Pour les plus âgés d’entre nous, Jacques Roca est un patronyme indissociablement lié à l’ancien pilote 7 fois champion de France qui a produit des kits pour améliorer les Suzuki, qu’il s’agisse d’ensembles selle-réservoir en polyester ou de pièces performance. « Maître Jacques », comme on l’appelait avec respect, un atypique champion de cyclisme passé avec succès à la moto, dont vous pouvez trouver un résumé de sa carrière sur le site Bike70.
De gauche à droite, Angel Nieto (3), Jan Tennis Huberts (1), Jacques Roca (4), Francesc Tombas et Josep Maria Busquets (2), Derbi team, Grand Prix d’Espagne 1964 50 cc
Mais aujourd’hui, Jacques Roca est également le nom d’un technicien du team Suzuki Ecstar qui officie en MotoGP, son fils… Comment, dans ces conditions, ne pas vouloir en savoir plus sur son parcours qui était pourtant loin d’être écrit d’avance ?
Après avoir œuvré pendant 2 ans avec Andrea Iannone, Jacques Roca est aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle aventure, avec le prometteur rookie Joan Mir.
Jacques, peux-tu nous rappeler ce que faisait ton papa ?
Jacques Roca : « mon père est lié à Suzuki. Il a bossé pendant 25 ans comme directeur technique chez Suzuki France, quand Monsieur Bonnet était à la direction, avant que les Japonais arrivent. Il était aussi essayeur des nouveaux modèles et se rendait au Japon pour cela, sur la piste Suzuki où j’ai d’ailleurs pu me rendre par la suite. Puis il a eu des concessions Suzuki pendant pas mal d’années, et comme la fameuse GT 750 ne se vendait pas très bien chez Suzuki France, il l’a modifiée et cela a eu un grand succès. A partir de là, le nom Roca a commencé à se faire un peu entendre du grand public ».
Quel est ton premier souvenir de motos, que l’on imagine lié à ton papa ?
« Forcément, j’ai grandi dans les magasins de moto de mon père. Je ne l’ai jamais vu courir car quand je suis né, il avait déjà arrêté, mais j’ai des très bons souvenirs de l’époque où il m’emmenait sur des salons de motos travailler chez Suzuki France. Ma mère m’habillait avec des petits costumes, alors que j’avais 5 ans. J’allais me balader dans les salons à droite et à gauche, et j’ai baigné dans ce monde depuis le plus jeune âge ».
C’était un rêve, non ? Car tu devais regarder ça comme des jouets…
« Absolument ! Je n’en ai évidemment pas souvenir, mais quand je suis né, mon père a annoncé à ma mère à l’hôpital qu’il m’avait ramené un cadeau. C’était une Pocket bike rapportée du Japon ! Le jour de ma naissance, j’avais donc déjà une Pocket bike (rires). J’ai d’ailleurs des photos où je suis dessus alors que je suis encore un bébé. Pour mes 3 ans, il lui avait mis des roulettes et avait bloqué l’accélérateur pour pas que je me retourne. J’ai donc commencé très tôt sur une moto. Puis, quand j’avais 5 ou 6 ans, on allait sur les circuits le dimanche et mon père s’occupait des motos de ses clients. Moi, j’avais un PW 50 et je me baladais toute la journée dans le paddock. Je demandais de l’essence aux pilotes et n’arrêtait pas de rouler de la journée ».
On peut imaginer que quand tu étais petit, tu ne voulais donc pas être pompier, docteur ou pilote d’avion, comme la majorité des garçons… Mais, plutôt pilote ou mécano ?
« À l’époque, il y avait des courses de PW 50,
mais comme mon père était occupé au magasin le samedi, la grosse
journée, lui ne pouvait pas m’y emmener. Je me rappelle qu’un
pilote client de mon père m’a donc emmené au circuit Carole où j’ai
fait mes premiers tours sur une piste, avec mon PW équipé de pneus
de scooter. Je me suis fait doubler de partout par de vrais avions
de chasse. Le soir, on est rentré au magasin à
Issy-les-Moulineaux : je suis descendu à l’atelier et j’ai
lancé le PW par terre en disant » avec ça, je me fais
doubler par tout le monde « . Puis je suis parti.
Mais après sa journée de travail, mon père a mis le PW sur l’établi
et a commencé à démonter l’allumage, le carburateur, à ouvrir le
pot, à taper dans les transferts du cylindre et à limer la
culasse…
Mais je m’en souviens comme si c’était aujourd’hui : je lui ai dit
d’arrêter car j’étais sûr qu’elle irait trop vite et que je ne
pourrai pas la conduire, et je suis remonté le magasin en pleurant.
Vers 10 heures du soir, il m’a appelé et on est sorti dans la rue
pour essayer le PW. Il faisait un boucan infernal et j’avais les
larmes aux yeux, mais j’étais heureux : c’était un avion de
chasse !
Le dimanche suivant, je me retrouve avec une trentaine de PW et un
gars avec un drapeau qui commence à plier ses doigts: 5, 4, 3, 2,
1… mais personne ne m’avait rien expliqué et je suis donc parti
dernier. Avec mon avion de chasse, j’ai fini 5e, et à partir de là,
j’ai continué, mais sans forcément penser à la suite ».