La saison 2022 de MotoGP débute ce weekend sur le circuit de Lusail. La compétition va ainsi reprendre ses droits après près de quatre mois d’attente au Qatar, et il sera intéressant de voir quelle est la véritable hiérarchie des forces en présence après des essais hivernaux en Malaisie et en Indonésie qui semblent indiquer une prévalence des Honda et des Ducati.
Alors que les premiers essais libres sont désormais imminents, Marc Márquez a répondu par téléconférence aux questions des journalistes. Nous vous retranscrivons ici ses propos en intégralité.
Marc, vous avez traversé des
moments difficiles ces derniers mois, mais vous êtes enfin de
retour à votre plein potentiel, qui plus est sur une toute nouvelle
Honda qui se veut pour le moins radicale. Pensez-vous pouvoir vous
battre pour la victoire dès ce weekend ?
« Je
suis bien sûr très heureux d’être ici, c’est déjà mieux que l’an
dernier [en 2021, Marc Márquez avait été contraint de déclarer
forfait sur les deux premières manches, ndlr]. C’était très
important que je puisse participer aux essais en Malaisie puis à
Mandalika. Après ces derniers essais j’ai clairement senti que
j’étais mieux sur le plan physique. Il est clair que je souhaite me
battre pour le titre en 2022, mais en ce qui concerne précisément
ce GP du Qatar, je ne serai peut-être pas encore tout à fait prêt
pour me battre pour la victoire. Mais je pense qu’on va y voir plus
clair durant le weekend. »
« En ce qui concerne le GP du Qatar, je ne serai sans doute pas encore prêt pour la victoire »
A l’issue des essais de
Mandalika vous avez déclaré que vous ne vous étiez pas encore
totalement adapté à ce nouveau package. Pensez-vous pouvoir trouver
le déclic ici ?
« La moto a fait un bond en
avant énorme. C’est comme si j’avais changé de marque, car depuis
que je suis chez Honda, il y a bien sûr eu chaque année des progrès
sur la moto, mais toujours par petite touche, sans que cela
n’impacte les caractéristiques fondamentales de la moto et la façon
de piloter cette dernière. Mais là c’est vrai que c’est un
changement énorme. J’ai rencontré quelques difficultés lors des
essais en Malaisie, mais à Mandalika j’ai vraiment essayer de
conformer cette moto à mon style de pilotage et j’ai vraiment senti
une progression en ce sens. Je pense d’ailleurs que nous allons
encore progresser lors des courses qui s’annoncent. Tout ce que je
peux dire pour le moment c’est que la base de la moto est bonne, et
il va falloir voir ce que ça donne concrètement lors des essais et
en conditions de course. »
Nous avons vu lors des
essais en Malaisie que les 18 pilotes les plus rapides ne se
tenaient qu’en une seconde, et en Indonésie ce furent les 21
meilleurs. Dans ces conditions, il semble évident qu’il va s’agir
cette année de la saison la plus difficile et la plus serrée de
l’Histoire. Qu’en pensez-vous ?
« Tout a en
effet été très serré lors des essais, mais ce n’est pas la première
fois que cela arrive durant l’hiver. On va bien voir ce que ça
donne après quatre ou cinq courses. Mais c’est vrai que, dans
l’absolu, c’est intéressant d’avoir toutes des motos avec plus ou
moins le même niveau de performance, au même titre que les
pilotes. »
Vous ne vous êtes imposé ici
qu’à une seule reprise, c’était en 2014. Pouvez-vous nous dire
pourquoi ce circuit ne vous réussit guère ?
« Vous
savez, le calendrier compte désormais 21 circuits, et c’est vrai
qu’en ce qui concerne le Qatar ce n’est pas vraiment celui qui
convient le mieux à mon style de pilotage, et même par le passé on
ne peut pas dire que Honda se soit montré très performant ici. Je
pense cependant que cette année la moto devrait bien se comporter
ici, mais moi je ne sais pas si je vais être tout à fait prêt.
Franchement si nous l’emportons dimanche, on pourra alors dire que
c’est inespéré. Ce serait comme un vœu qui se réalise, mais je
pense qu’on en est encore loin. Mais il ne faut pas perdre de vue
qu’il s’agit de la première manche de la saison, et la priorité
sera déjà de finir la course. Et c’est plus facile à dire qu’à
faire. »
« Le circuit du Qatar n’est pas celui qui convient le mieux à mon style de pilotage »
Quand vous avez débuté en
MotoGP, en 2013, il n’y avait pas d’ailerons sur les motos, alors
qu’aujourd’hui il y en a partout. A quel point cela vous a-t-il
forcé à ajuster votre style de pilotage ?
«
Franchement quand il n’y avait pas d’ailerons je peux dire que
c’était mieux pour le spectacle. Il était alors plus facile de
doubler, et je ressentais davantage l’effet d’aspiration. A présent
quand vous suivez quelqu’un la moto commence à bouger dans tous les
sens. Après, il est clair qu’il était plus difficile de piloter la
moto lorsqu’il n’y avait pas d’ailerons, et c’était plus facile de
faire certaines erreurs, donc il y a du positif et du négatif.
Maintenant les motos sont plus faciles à piloter, et il faut avoir
un pilotage précis et doux, mais il est bien plus difficile de
dépasser. »
Toutes les blessures que
vous avez eues récemment vous ont-t-elles contraint de revoir votre
style de pilotage ?
« Ce que j’ai appris au
cours des deux dernières saisons, c’est de prendre le temps
nécessaire pour me remettre de telle ou telle lésion. Mais ma façon
de piloter et de prendre des risques demeure la même, et dès que je
serai revenu à 100% physiquement, je prendrai les mêmes risques que
par le passé. »
Cette saison va être la
première sans Valentino Rossi dans le paddock. Est-ce que cela
signifie quelque chose pour vous ?
« Il
n’était pas un prétendant au titre ces dernières années. Bien sûr
le MotoGP a perdu une icône, mais la vie continue et je pense qu’on
va tout de même vivre une belle saison. »
« Le MotoGP a perdu une icône [en la personne de Valentino Rossi], mais la vie continue »
Le ride height device est
véritablement devenu un système prépondérant en MotoGP. Mais
représente-t-il un danger pour la sécurité dans le sens où cela
accroît la charge de travail du pilote ?
« Pour
moi c’est quelque chose qui va devoir être retiré à l’avenir. C’est
quelque chose que j’ai déjà dit l’an dernier quand je suis revenu
de blessure. Les constructeurs vont toujours plus en avant en
matière d’innovations, et à présent avec le holeshot device on se
retrouve avec un couple énorme sur l’arrière, avec plus de vitesse,
et il est parfois même difficile d’engager une vitesse lors des
procédures de départ. Sur le plan du spectacle on ne gagne rien en
plus à avoir cela. D’accord, on va me dire qu’on roule sur des
prototypes censés être à la pointe de la technologie, mais c’est
une technologie qu’on ne retrouvera jamais sur les motos de série,
à la différence de l’aérodynamique par exemple. »
La nouvelle Honda semble
être la plus performante de ces dernières années, mais est-ce pour
autant une moto dont les caractéristiques vous conviennent ?
La moto semble être moins forte au niveau de l’avant, alors qu’il
s’agit d’un de vos points forts au niveau du
pilotage ?
« L’an dernier tout le monde
disait que la Honda n’était pas une si bonne machine, mais le fait
est que j’ai réussi à remporter trois courses avec, donc tout est à
relativiser. Il n’y a pas à chercher : si une moto n’est pas bonne,
alors vous ne pouvez pas gagner. Mais cette année Honda a suivi les
commentaires formulés par tous ses pilotes et ils ont procédé à un
important changement. Je sais pertinemment qu’un constructeur tel
que Honda doit se battre pour le titre chaque année, peu importe
les pilotes qui roulent sur leurs machines. Pour le moment je dois
dire qu’il est assez facile d’être performant avec la nouvelle
moto. C’est vrai que le pneu avant fonctionne d’une façon un peu
différente, mais à Mandalika j’ai déjà pu ajuster la moto à mon
pilotage et j’ai été de nouveau à l’aise. Cette moto est clairement
un gros changement, mais c’est une meilleure moto au final pour
l’avenir. »
« Tout le monde disait l’an dernier que la Honda n’était pas une bonne machine, mais le fait est que j’ai remporté trois courses avec. Donc tout est à relativiser »
Cela va être votre dixième
saison en MotoGP, et jusqu’ici vous saviez toujours plus ou moins
qui allaient être vos rivaux à chaque début de championnat, ce qui
n’est pas le cas cette année. Comment se fixer des objectifs dans
ces circonstances ? Allez-vous vous concentrer davantage sur
vous-même, ou bien allez-vous vous fixer des buts à atteindre
chaque weekend ?
« Je vais bien sûr me concentrer
sur moi-même, et la victoire ne peut pas être l’objectif ce
dimanche. Mais durant le weekend je vais davantage comprendre où je
me situe par rapport aux autres. Si je ne parviens pas à m’imposer,
ce sera uniquement du fait que ce n’est pas possible, pas à cause
d’un manque de volonté. Il va falloir que je me presse pour bien
comprendre comment pouvoir piloter de façon régulière pour pouvoir
me joindre aux autres [dans la lutte pour la victoire]. »
Vous faites partie des
pilotes les plus âgés sur la grille désormais. Lors des deux
dernières années nous avons tous vécu dans une bulle en raison de
la crise sanitaire, mais la situation semble s’améliorer sur ce
point, mais une autre crise d’ampleur vient de naître avec la
guerre en Ukraine. Pensez-vous que les pilotes du MotoGP devrait
davantage partager leurs réflexions à ce sujet ?
«
C’est incompréhensible de se dire qu’en 2022 on peut encore en
arriver là. Tous les pilotes engagés en MotoGP sont contre cette
guerre. Je ne sais pas comment on peut y mettre fin, mais tout ce
qu’on peut faire c’est apporter tout notre soutien à ces familles,
ces enfants qui souffrent de cette guerre. C’est tout ce que je
peux dire. Il est important de leur apporter tout notre
soutien. »