Ces trois dernières saisons en MotoGP ont montré à quel point le thème de l’évolution technique dans la catégorie avait changé de dimension. Le centre de ce monde a migré du Japon, pris comme par surprise, vers l’Europe sous l’impulsion d’une usine Ducati qui a redistribué les cartes en ayant une lecture sérieuse et détaillée du règlement. Le diable rouge se cachait bien dans ces détails et il fait à présent danser tout le monde sur son rythme infernal avec logiquement une longueur d’avance, puisque premier de cordée sur des thématiques ignorées par le pays du soleil levant. Et comme les deux autres marques du vieux continent ont décidé de relever le défi lancé par Borgo Panigale, ça rend les situations de Yamaha et de Honda d’autant plus critiques. Lin Jarvis qui représente la marque aux diapasons ne le nie pas…
Le sujet est maintenant connu et il a été particulièrement éclairé par celui qui a travaillé admirablement au sein du feu projet Suzuki GRSX-RR Davide Brivio. L’Italien s’est fendu d’un discours sur la méthode édifiant sur une révolution culturelle à mener dans un Japon aux canons dépassés par l’actuel monde en mouvement perpétuel. Une remise en cause qui ne semble toujours pas d’actualité.
Ce n’est pas que les motos japonaises sont intrinsèquement mauvaises. C’est plutôt qu’elles ne soutiennent plus la comparaison avec leurs rivales européennes. Lin Jarvis de Yamaha dit ainsi : « nos concurrents se sont simplement améliorés ». Et il fait ce constat : « il y a trois ans, la Ducati avait encore du mal à passer les virages assez vite sur certaines pistes. Cela valait également pour KTM ». Une marque sur laquelle il s’attarde : « les Autrichiens ont fait de grands progrès depuis les essais hivernaux jusqu’à présent. Ils ont toujours eu un moteur puissant, maintenant leur châssis et leur ensemble aérodynamique fonctionnent bien aussi. Pour ce faire, ils ont amélioré le comportement de la direction ».
De son côté, KTM a réagi à cette inscription au tableau d’honneur par la voix de son ingénieur Dan Marshall. Sur Corsedimoto, on lit de lui : « on a réagi, on s’est demandé ‘comment peut-on gagner le titre mondial ?’ et nous avons profité de l’opportunité de travailler avec les gens de la F1 du Red Bull Advanced Technologies. Le projet est en cours et nous définissons les objectifs. Leurs ingénieurs sont intelligents et expérimentés, ils nous écoutent et essaient des choses. Il y a beaucoup d’échanges d’idées. Ils ont beaucoup de ressources, ils peuvent concevoir et simuler à un rythme beaucoup plus soutenu ».
KTM fait entrer de plain-pied la F1 en MotoGP en collaborant étroitement avec Red Bull Advanced Technologies
L’arme fatale du développement actuel est l’aérodynamique, un domaine dans lequel KTM est entré à reculons. Mais contrairement aux Japonais, les pragmatiques autrichiens n’ont eu aucune difficulté à retourner leur veste sur un sujet dans lequel ils se sont à présent lancés à corps perdu : « nous avons amélioré notre compréhension de la moto et savons où nous pouvons appliquer des charges pour la rendre plus rapide lors du freinage, des virages ou de l’accélération. Nous avons beaucoup mieux compris comment les ailerons et les carénages interagissent, maintenant nous les considérons comme un seul corps travaillant de manière aérodynamique ».
Reste que tout ce travail commence à inquiéter à un moment où les négociations en vue du nouveau règlement sont engagées. « Nous voyons moins de dépassements et je pense que c’est dû à l’aérodynamisme plus lourd des motos qui rend difficile le fait de sortir de l’aspiration » dit l’ingénieur qui ajoute : « l’aérodynamique pourrait être interdite, mais j’espère que non. Comment pouvez-vous interdire quelque chose qui est de nature aérodynamique comme une moto de course qui pousse de l’air ? Ils pourraient suivre la voie de la F1 et permettre une aérodynamique active avec un système DRS. Une autre façon pourrait être de laisser place à la créativité et à la liberté aérodynamique, mais sans la masse subie par le sillages et les turbulences, qui étaient le problème des premières ailes il y a des années. Elles sont toujours là et se sont probablement aggravées, car il y a tellement de pièces aérodynamiques sur la moto… Le poids aérodynamique augmente, et nous devons nous mettre d’accord sur une manière raisonnable de le garder sous contrôle » conclut-il.