A la fin du test MotoGP à Misano, c’est un Piero Taramasso souriant que nous avons rencontré dans le paddock : tout s’était bien passé durant le weekend de course, les pneus choisis par Michelin pour le tracé italien n’ayant recueilli que des commentaires extrêmement positifs de la part de tous les pilotes.
Mais c’est justement pour cela que le Manager Deux-roues de Michelin Motorsport éprouve le léger regret que, dans ce cas, la presse internationale ne s’en fasse pas l’écho, alors qu’elle est prompte à souligner la moindre critique d’un pilote envers ses gommes, justifiée ou pas.
Nous lui ouvrons donc nos colonnes pour combler cette lacune, au moins du côté francophone.
Piero Taramasso : « A Misano, ça c’est
vraiment très très bien passé côté pneumatique. Je pense que pour
nous, c’est l’un des meilleurs Grands Prix depuis que nous sommes
revenus en MotoGP, en 2016. Dès le vendredi, on a vu que les pneus
performaient très bien et tous les pilotes ont trouvé le choix qui
convenait bien à leur style et aux conditions de la piste. Ensuite,
pendant les qualifications, il y a eu quelques petites gouttes de
pluie mais cela n’a engendré aucune chute de l’avant, ce qui montre
que le pneu avant a très bien fonctionné dans des conditions pas
parfaites, et avec des chronos remarquables.
En course, il y a eu unanimité pour prendre le médium avant et
le dur arrière qui étaient deux pneus très performants, avec un
avant qui procurait une très bonne satisfaction au niveau du
support et de la stabilité, et un arrière offrant une très grande
adhérence et une très grande constance. Par exemple avec l’arrière,
durant les séances d’essais libres, les pilotes arrivaient à faire
25 ou 26 tours avec de très bons chronos. On a aussi vu qu’Enea
Bastianini a fait le meilleur tour en course dans le 27e et dernier
tour, ce qui est vraiment une preuve que les pneus fonctionnaient
bien. Tout le mérite ne revient pas exclusivement aux pneumatiques,
mais aussi aux conditions de piste et à la meilleure compréhension
des pilotes pour utiliser les pneus, mais ce week-end-là tout était
parfait.
C’était donc vraiment un très bon weekend pour nous, et on a
été complimenté dans tous les box : les pilotes étaient stupéfaits
de pouvoir faire de tels chronos avec des pneus de 25 tours. Ça
faisait plaisir de l’entendre, mais ensuite, aucun ne l’a vraiment
souligné dans la presse : Rien ! C’est le côté un peu frustrant de
ce weekend, car d’accord, quand ça ne va pas ils le disent, mais
alors pourquoi ne pas le dire quand ça va aussi bien ? »
On le sait, on n’est jamais aussi bien servi que par
soi-même… alors profitez-en !
Vous avez également battu le record de la
piste…
« Oui. On a battu le meilleur tour en course et la durée
de la course a été diminuée de cinq secondes. Seul le record absolu
de la piste nous a échappé le samedi, à cause des conditions mixtes
pendant les qualifications. Mais en tant que manufacturier de
pneus, le plus important à nos yeux est la durée de la course, car
quand on arrive à être plus rapide sur la durée de la course c’est
la preuve que les pneus ont bien performé et pendant longtemps. On
appelle ça la performance sur la durée, et c’est la meilleure chose
pour nous, car faire un pneu qui va vite sur un tour, c’est facile
: on sait le faire et c’est facile pour un manufacturier. Mais
faire un pneu qui va vite sur 27 ou 30 tours, ce n’est pas pareil.
Cette année, on a battu les records sur les deux tiers des circuits
depuis le début de la saison, ce qui à nos yeux est une très bonne
performance car on a réduit la gamme de pneus. La saison dernière,
on avait plus de 40 spécifications différentes donc on avait décidé
de réduire la gamme à une trentaine, en gardant les mélanges les
plus polyvalents. Et malgré ça, on a battu les records, donc
c’était les bons choix : on a enlevé les pneus les plus
pointus et les plus difficiles à utiliser, en gardant ceux qui
fonctionnaient le mieux. »
Et ce sera encore réduit l’année prochaine…
« Oui, on va encore réduire la gamme et aussi le nombre de
spécifications proposées. Aujourd’hui, les pilotes ont trois
spécifications pour l’avant et trois pour l’arrière. On passera à
deux spécifications pour l’arrière en adaptant bien sûr les
quantités disponibles : il y aura sept soft et cinq médiums à
l’arrière, pour être en phase avec le nouveau format sportif qui
comprend une course Sprint. Pour celle-ci qui se fera sur 10 à 15
tours, les pilotes prendront sûrement le pneu soft. Mais en
réduisant les spécifications arrière de trois à deux, on réduit
aussi la quantité de pneus fabriqués et transportés sur la
globalité, ce qui est notre objectif pour l’environnement.
»
Durant le test MotoGP, vous avez essayé un nouveau pneu
avant. Peut-on en savoir un peu plus ?
« Oui, durant le test MotoGP les pneus étaient bien sûr les
mêmes que ceux mis à disposition durant le weekend de course, et on
a aussi essayé un nouveau mélange avant qui a le grip d’un pneu
médium avec la stabilité et le support d’un mélange dur. Les
pilotes l’ont essayé et ont tous retrouvé ces caractéristiques là,
donc le test était positif et on veut maintenant le reproduire sur
d’autres circuits mais avec des températures un peu plus basses. On
va donc le retester et l’apporter à Portimão en 2023 lors du test
de pré-saison où les conditions devraient être un peu plus
fraîches. Et si les pilotes reconfirment que c’est bon, on
l’introduira dans l’allocation 2023. »
Vous avez déjà une idée des circuits où il serait
proposé ?
« Oui, déjà à Misano car il a bien fonctionné et pourrait
remplacer le pneu médium qu’on avait cette année. Après, il faut
attendre la fin du championnat et faire les analyses sur tous les
autres circuits mais peut-être aussi en Autriche. En fait, je pense
qu’on pourra sans doute l’amener sur cinq ou six circuits.
»
On a vu que pour faire face aux éventuels problèmes,
Dorna Sports avait légèrement modifié l’emploi du temps logistique
entre Aragón et le Japon. Dans le monde actuel du transport un peu
saturé, était-ce aussi un sujet de préoccupation pour Michelin
?
« Oui. Après toutes les expériences qu’on a eues et avec la
conjoncture actuelle, on sait que le transport est très tendu en ce
moment. Donc ce qu’on a fait, c’est qu’on a anticipé les envois de
pneus pour les courses outre-mer : On les a envoyés au mois d’août
par bateau, avec un planning avancé de 15 jours par rapport à la
normale afin d’être certains d’avoir les pneus sur place à temps.
Ils voyagent sous contrôle thermique dans des containers
climatisés. Pour des raisons de coût et d’environnement, on essaie
de faire au moins 70 % des envois par bateau, et on n’utilise
l’avion que si on y est obligé pour les derniers pneus à cause de
problèmes ou de retard à la fabrication. »
À l’heure où nous publions ces lignes, tous les pneus
sont arrivés dans leur pays respectif ?
« Au Japon, oui, où ils ont été réceptionnés par notre antenne
locale Michelin Motorsport. Pour la Thaïlande, je n’ai pas encore
reçu confirmation mais on est prêt à réagir en cas de
problème. »