En plus d’un drame sanitaire, la pandémie du coronavirus provoque une crise économique et sociale sans précédent depuis carrément la fin de la seconde guerre mondiale. Autant dire que dans une telle conjoncture, faire du MotoGP sera la dernière préoccupation des constructeurs engagés, qui vont devoir jouer leur survie sur d’autres théâtres d’opération, bien plus sensibles. La crise financière de 2008 avait convaincu Kawasaki de quitter la scène des Grands Prix, et Suzuki avait suivi. Le choc étant cette fois encore plus grand, doit-on craindre des défections de plus grande ampleur ? Lin Jarvis répond pour le compte de Yamaha…
Pour Dorna, il va falloir d’abord trouver le moyen de faire des Grands Prix pour relancer la machine. Pendant ce temps, il sera nécessaire de garder le paddock à flot. Enfin, il faudra garder un œil sur les constructeurs dont les états-majors évalueront les dégâts de la crise du coronavirus. Au mieux, des coupes sombres dans les budgets sont à venir, voire, au pire, des changements radicaux de politique, ce qui veut dire un retrait du percuteur…
Ce dernier scénario n’est pas évoqué, mais comme spectre d’une année 2020 sans Grand Prix, il faut l’avoir à l’esprit. Lin Jarvis, qui est au plus près des intérêts de Yamaha, donne la température ambiante… « Chaque récession économique conduit à une situation inquiétante dans le sport moto », explique le directeur général de Yamaha Motor Racing. « Il est difficile d’estimer quelles décisions les entreprises prennent dans de telles circonstances. Yamaha est l’un des grands acteurs de l’industrie de la moto. Nos usines sont réparties dans le monde entier. Nous avons entre 65 000 et 70 000 employés. Mais cela ne signifie pas que nous ne pourrions pas rencontrer de grandes difficultés, et cela vaut également pour des usines comme Aprilia, KTM ou Ducati. »
Cependant : « ce qui me rend un peu optimiste est que nous avons un engagement ferme chez Yamaha. Notre direction générale croit en la devise : « les affaires continuent, la vie continue. » Et le MotoGP est une partie très importante de l’entreprise, pour la marque, pour la promotion de la marque et pour la relance du marché. »
« La course correspond très bien à notre philosophie d’entreprise. Je n’ai vu aucun signe d’indécision dans notre groupe dans cette crise qui remettrait en question notre engagement MotoGP. Avec Maverick et Fabio, nous avons deux pilotes MotoGP sous contrat pour 2021 et 2022. Et si je regarde en arrière brièvement, je vois que Honda a donné à Marc Márquez un nouveau contrat de quatre ans jusqu’à la fin de 2024. Il s’agit d’un engagement assez solide. Suzuki vient de prolonger le contrat avec Alex Rins de deux ans pour 2021 et 2022. Je vois donc des signes que pas seulement Yamaha va continuer à faire de la course » développe Lin Jarvis.
Les grandes équipes d’usine MotoGP dévorent 30, 40 ou 50 millions d’euros par saison. Les sponsors ne couvrent généralement qu’un tiers des coûts. Dans un contexte devenu morose, il faudra veiller à ses dépenses. Justement, le MotoGP a pris les devants en décidant très vite de geler toutes les évolutions moteur et dans le domaine aérodynamique jusqu’en 2022. Par ailleurs, la cohésion affichée par l’ensemble des acteurs rassure. Il faut dire que depuis la crise politique de 2019, cet esprit de corps n’était pas garanti… « J’espère que tous les autres fabricants continueront » insiste Jarvis sur Speedweek.com au micro de Günther Wiesinger. « Nous avons eu beaucoup de discussions au sein de l’association des constructeurs qu’est le MSMA au cours des deux dernières semaines. Ce fut très utile. Nous nous sommes donc retrouvés dans la crise après nous être temporairement déchirés au Grand Prix du Qatar 2019 en raison du différend sur le becquet arrière de Ducati, que j’appelle « Aero Gate ». »
« En 2019, peu de discussions ont eu lieu au sein de la MSMA. Maintenant, nous nous réunissons régulièrement lors de conférences téléphoniques et avons beaucoup de discussions, ce qui, à mon avis, est un signal positif. Tout le monde impliquait des plans pour l’avenir. La clé de l’avenir est la durabilité. Nous devons être raisonnables, nous devons être décents et garder un œil sur les coûts. Parce que nous comprenons que toutes nos entreprises doivent accepter les pertes de ventes. J’espère que si nous sommes raisonnables et réduisons les coûts, toutes les usines continueront » conclut Lin Jarvis.