Cette année 2024 sera-t-elle enfin celle du début du redressement des deux usines japonaises engagées en MotoGP, qui n’ont fait que dégringoler dans la hiérarchie depuis l’avènement de ce monde d’après ? C’est à souhaiter pour la diversité et l’intensité de la compétition, mise en coupes réglées par la redoutable armée rouge Ducati dont le seul tort est d’avoir travaillé mieux, plus dur et plus vite dans le cadre du même règlement respecté. Des points de concession à ce règlement ont été mis en place pour donner de l’élan tant à Yamaha qu’à Honda. Mais encore faut-il être en mesure de saisir cette opportunité avec la bonne mentalité. Et si l’on écoute un Pol Espargaró passé de KTM à Honda et vice-versa, ce n’est pas gagné …
La situation des usines japonaises n’est apparemment pas une question de moyens ni même de volonté mais plus profondément de méthode. Et c’est plus grave, car cet aspect du problème relève à s’interroger sur l’adéquation de la culture du pays du soleil levant avec son époque. Pour comprendre, il faut écouter ceux qui ont travaillé avec les Japonais et encore plus ceux qui ont aussi été des pilotes dans une structure européenne.
C’est le cas de Pol Espargaró, dont la carrière de pilote titulaire au sein du groupe Pierer Mobility s’est terminée à la fin de la saison 2023. Dans un entretien avec Manuel Pecino relayé par Motosan.es, le cadet d’Aleix se souvient de sa période Honda qui a suivi son bail chez KTM : « c’était un environnement très différent de celui auquel j’étais habitué chez KTM, où tout était transparent, alors que chez Honda c’était beaucoup plus opaque. Personne ne travaillait ensemble, tout le monde prenait des chemins complètement différents. Pour moi, ce n’est pas une bonne façon de travailler. Je viens d’un autre style de travail où nous obtenions des résultats incroyables en travaillant ensemble en équipe ».
Pol Espargaró : « le problème c’est que les Japonais sont habitués à cette méthode de travail »
Il ajoute : « le problème c’est qu’ils sont habitués à cette méthode de travail. Nous avons vu que chaque année les marques japonaises disposent des meilleurs pilotes, avec des murs à l’intérieur du box, alors que si l’on regarde les usines européennes, c’est tout le contraire. L’information est partagée, tous les pilotes ont les informations de leurs coéquipiers et ce n’est pas un problème, mais un avantage pour grandir et s’améliorer ». Il précise : « une fois arrivé au sommet, vous pouvez jouer un peu avec. Vous pouvez, en langage simple, essayer d’être un peu plus « salope » que votre coéquipier pour obtenir un peu plus d’informations. Mais pour arriver au sommet, il faut beaucoup travailler ».
Pol Espargaró signale aussi que les temps ont bien changé, et que les traverser en gardant sa compétitivité relève de la gageure. D’où son admiration envers deux pilotes : « depuis mon arrivée en MotoGP il y a dix ans, l’électronique a changé, mais les pneus, l’aérodynamisme, les moteurs et la façon de piloter ont également changé. Le changement est épouvantable, incroyable, et s’adapter à tous ces changements est difficile ».
« De la façon dont la KTM était pilotée quand j’étais là-bas jusqu’à la façon dont elle roule maintenant, c’est comme passer du noir au blanc. Je pense que le fait de s’adapter à toutes ces phases est admirable, bien plus que d’aller vite pendant un an seulement. Comme ce que fait Marc Marquez maintenant ou ce que Valentino Rossi a fait à son époque. C’est là que va mon admiration, surmonter ces phases et être capable de s’adapter à tout pour être compétitif ». Et si un pilote peut le faire, il reste encore à démontrer qu’une usine japonaise peut le réaliser.
Source : Motosan.es