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Pol Espargaró

C’est un Pol Espargaró d’une totale transparence et d’une sincérité touchante qui s’est confié sur son parcours, son présent, et sa crainte de l’avenir. L’Espagnol, avec son frère Aleix, s’est fait tout seul, n’est parti de rien pour construire cette carrière qui ne tient finalement qu’à un fil et qui a tant demandé qu’elle n’offre aucune autre alternative. Alors, que faire si tout s’arrête ? La peur du vide est d’autant plus forte que la fin peut aussi arriver sans qu’on l’ait décidée, et donc préparée un tant soit peu. Un moment délicat, une zone grise dans laquelle évolue aujourd’hui l’Espagnol qui revient de graves blessures au sein d’un ensemble KTM où il y a plus de pilotes sous contrat que de motos …

Vu la conjoncture chez KTM, c’est le moment de se montrer sous son meilleur jour, mais Pol Espargaró ne le peut pas encore. Du moins face au chronomètre, car côté abnégation, résilience, courage et sacrifice, il est le Champion du Monde du moment. Ce qu’il accomplit aujourd’hui au guidon de sa GASGAS Tech3 relève de l’héroïsme si l’on veut bien se souvenir d’où il revient. Une force intérieure qui s’est forgée au fil d’une carrière qui a été un défi de tous les instants dès son entame. Il rappelle ainsi sur Motosprint : « mon père était un mécanicien automobile très simple ».

« Il gagnait juste assez pour nourrir une famille humble et normale. Ma chance et celle d’Aleix était la suivante : papa était doué pour réparer les motos, donc du point de vue de l’argent, au moins l’assistance était gratuite… Mon grand-père m’a beaucoup aidé, quelques petits sponsors. C’était compliqué, en effet, je me souviens que mon frère Aleix a dû arrêter. Puis il a repris, et nous voilà tous les deux. La faim d’arriver nous a fait avancer » décrit-il.

Une faim et une soif qui ne sont pas la règle pour tous … « Il y a beaucoup de pilotes avec une valise pleine, mais peu d’appétit pour la victoire » mentionne l’Espagnol. « Il faut avoir le besoin de réussir, je le savais quand j’étais enfant. Je me disais : « Pol, soit tu vas au sommet, soit tu vas faire autre chose. On s’arrêtera ici bientôt. L’argent est épuisé. » ». Pour ce que le concerne, la providence a récompensé son sacrifice : « heureusement, et au moment décisif, un sponsor catalan est venu nous soutenir, capable de m’aider pendant mon enfance. En parcourant quelques étapes de croissance, j’ai pu construire une solide un parcours et un véritable parcours professionnel, puis consolidé au fil des années ».

Pol Espargaró

Pol Espargaró : « qui d’entre nous a régulièrement fréquenté l’école, peut exercer un autre métier que la moto ? On peut se retrouver au chômage, ce qu’il vaut mieux éviter »

Et sinon ? Cette autre alternative, moins réjouissante, l’amène à s’interroger sur la précarité d’une carrière, du début à la fin. Il pense ainsi aux jeunes espoirs qui, s’engageant très tôt dans ce sport, déterminent déjà le reste de leur vie : « les enfants consacrent du temps et de l’argent à leur carrière : il est impossible de fréquenter et de terminer des études. Si les résultats ne viennent pas, ils se retrouveront au chômage ». Il mentionne : « on dit que le sport moto est une affaire de riches ? Ce n’est pas toujours vraie ». Et il en est l’exemple vivant.

« Le motocyclisme, au fil du temps, grandit en termes de professionnalisme » constate Pol Espargaró. « Cela signifie que, même lorsqu’ils sont enfants ou adolescents, les pilotes sont obligés de penser exclusivement à construire un parcours professionnel : rouler à moto, suivre des séances de physiothérapie, consulter un psychologue, sortir à vélo, manger d’une certaine manière… Ce sont des activités qui demandent du temps et, évidemment, il n’y a plus de temps à consacrer à autre chose, même pas pour travailler dans un secteur alternatif. A 15 ou 16 ans, on est déjà à gauche et à droite avec des valises, comment peut-on entreprendre et terminer un programme d’études sérieux ?! Impossible ».

Et le pan B qui n’est pas élaboré au début, ne se retrouve évidemment pas à la fin … Ce qui l’amène à parler de son actualité : « ce monde s’en va quand la flamme intérieure s’éteint, sinon il y a des ennuis, plus que des blessures. Si c’est la blessure qui détermine la fin de sa carrière, on en subit le coup. Quand un pilote ne peut pas décider de l’épilogue de sa carrière, il subit la pire chose. Il tombe dans le « malheur ». Qui d’entre nous a régulièrement fréquenté l’école ? Qui a étudié ? Sans parler de l’argent gagné, qui d’entre nous peut exercer un autre métier que la moto ?! ».

En ce qui le concerne, voici son sentiment : « peut-être que je m’occuperai d’autre chose. Il faudra que je trouve quelque chose qui me plaise, mais ce sera difficile à accepter. Vous pouvez rester dans le secteur sous diverses formes : mécanicien, chef d’équipe, relations publiques. C’est bien, car ce sont des propositions issues d’un environnement déjà connu. Ou alors c’est difficile. On se retrouve au chômage, ce qu’il vaut mieux éviter ». C’est ce qui s’appelle être à la croisée des chemins.

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