Ce dimanche 24 octobre 2021, Fabio Quartararo a répondu aux questions des journalistes depuis le Misano World Circuit Marco Simoncelli, à l’issue du Gran Premio Nolan del Made in Italy e dell’Emilia-Romagna.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos du pilote français, premier tricolore à décrocher le titre dans la catégorie reine.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Fabio Quartararo sans la moindre mise en forme.
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Fabio, quelle a été ta réaction sous le casque lorsque tu as eu connaissance de l’abandon de Pecco Bagnaia ?
« J’ai tout d’abord vu Miguel Oliveira tomber dans le virage 14, puis une moto rouge juste après, et je savais très bien que c’était Pecco car Jack Miller avait déjà chuté un peu plus tôt durant le Grand Prix. Franchement, cela ne m’aurait pas dérangé de devoir jouer le titre à Portimão. »
« Je suis bien sûr très content d’être Champion du monde aujourd’hui, mais ce n’est sans doute pas lié à la chute de Pecco. Ce sont vraiment deux choses totalement différentes. Je suis désolé pour lui, mais aujourd’hui c’est mon jour et nous sommes Champion du monde. L’équipe m’a indiqué au panneautage que j’étais Champion du monde, j’aurais bien aimé finir sur le podium mais le choix de gommes n’était pas optimal. Après dans les faits, que je finisse troisième, quatrième ou bon dernier, le résultat aurait été le même. »
Dans quel état d’esprit as-tu abordé la journée ?
« Pour commencer avant même de me lever j’ai eu un rêve bizarre : Je pensais qu’il était en train de pleuvoir, mais ensuite je me suis réveillé et j’ai constaté que c’était sec et j’ai donc pu me recoucher tranquillement. »
« Inconsciemment, je devais avoir à l’esprit que quelque chose d’extraordinaire pouvait se produire aujourd’hui, mais honnêtement je ne pensais pas que le titre surviendrait dès ce dimanche. La seule façon de viser le titre aujourd’hui était de miser sur une erreur de Pecco. Mais pour le moment je ne réalise pas, je n’arrive même pas à assimiler le terme de Champion du monde dans mon cerveau. »
« Pour le moment je ne réalise pas »
As-tu assez de recul pour percevoir ton évolution entre l’année dernière et cette année ?
« Bien sûr. Aujourd’hui c’était la première fois que je partais d’aussi loin en MotoGP, et en course je pense que nous avons fait un mauvais choix de pneu avant. Mais malgré cela nous étions quand même, sans prendre en compte la chute de Pecco, en cinquième position, alors que notre objectif était de finir dans les sept premiers, et c’est ce que nous avons réussi à faire. »
« En course j’avais vraiment un groupe difficile devant moi, avec Franco Morbidelli et Pol Espargaró entre autres, et j’ai tout de même réussi à les passer. Il n’y a eu que Enea Bastianini qui a été plus rapide que moi à la fin, mais dans l’ensemble je trouve qu’on a fait une course très intelligente aujourd’hui. »
On imagine que tu vises déjà un autre titre dès l’an prochain…
« Bien sûr. Mon plus grand rêve était d’être Champion du monde, et aujourd’hui je le suis, et je ne peux pas m’arrêter là car il faut toujours avoir quelque chose à accomplir. Mon nouveau rêve est de remporter un autre titre, et si c’est le cas alors j’en viserais un troisième. »
« Ce sont toutes ces limites qu’il faut repousser, et je pense vraiment que nous avons les capacités pour le faire. Je pense que toute la pression que j’ai eue sur les épaules lors des deux dernières courses, que je m’étais d’ailleurs infligée tout seul, je vais pouvoir la transformer en expérience en me disant lors de futures situations similaires que j’ai déjà vécu cela et que je m’en suis bien tiré. »
Cette saison tu as repris les rênes du championnat en France, et là tu t’imposes sur les terres de Valentino Rossi. Cela fait beaucoup de symboles, comment interprètes-tu cela ?
« Beaucoup de personnes ont en effet attiré mon attention sur le fait que c’était la dernière saison de Valentino Rossi, et que cette saison je lui avais succédé chez Yamaha au sein de l’équipe d’usine. J’espère pouvoir penser comme tous ces gens que je peux prendre la place d’une légende, parce que sincèrement c’était génial de voir tout ce public en jaune aujourd’hui. »
« Je les ai entendus me soutenir, crier, et sincèrement cela fait une sensation bizarre d’entendre autant de gens crier pour mon titre sachant qu’en face j’étais contre Bagnaia, un Italien. Mais en tant que grand fan de Valentino, tout ce que je peux dire c’est que je souhaite me rapprocher le plus possible de sa carrière. »
« Je souhaite me rapprocher le plus possible de la carrière de Valentino »
Certains pilotes arrivent un peu tétanisés lorsqu’ils arrivent dans une équipe officielle car cela requiert beaucoup de responsabilités, mais dans ton cas on a l’impression que c’est totalement le contraire, car on te sent complètement serein depuis le début de l’année…
« Sur la première course ça m’a un peu pénalisé, mais dès que je me suis mis à gagner, dès que j’ai lancé le compteur, cela m’a détendu. Mais je dois dire que sur le regard porté aux autres, le fait d’avoir affaire à un pilote d’usine m’a toujours un peu impressionné. Je ne sais pas si ça ne le fait qu’à moi, mais quand je vois un pilote officiel, cela me fait un certain effet. »
« Je peux citer l’exemple de Jack Miller, qui est passé de l’équipe satellite Pramac à l’équipe officielle Ducati, cela m’a fait changer le regard que je portais sur lui. Je ne dirais pas non plus que cela m’a mis la pression, mais cela m’a fait prendre conscience que lui aussi était là pour gagner, et que par conséquent j’avais une vraie responsabilité dans le développement de la moto pour amener celle-ci à la victoire. »
« En ce sens je pense que Yamaha ne peut qu’être content de mon travail, et je ne parle pas que de celui réalisé d’aujourd’hui. J’ai une vidéo sur mon portable où on me voit au Qatar déjà réclamer le holeshot device à l’avant. Celui-ci est finalement arrivé au Mugello et c’est à ce moment-là qu’on a amélioré vraiment nos départs. Je pense avoir formulé de bons commentaires techniques cette année, et le fait d’être un pilote officiel ne me met au final que très peu de pression, mais me motive encore plus. »
« Le fait d’être un pilote officiel ne me met aucune pression, mais me motive encore plus »
Après la course, Marc Márquez vous a félicité, mais a aussi indiqué aux journalistes qu’il espérait bien te mettre des bâtons dans les roues l’an prochain. Est-ce que tu penses qu’il sera de retour à son meilleur niveau et qu’il pourrait être ton plus sérieux adversaire en 2022 ?
« Sincèrement je l’espère. J’ai une très bonne relation avec Marc. C’est une personne que j’adore, et il m’a félicité. On a certains comptes à régler en piste également, des bagarres qu’il a remportées notamment, et dont je n’ai pas eu l’occasion encore de prendre ma revanche. »
« Il a été très rapide aujourd’hui, et physiquement il se sent de mieux en mieux. L’année prochaine ce sera à n’en pas douter un favori pour le titre. J’ai souvent pris exemple sur lui, par exemple en Thaïlande en 2019, lorsqu’il avait juste besoin de finir devant Andrea Dovizioso, et où il s’est battu jusqu’au dernier mètre pour remporter la course. »
« Je pense que cela démontre à quel point il s’agit d’un très grand pilote. Il a gagné huit titres de Champion du monde, dont six en MotoGP. Il faut donc s’inspirer de ce que des pilotes comme lui ou Valentino font, mais aussi d’autres sportifs, comme Lewis Hamilton par exemple en Formule 1, ou certains joueurs de football. »
Ton titre provoque déjà de nombreuses réactions en France, notamment celle du Président de la République Emmanuel Macron ou bien encore celle du promoteur du Grand Prix de France, Claude Michy. Que penses-tu que ce titre, le premier d’un Français en catégorie reine depuis le lancement de la discipline en 1949, puisse apporter comme bienfaits pour la moto en France ?
« J’espère vraiment que cela va aider à promouvoir le sport français. Je n’ai pas pu faire encore le tour de tous les messages qui m’ont été adressés, mais j’aimerais déjà les remercier. »
Qu’as-tu ressenti lorsque tu as franchi la ligne d’arrivée, et que tu as vu Eric [Mahé, son manager], Thomas [Maubant] et ton père avant de t’avancer sur le tapis rouge déroulé en bord de piste ?
« J’avais les larmes aux yeux, et je ne savais vraiment pas quoi penser. Ce sont des moments que je n’oublierai jamais. Voir autant de gens contents, c’est le rêve de plein de personnes et c’est mon rêve à moi. Il faut se dire que parmi mes ingénieurs, mes mécaniciens et autres, personne n’avait été non plus Champion du monde jusqu’ici. Donc voir toutes ces personnes contentes pour ce qui est également leur premier titre, c’est énorme. »
« Voir autant de gens contents, c’était mon rêve à moi »