De retour du Texas où ils ont respectivement terminé troisième et septième du Grand Prix MotoGP des Amériques, Fabio Quartararo et Johann Zarco sont passés par Paris pour la traditionnelle conférence de presse du Grand Prix de France qui se déroulera du 12 au 14 mai sur le circuit Bugatti du Mans.
Comme les années précédentes, cet événement s’est tenu sur une péniche des Bateaux Mouches amarrée sur les quais de Seine à proximité de la tour Eiffel, et, fatigués mais détendus, les pilotes se sont prêtés de bonne grâce au jeu des questions-réponses.
Après celles posées à l’intérieur du bateau (que vous pouvez voir ici) est venu le tour de celles énoncées par les journalistes présents, spécialisés ou non.
Après de belles choses au Portugal et en Argentine, ça a
été plus compliqué ce weekend à Austin. Qu’est-ce qui t’a gêné
?
Johann Zarco : « Et
bien, le tracé, les bosses, même si c’est pareil pour tout le
monde. Moi je vois que je suis toujours dans cette recherche d’être
bien décontracté sur la moto pour économiser l’énergie. J’ai du mal
à me décontracter sur cette piste-là. Si je ne force pas, j’ai
l’impression que je ne peux pas faire le chrono. En tout cas à
Austin. C’est pour ça que j’ai été content, pendant la longue
course, d’avoir du rythme et à un moment de réussir à placer la
moto sans aller au bout de moi-même. Mais oui, le Portugal, il y a
eu un meilleur rythme au début, ça aurait pu jouer le podium sur la
fin, mais ça a fait une super 4è place. L’Argentine, dans des
conditions où je je comptais gagner, mais je suis tombé sur un
Bezzecchi qui est parti trop vite. Le groupe de devant est de toute
façon parti trop vite. Je n’avais pas cette vitesse, j’ai pu faire
une super remontée et vivre un beau podium. Et puis le Texas,
sauver les meubles ! C’était vraiment ça, parce que les sensations
n’étaient pas extra. Je m’attendais à une course difficile et en
effet c’est le circuit qui veut ça. Mais si je veux bien gérer le
championnat, je trouve que ce n’est pas mal aussi de pouvoir se
rendre compte de ses qualités et de ses défauts, et du coup dans un
week-end où ça peut moins bien le faire, avoir quand même la
capacité d’assurer. »
Si on se projette sur le Grand Prix de France, il y a
toujours de la pression quand on est pilote français ?
« Oui, mais pas plus de pression qu’ailleurs, parce qu’on est
hyper occupé. En fait, on n’a pas le temps. de trop y penser,
d’attendre l’événement. Il arrive quand il arrive, et on est occupé
quasi chaque jour. Mais voilà, faut bien s’organiser parce que, une
semaine sur un Grand Prix en Europe, comme dit Fabio, on peut
presque arriver le jeudi matin ou le mercredi soir et on fait notre
journée média et technique avec l’équipe, et ensuite il y a
vendredi, samedi, dimanche, qui passent à une vitesse folle. Là,
moi, pour le Grand Prix de France, ça va commencer déjà le lundi ou
je monterai dans les bureaux Pramac Europe à Roanne. Ensuite, un
événement à Paris le mardi et une parade à faire le mercredi autour
du Mans. Rien que ça, en fait, c’est le genre de choses qui te fait
rentrer dans le Grand Prix et peut être peut mener à de la
pression. Mais avec l’expérience, on la gère. »
On a quand même le public qui est particulier, surtout
quand on est un pilote français…
« Sûr ! Sûr ! Et
là, comme on dit, maintenant les circuits ont du mal à remplir les
circuits de public, sauf en France ! Du coup, ça fait de la grosse
ambiance. En tant que pilote MotoGP, ça fait plus de sollicitations
mais là, pareil : avec l’expérience on apprend à ne pas sentir mal
si on ne peut pas faire tout le monde. Au début, je disais “Ah
mince”, et du coup tu prends du temps mais en fait ça te prend
beaucoup d’énergie. Voilà, j’essaie de donner e moi-même, mais sans
non plus aller puiser dans l’énergie qui va être utile en
piste. »
La Dorna lui a donné le prix du meilleur Grand Prix
l’année dernière. Est-ce que tu le mettrais aussi sur le podium à
cette place-là ?
« Pour moi, oui, le meilleur
Grand Prix pour savoir remplir les tribunes, du vendredi jusqu’au
dimanche, déjà même le jeudi : un monde de folie. La piste reste
intéressante mais je ne pense pas que la Dorna puisse voter
meilleur Grand Prix simplement par la piste ou la technique. Ça, il
y aurait peut être d’autres pistes plus intéressantes là-dessus.
Mais non, c’est pour en fait tout l’engouement que ça génère,
et pour moi, oui, clairement sur le podium, mais surtout premier,
loin devant pas mal d’autres Grands Prix. »
Est-ce que les autres apprécient cet engouement qu’il y
a moins ailleurs ?
« Complètement ! Même les mécanos, les team managers, tout ça.
Ils ont l’impression de revivre des années Grand Prix des années 90
ou début 2000, où il y avait quasi du monde partout. Là,
depuis le COVID, c’est dur d’avoir du monde partout, et on
sait pourquoi. Tout coûte très cher et il n’y a qu’encore les pays
de l’Est ou le Nord, avec la Hollande, le Sachsenring, où ça reste
quand même deux lieux où on sent des gens qui ont le plaisir de
venir regarder l’événement pour vivre l’événement. »
Johann, la Marseillaise cette année, c’est possible
?
« Oui, c’est possible sur pas mal de circuits. Pourquoi pas au
Mans ? Mais c’est possible, hein ? C’est ce que je vise de façon,
parce que beaucoup de gens disent que c’est ce qui me manque. Donc,
on court pour ça, pour gagner, quand on peut et quand on a la
moto. »
Tu as changé un petit peu d’entourage : Est-ce que ça a
changé quelque chose pour toi ? Tu avais besoin d’un renouveau
?
« Du renouveau, il en faut parce qu’on enchaîne les années et
on cherche à performer. On comprend au niveau que répéter ce qu’on
savait faire avant, ça ne marche pas obligatoirement. Enfin, il
faut savoir faire d’autres choses. Mais on capte aussi avec le
temps que chercher à complètement faire autre chose, et bien il ne
faut pas non plus perdre ses qualités. Du coup, cette année, voilà,
j’ai assez, on va dire découvert, et développer des techniques sur
des points faibles, et cette année, j’ai envie de reprendre les
points forts avec ce que j’ai comblé des points faibles. Combo
gagnant ? A voir. »
Aujourd’hui, quel regard portes-tu sur les efforts
du championnat pour aller vers le public ?
« On peut avoir un avis, mais c’est dur de dire ce qu’ils sont
en train de faire, comment ils le pensent. Du point de vue
organisation, clairement PHA, c’est le groupe, gère très bien, et
d’ailleurs il commence à pouvoir aussi organiser d’autres
événements comme les 24h de de SPA, et à mon avis il pourrait même
y avoir d’autres Grands Prix en plus du Grand Prix de France.
Ensuite, Dorna déteste être comparé à la Formule 1 et comme la
Formule 1 a fait un énorme boom au niveau public, c’est une autre
mesure au niveau argent mais il y a eu un boom énorme, du coup, il
y a eu des comparaisons. Et même si ça ne plaît pas Dorna d’être
comparé, on essaie peut-être de faire des choses pour attirer du
public ou donner une proximité. Mais voilà, il faut savoir le faire
dans une certaine mesure et là ils testent des choses qui ne sont
pas encore approuvées par tous, et qui à mon avis n’ont pas prouvé
complètement de bons résultats. Des bonnes choses sont faites,
d’autres moins bonnes, donc il faut réussir à trouver. ça cherche
pour l’instant et je pense que c’est presque là. Il faudrait l’avis
de Claude (Michy) sur ça, parce qu’il pourrait peut-être apporter
plus de choses, mais que sur le Grand Prix de France, on va faire
des choses un poil différentes que ce qu’on fait habituellement sur
les autres Grand Prix. Et ça peut donner des bonnes idées à
Dorna. »
Tout à l’heure il y a eu une question sur l’impact sur
l’environnement des sports mécaniques. Tu peux nous redire ce que
tu en penses ?
« On est montré du doigt parce qu’un sport mécanique, ça
pollue, mais il faut bien se rendre compte que si on prend les
chiffres, on n’est clairement pas les pires en termes de pollution
sur les événements, sur nos Grands Prix, en bilan carbone
puisqu’ils comptent comme ça les sports polluants ou les événement.
Et en fait, ce qu’on pousse avec le haut niveau et la compétition,
c’est de la technologie : Comme je le dis, on a de plus en plus de
puissance avec de moins en moins d’essence. Donc pour moi, le
moteur thermique a de l’avenir, parce que c’est ce qui peut
consommer le moins d’énergie, plus qu’un moteur électrique qui
semble propre mais qui n’est ni propre au début, ni propre après.
Pourquoi on part vers l’électrique ? C’est plus à cause de cette
image de propre sur l’instantané, le moment vraiment présent. Je ne
sais pas pourquoi du coup les gens se penchent là-dessus, et même
les constructeurs qui ont la puissance de pouvoir développer le
moteur thermique, mais je pense qu’ils continuent à développer le
moteur thermique parce que mon avis ils sont conscients que ça peut
être très bien géré. Voilà, c’est un sujet très sensible : c’est
facile de nous montrer du doigt, mais on développe quand même
tellement de choses que si on doit répondre, on a les éléments pour
se défendre. »