Après une année 2017 prometteuse, la saison 2018 s’est révélée difficile pour KTM. Les ennuis ont commencé dès les premiers tests à Sepang avec une très grosse chute pour Pol Espargaro qui s’est à nouveau blessé sérieusement à deux reprises durant la saison, aux vertèbres à Brno et à la clavicule en Aragon.
Comble de malchance, Mika Kallio, pilote d’essai officiel pour Mattighofen, s’est également lourdement blessé au Sachsenring, ce qui n’a pas favorisé le développement de la RC 16.
Et pourtant, celle-ci en avait bien besoin car si extérieurement elle n’a guère évolué, elle utilise en fait un nouveau moteur qui a nécessité de repartir quasiment de zéro.
Pol Espargaro explique cela avec moult détails dans une très intéressante interview publiée sur le site espagnol Motorbikemag.es :
« Après l’année dernière, nous nous attendions tous à bien mieux, mais nous avons aussi fait une erreur en pensant que la croissance serait exponentielle, et cela n’a pas été le cas. Quand vous arrivez à une seconde ou deux, l’effort que vous avez à faire est énorme pour réduire cette dernière seconde. L’année dernière, en début de saison, tout ce que KTM a apporté servait toujours à améliorer, car nous connaissions nos points faibles et la moto s’améliorait sans cesse. Mais il arrive un moment où cette progression s’arrête complètement et où une autre progression plus compliquée commence ; il faut être beaucoup plus prudent, car toutes les pièces que vous essayez peuvent vous faire progresser ou beaucoup reculer. Il y a aussi de fausses sensations durant les Grands Prix, qui semblent fonctionner beaucoup mieux, et puis vous arrivez sur d’autres courses et ça ne se passe plus vraiment comme ça.
De plus, nous avons un peu changé le concept du moteur, et le concept de la moto en général, et cela ne fonctionne pas en un jour. Cela prend du temps. Avec l’ancienne moto, nous avions un an et demi, et avec celle-ci seulement six mois, et il est donc difficile d’obtenir les résultats que nous avons obtenus avec l’ancienne. Cela prend du temps et tout semble aller très vite, mais parfois nous devons nous arrêter et penser que nous ne sommes en MotoGP que depuis un peu plus d’un an et demi, alors que des usines comme Honda ou Yamaha existent depuis de nombreuses années. Se battre avec eux depuis si peu de temps est compliqué
Cette année, nous avons dû repartir de zéro, parce qu’avec le nouveau concept de moteur, nous avons également dû commencer avec un nouveau châssis, car le moteur est monté avec des ancrages différents de ceux de l’année dernière. Nous avons presque dû commencer avec le A (premier châssis), même s’il est vrai que toutes les évolutions de châssis que nous avons faites nous ont beaucoup aidé à avoir une idée de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Nous avons presque dû repartir de zéro et nous avons déjà tester quelques châssis avec le nouveau moteur, donc nous allons continuer les tests, et je pense que nous allons avoir beaucoup de travail durant cette pré-saison… ».
Le pilote de Granollers évoque ensuite les points encore à améliorer…
« Au niveau du moteur, nous avons fait un très grand pas en avant, mais nous sommes à un point où nous devons continuer à l’améliorer. Ce n’est pas ce que les gens pensent lorsqu’ils parlent du moteur et quand ils imaginent qu’il n’engendre que la vitesse maximale ou l’accélération, mais ce n’est pas vrai. Le moteur donne aussi plus de maniabilité, plus de vitesse de passage en virage, les inerties te font arrêter la moto plus tôt ou plus tard… Avec ce nouveau modèle de moteur, nous devons encore découvrir ce que nous devons améliorer. Le moteur que nous utilisons maintenant fonctionne mieux et nous permet de faire des choses que nous ne faisions pas avant, mais c’est vrai qu’il y a aussi des choses contre lui, parce que nous avons perdu un peu d’adhérence dans les virages quand la moto est très inclinée. Je pense que ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de temps, d’expérience, de tours, d’heures… et je pense que nous aurons cela en pré-saison. A cause de ma blessure et de celle de Mika (Kallio), nous n’avons pas pu faire autant de progrès avec ce moteur que nous l’aurions voulu, ni essayer toutes les choses que KTM avait stockées dans son chapeau. L’année prochaine, avec tout le renfort, ce sera sûrement plus facile ».
Enfin, pour clore l’aspect technique, le champion du monde Moto2 2013 évoque l’électronique, un domaine de plus en plus important quant à la performance finale d’une MotoGP, avec en particulier son point de vue sur le passage à la centrale inertielle unique obligatoire pour la saison 2019…
« Tu manques toujours de ça, tu n’es jamais parfait.
L’expérience dont je parlais est basée sur cette électronique que
tout le monde a tellement développée et là où nous manquons encore
d’informations. Lors du changement de moteur, nous avons dû
réinitialiser un peu et repartir de zéro. L’année prochaine sera un
peu plus facile pour nous; nous n’allons pas faire un pas en
arrière, mais les autres oui, parce que nous n’avons pas encore
atteint ce point d’évolution pour faire ce pas en arrière, alors
que les autres usines l’ont fait.
De plus, nous avons des renforts dans la section électronique
avec des personnes venant d’autres sites, dont Magneti Marelli,
pour nous aider dans ce domaine. A part le fait que tout le monde
va reculer, nous allons faire un pas en avant. J’espère qu’avec
cela, nous pourrons nous rapprocher un peu plus des
autres ».
Comme Michele Pirro, Pol Espargaro confirme donc que la centrale inertielle obligatoire pour 2019 sera un véritable retour en arrière, quelques usines ayant apparemment utilisé cet artifice pour « doper » l’électronique unique…