La dernière intervention du manager et chroniqueur Carlo Pernat montre que le Grand Prix de Catalogne qui s’ouvre dès ce vendredi reste sous le choc de la disparition du jeune pilote de Moto3 Jason Dupasquier. Le Suisse de 19 ans a succombé à ses blessures le week-end dernier après un grave accident lors de la séance qualificative du Grand Prix d’Italie. Une fatalité qui est liée aux sports-mécaniques qui, parfois, nous enlèvent ses champions qui succombent en accomplissant ce qui est leur passion, leur raison de vivre, avant d’être la cause de leur mort. On ne pourra jamais rien faire contre cette dynamique terrible enclenchée par une chute. Mais il y a à dire sur la gestion de l’après pour ceux qui restent. Et au Mugello, il y a matière à réflexion…
Une réflexion qu’a engagé Carlo Pernat dans les colonnes du site MOW. L’Italien est non seulement un chroniqueur et un ancien responsable D’Aprilia Racing. C’est aussi le manager d’Enea Bastianini, nouveau pilote en MotoGP et de Tony Arbolino, qui est cette année un rookie en Moto2. Sur le sujet sensible de la disparition d’un frère d’armes, il rappelle ce qui rassemble tout le monde sur un circuit lors d’une compétition : « ceux qui font ce métier savent qu’ils sont en danger » explique Pernat.
« Quand on est sur un moteur on sait qu’il y a un risque. Cela arrive pour les motos, cela arrive en Formule 1 et pour les voitures en général. Mais le plaisir et le désir sont si grands que vous n’y pensez pas. Un peu tous les sports sont à risque, les voitures et les motos plus. Il faut admettre que des tragédies comme celle du pauvre Dupasquier peuvent arriver. Si on y pense, tous les cinq ans on pleure un pilote : Tomizawa, Simoncelli, Salom. C’est dramatique et c’est aussi cruel de le dire, mais cela fait partie du jeu ».
Puis il ajoute en toute clarté : « les pilotes veulent avoir des chevaux sous le cul, sinon ils deviennent tristes. Certes, la mort d’un petit garçon laisse tout le monde abasourdi mais c’est le métier qu’ils ont choisi. Et quand ils l’ont choisi, ils savaient aussi que c’était un métier très risqué ».
Cela étant dit, cette conscience du danger de son métier, éteinte par l’immense passion de le faire, n’empêche pas un minimum de considération et de sensibilités lorsque le drame arrive et impacte les pilotes. Ce serait même un impératif. Qui semble avoir été oublié au Mugello le week-end dernier. Même prise, sans doute, sous le coup de la bonne volonté et du désir de bien faire, une cérémonie s’est révélée être finalement une indélicatesse qui a bouleversé les pilotes. Pernat explique ainsi son point de vue : « s’il y a eu vraiment quelque chose d’incompréhensible, pour moi, c’était cette cérémonie des pilotes pour commémorer leur collègue. A un quart d’heure du départ de la course MotoGP. Une chose absurde ! »
Pernat : « il n’y a pas de place pour la peur dans ce monde. Mais pour la sensibilité, oui »
« Ils n’avaient pas à le dire aux pilotes avant la course » pense l’Italien. « Laissez-leur prendre le départ sans dire quoi ce soit, laissez-les préparer comme toujours, ce sont des moments délicats. Les pilotes montent sur des motos qui prennent 360 km/h. Je ne suis pas le seul à penser de cette façon, Agostini et Petrucci étaient également d’accord avec moi ».
Ensuite, il se tourne vers ceux qui n’auraient pas voulu courir, comme Aleix Espargarò ou Pecco Bagnaia : « je connais bien Bagnaia, c’est un garçon très sensible. Je le comprends, je suis avec lui. Ce n’est pas une question de peur parce que ceux qui ont peur ne peuvent pas faire ce travail. Lorenzo à un certain moment a commencé à avoir peur, il l’avait aussi dit dans certaines interviews. Un pilote comme lui est arrivé dixième, quinzième. Puis ça l’a dépassé. Il n’y a pas de place pour la peur dans ce monde. Mais pour la sensibilité, oui. Je comprends qu’un pilote qui vient d’être informé du décès d’un collègue n’est pas dans les bonnes conditions pour courir. Cette cérémonie n’avait aucun sens : c’est comme dire aux pilotes que ça peut leur arriver tout de suite après ».