Ce dimanche 24 octobre 2021, Fabio Quartararo a répondu aux questions des journalistes depuis le Misano World Circuit Marco Simoncelli, à l’issue du Gran Premio Nolan del Made in Italy e dell’Emilia-Romagna.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos du pilote français, premier tricolore à décrocher le titre dans la catégorie reine.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Fabio Quartararo sans la moindre mise en forme.
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Fabio, pouvez-vous nous dire le point-clé que vous avez amélioré cette année pour vous permettre d’être Champion du monde ?
« La régularité, sans hésitation. Je touche du bois car la saison n’est pas encore finie, mais nous avons terminé jusqu’ici toutes les courses. A chaque fois nous avons marqué des points, et même à Jerez j’ai réussi à en marquer trois alors que j’avais un arm-pump. Je dirais que la moto de 2021 est la même que celle de 2019, mais en plus rapide. Pour moi c’est cela qui a été la clé pour remporter le championnat cette année. »
« La régularité a été la clé pour remporter le championnat cette année »
Quel a été le tournant de la saison 2021 selon vous ?
« Pour moi le moment clé a été notre victoire au Mugello, car Pecco Bagnaia était très fort mais il a fait une erreur en début de course, alors que de mon côté j’avais eu une belle bagarre avec Johann Zarco. Cet épisode m’a permis de regagner beaucoup de confiance. »
Vous avez traversé des moments difficiles avant de percer en MotoGP. Pouvez-vous nous dire quel moment a été le plus dur pour vous ?
« Le moment le plus difficile pour moi doit se situer en 2016 et 2017, mais ce sont des moments qui m’ont aussi beaucoup apporté. Typiquement, et ce n’est pas la première fois que je raconte cette histoire, il y a eu un Grand Prix en Argentine où je m’étais qualifié en 28e position. A ce moment j’étais plus proche du safety car que de la tête de course, et j’avais même peur que cette dernière me dépasse aussi [il sourit]. »
« C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il fallait que je me réveille un peu. J’ai pris conscience que mon style de pilotage ne convenait pas du tout au Moto2, et qu’il fallait que je le change impérativement. Et sitôt que je l’ai effectivement changé, j’ai dû finir à chaque fois dans le top 10 hormis à Brno si mes souvenirs sont bons. »
« A ce moment-là nous avons fait un gros pas en avant : J’ai gagné à Barcelone, et je suis monté sur le podium à Assen dans la foulée, et c’est cela qui m’a permis d’accéder au MotoGP. Avec du recul, ce fameux Grand Prix d’Argentine a sans aucun doute été mon pire moment, mais c’est aussi celui qui a marqué mon rebond par la suite. »
En arrivant à Misano, vous saviez pertinemment que le titre serait difficilement jouable. Quel a été votre état d’esprit ? Avez-vous absolument voulu remporter le titre ici, ou bien vous êtes-vous dit que le sacre pourrait tout aussi bien avoir lieu à Portimão ?
« En arrivant ici je me disais que ça allait être un weekend normal, même s’il y avait en effet cette possibilité que quelque chose de spécial se passe, mais je ne voulais vraiment pas penser au championnat plus que cela. »
« Je ne voulais pas penser au championnat plus que de raison en arrivant ici »
Mais aviez-vous la certitude d’être Champion du monde cette année ? Après tout, vous aviez une très large avance, quand bien même le titre n’était pas encore assuré mathématiquement…
« J’étais stressé, mais pas à propos du championnat en tant que tel. J’étais plutôt stressé à propos de la course, mais je savais pertinemment que si je n’obtenais pas le titre ici, alors ce serait pour Portimão. Et compte tenu de notre qualifications samedi, nous nous sommes effectivement préparés psychologiquement à devoir nous battre encore au Portugal pour le titre. Mais au final Pecco a fait une erreur, et ce n’était clairement pas la façon dont je souhaitais qu’il finisse la course. Mais ce n’est pas non plus parce qu’il a chuté qu’il ne faut pas célébrer comme il se doit notre titre aujourd’hui. »
Ressentez-vous de nouvelles responsabilités avec ce titre ?
« Les responsabilités sont présentes depuis mes débuts avec Yamaha, car il fallait bien développer la moto le mieux possible, et être compétitif le plus possible. »
Est-ce que vous pensez avoir des similitudes avec Jorge Lorenzo, dernier pilote sacré chez Yamaha jusqu’à aujourd’hui ?
« Tout d’abord, je ne veux pas singer les autres. Je veux être différent, mais si je suis honnête, c’est vrai que j’ai un style de pilotage proche de celui de Jorge, quoiqu’un peu plus agressif. Mais c’est vrai que quand on regarde ses titres obtenus en 2010, 2012 et 2015, on remarque que c’est un pilote au style très doux, qui convient très bien à la Yamaha. »
« Alors j’ai peut-être eu un style similaire en 2019, mais cette année la M1 demande d’être plus agressif pour bien fonctionner, donc la ressemblance avec Jorge n’est pas si grande au final. Après dans l’absolu il est clair que Jorge et Valentino sont bien sûr des références parmi les pilotes Yamaha. Ce sont deux grandes légendes, et c’est génial de les avoir rejoints dans le club des Champions du monde. »
Est-ce que vous avez ressenti une pression supplémentaire du fait de décrocher le titre ici alors que dans le même temps Valentino Rossi faisait ses adieux au public italien ?
« Non, pas du tout. Vous savez c’est un jour spécial pour Valentino et pour moi. Quand j’ai fini mes célébrations avec la moto, je l’ai retrouvé en revenant au stand, et nous n’étions alors plus que tous les deux en piste. Pour moi ce fut un moment très spécial, car je l’ai aussi félicité d’avoir porté ce sport au pinacle. C’est lui qui m’a vraiment donné l’envie d’être champion en MotoGP. »
Comment s’est déroulée votre enfance ? Avez-vous dû faire de gros sacrifices pour parvenir là où vous êtes aujourd’hui ?
« Cela a demandé beaucoup de sacrifices, en particulier pour mes parents. Quand j’étais petit mon père travaillait toute la semaine, et le weekend il m’emmenait à l’entraînement, alors que ma mère restait seule à la maison. En rentrant, je devais encore m’entraîner avec mon frère, car mon père disait que j’étais gros quand j’étais petit. Donc à un moment il a fallu que je tire un trait sur les fast-food. »
« Ensuite j’ai dû aller en Espagne quand j’avais 14 ans, donc je ne peux pas dire que j’ai eu une enfance normale. Cela étant je dois dire que je vis plus difficilement le fait d’être éloigné de ma famille à présent que quand j’étais plus jeune, car quand vous êtes gamin vous avez tendance à rouler des mécaniques car vous ne vivez déjà plus avec vos parents. Reste que j’ai gagné beaucoup en maturité grâce à cette expérience. Vous savez, j’ai 22 ans mais je pense que mentalement je suis bien plus âgé. »
« J’ai 22 ans, mais mentalement je suis bien plus âgé »
Qu’est-ce que ça fait d’être le premier Français à être titré dans la catégorie reine ?
« Je ne peux toujours pas y croire. Je n’ai toujours pas quitté ma combinaison alors que ça fait deux heures que la course est finie. Quand je vois tout ce qui m’entoure actuellement, je peux vous dire que c’est un moment que je n’oublierai jamais de ma vie. Je suis encore sur mon petit nuage, et j’aurais difficilement pu imaginer être titré si jeune. Ce titre, c’est vraiment un rêve qui se réalise, et nous devons en profiter un maximum. »