Après le succès que l’équipe Tech3 a obtenu au Grand Prix de France, à savoir une victoire en Moto3 avec Dani Holgado et une superbe quatrième place en MotoGP avec Augusto Fernández, nous avons évidemment souhaité recueillir les propos d’un Hervé Poncharal légitimement très heureux.
Avant de partager sa réaction aux déclarations de Francesco Bagnaia dans GPone demandant un différentiel de performance de 6 ou 7 dixièmes entre les motos officielles et les motos clients, le patron de l’équipe de Bormes-les-Mimosas n’a pas caché sa joie…
Hervé Poncharal, cela a vraiment été un excellent weekend pour Tech3 au Mans : Vous devez être ravi et heureux…
Hervé Poncharal : « Oui, c’était vraiment un weekend mémorable, pour beaucoup, beaucoup de raisons. Je pense que la première, c’est l’affluence incroyable ! On pensait que l’année dernière, en 2022, on avait atteint un sommet et touché le plafond de verre. Et Claude Michy et toute son équipe de PHA ont fait un boulot encore plus performant et les spectateurs ont répondu présent. On fait un nouveau record qui, à mon avis, commence à être difficile à battre. On sait que les records sont faits pour être battus, mais ça va être difficile : On fait quasiment 279 000 spectateurs sur le weekend et plus de 116 000 le dimanche, ce sont des chiffres impressionnants ! Plusieurs choses. Un, ça montre que le MotoGP c’est un produit qui plaît, et deux ça montre que quand il y a des circuits où y a peu de monde ce n’est pas nécessairement le produit qui ne fonctionne pas, mais la manière dont on fait la promotion de ce produit, et donc il y a certainement des gens qui devraient un petit peu réfléchir, se gratter la tête et peut-être pourquoi pas donner un petit coup de téléphone à Claude Michy pour avoir 2 ou 3 conseils. Mais en tout cas, ça, c’était l’événement du weekend. »
« Deuxième chose, on a encore été super chanceux d’avoir une
météo au top qui a permis d’avoir des courses géniales le dimanche.
Et puis bien entendu, pour Tech3 c’est toujours un Grand Prix très
important: c’est le Grand Prix où on a le plus d’émotions, le plus
envie de bien faire, c’est notre Grand Prix à la maison et ça a une
signification particulière, quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe.
Et même si on n’a pas de pilote français, quand on ouvre la journée
de dimanche par une victoire en Moto3 pour le 1000e Grand Prix, ce
qu’était donc le Grand Prix de France, c’est une joie immense
!
Ce qu’il faut savoir, c’est que Tech3 est présent en tant que
Tech3 depuis début 80 et depuis la saison 90 en Grand Prix, et
qu’on a fait des Grands Prix de France en 125, en 250, en 500, en
Moto3 en Moto2, en MotoGP, et qu’on n’avait jamais gagné une course
en France. On a fait des poles, on a fait des podiums, mais jamais
une victoire, et donc c’était clairement une très très belle
émotion de le faire avec Daniel Holgado dimanche matin, surtout que
ça a été une belle victoire, sans contestation. En plus, on a fait
monter Benoît Bruneau sur le podium, qui est un peu le fils
spirituel de Guy Coulon, qui est né à quelques encablures du
circuit du Mans. »
« Donc c’était un super moment d’émotion et je me suis dit à ce moment-là, franchement, quoi qu’il puisse se passer maintenant, déjà la journée, elle est bonne. Parce que juste avant la course Moto3, on a eu le warmup MotoGP et Augusto est tombé, est tombé assez fort. Il a ramené la moto et elle était suffisamment abîmée pour que, par sécurité, on prenne l’autre pour la course alors que celle-là, c’était celle qu’il préférait. Donc, quand on finit son warmup dans le bac à gravier et qu’on n’a plus le temps de tester quoi que ce soit, que ça va être le départ de la course, qu’on ne prend pas la moto sur laquelle on a travaillé et qu’on a peaufinée pendant tout le weekend pour être celle de course, il y a des interrogations et je n’étais pas franchement très très confiant, même s’il avait fait une Q 2 magnifique, qui était son premier passage en Q 2. «
« Et puis tout s’est passé comme dans un rêve. Pas pour tout le monde parce qu’il y a eu pas mal de chutes. On n’aime jamais trop voir ça malheureusement, mais elles se sont passées sans bobo pour les pilotes, et Augusto, avant et après les chutes, était dans le dans le wagon de tête à faire des chronos similaires aux leaders et n’a jamais lâché l’affaire. Et on n’y croyait pas : on s’est dit « OK, c’est un bon départ, il a la grinta des premiers tours, mais à un moment donné, l’expérience, la gestion des pneus, la gestion d’une MotoGP sur 27 tours au Mans, avec quand même une piste chaude, ça va descendre”. Et il était toujours là, toujours collé devant, entre les deux Pramac. Johann l’a passé et il est resté derrière Johann. Il était à quelques encablures des tout premiers, puisqu’il finit une seconde et demie de Johann Zarco qui est sur le podium. Et on n’y croyait pas, parce qu’il a gagné bien évidemment des positions sur les chutes, mais en performance il était là et il a le 7e temps absolu en course, donc c’est de la vraie perf ! Il a passé les 2 KTM, ce qui est quand même intéressant pour nous parce que c’était lui le capitaine de la maison Pierer Mobility ce dimanche, et finir 4e, encore une fois à une seconde et demie de Johann qui est 3e, au Grand Prix de France en MotoGP. C’est quelque chose qui n’était absolument pas envisagé et envisageable une heure avant le départ de la course! Et tout ce qui n’est pas prévu, envisagé et envisageable, c’est encore plus beau quand c’est “Out of the Blue” comme on dit en anglais : Inattendu. Et là, ça l’a été complètement. Je suis très heureux pour lui, très heureux pour l’équipe, toute l’équipe ! Il y avait ma vieille fripouille d’associé qui était là, qui est quasiment manceau: je l’ai vu, il ne touchait plus terre après la victoire en Moto3 et la 4e place en MotoGP ! »
« Il y a beaucoup de gens qui sont de l’Ouest et autour du Mans dans l’équipe, en Moto3, en MotoGP, et on a eu pas mal de coups du sort pour notre Grand Prix national, et ouais, comme à chaque fois qu’on fait des belles perfs, on se sent léger, on se sent heureux, et on a terminé le Grand Prix de France sur ces deux notes positives à la course Moto3 et la course MotoGP, après une semaine fabuleuse ou on a échangé avec les spectateurs tous les jours: beaucoup de selfies, beaucoup de discussions, beaucoup d’échanges furtifs mais à chaque fois très puissants sur le côté humain. J’ai eu la chance que Mathilde m’emmène faire le Hero Walk dimanche matin, avant que les pilotes arrivent, et ça m’a permis de passer encore du temps justement avec tous les gens qui posent des questions et de pouvoir leur répondre en direct tout en faisant un selfie ou une petite signature. Tout ça, c’est la magie du Grand Prix national, c’est la magie du Grand Prix de France, c’est ce que nous offre Claude Michy, et on y a croqué dedans à pleines dents et on en redemande ! »
Eh bien, nous allons terminer cette interview avec une
question pour mettre à l’épreuve votre talent de diplomate:
avez-vous préféré la victoire en Moto3 ou la 4e place en MotoGP
?
« Ah… Non, ce n’est pas de la diplomatie qu’il
faut, car c’est complètement différent. On peut penser que la
MotoGP, évidemment, c’est la catégorie reine donc c’est plus
important, mais j’ai une affection incroyable pour notre équipe
Moto3, pour Dani, pour Benoît, j’en ai parlé, pour Hector, son chef
mécano, aussi pour le pilote Filippo Farioli qui est rookie. Et je
suis super heureux parce que, l’année dernière, il a fait son année
de rookie dans l’équipe concurrente, chez Ajo, il voulait venir
chez nous et voilà, il est en train d’exploser pour sa 2e année
chez nous. Il est bien, et puis moi j’aime travailler avec les
jeunes, j’aime cet enthousiasme, des fois ce petit grain de folie
chez des adolescents encore, on peut appeler ça des adolescents, et
il y a encore un espèce de relation avec du respect, parce qu’ils
nous voient un peu comme leur père, leur grand-père pour moi
(rires), mais j’aime bien parce qu’on peut encore leur parler et
leur apprendre des choses. Ils sont demandeurs de conseils sur la
manière de gérer leurs courses, mais de gérer leur vie aussi. Et
donc j’étais super content. En plus, il ne faut pas oublier que
même s’il reste beaucoup de courses, il est quand même
potentiellement un des candidats à la couronne, et un titre, bah on
le prendrait bien, hein!
Donc c’était fabuleux, mais c’est aussi fabuleux d’avoir vu ce
qu’a fait Augusto parce que c’était totalement imprévu: autant
Dani, on sait qu’à chaque course il peut éventuellement se battre
pour la victoire, autant Augusto finir 4e à 4 secondes du
vainqueur, ça, je n’avais pas prévu, franchement. Je dirais donc
que l’apéritif Moto3 était fabuleux, mais le digestif MotoGP aussi,
et le cumul des deux, bah j’étais saoul ! »