionnant pas Ducati dont il parle pourtant, il ajoute : « c’est un peu comme la Formule 1. Quand tu es dans la meilleure voiture, tu peux te battre pour le titre mondial. Le pilote peut maintenant faire moins de différence qu’il y a quelques années. C’est pourquoi des pilotes comme Marc Marquez et Fabio ont plus de mal qu’il y a quelques années. Chez Ducati, je vois que tout le monde est rapide ».
Une introduction qui va nous amener au fameux constat des huit motos italiennes, une situation qui serait inique : « les autres équipes ont des pilotes similaires, ou du moins très proches. C’est pourquoi ils peuvent tous se mettre au point, même si ce n’est que pour un virage. Bagnaia est rapide dans presque tous les virages, mais pas dans un seul. Il peut regarder les données des autres pilotes pour comprendre comment il doit s’améliorer dans ce virage. Depuis que Viñales a quitté Yamaha, nous n’avons plus cette opportunité ».
Certes, mais la faute à qui ? A Ducati ? Certainement pas. D’abord, Yamaha a perdu Viñales tout seul. Ensuite, la marque de Borgo Panigale n’a rempli que le vide laissé par les deux marques japonaises refusant, depuis leur tour d’ivoire, de proposer aux écuries plus que deux motos supplémentaires à leur duo d’usine. Une relation tellement détestable et dégradante que Yamaha se retrouve même à présent qu’avec ses seules machines officielles. De Tech3 à Razlan Razali, un vrai partenariat était espéré mais ils n’ont été considérés que comme des clients à qui on faisait presque l’aumône, alors qu’ils payaient à l’année pour des motos sans aucune évolution durant la saison. Dans un tel contexte, il ne faut pas s’étonner qu’ils aient jeté l’éponge pour se retrouver bien plus heureux chez KTM et Aprilia.
Si Yamaha se retrouve dans la situation actuelle, c’est par la seule faute de Yamaha. Le règlement, Ducati, le temps qu’il fait et l’âge du capitaine n’y sont pour rien. Plus tôt ce sera admis, plus vite le travail pour le redressement commencera. Chez Honda, il débute seulement et pour le moment le blason ailé a laissé la dernière place du championnat constructeurs à son compatriote d’Iwata.