Cette saison 2023 de MotoGP sera marquée par de multiples enjeux, qui seront à la fois d’ordre technique, politique ou encore sportif. Mais tous auront un impact décisif sur la pérennité de la catégorie dans le paysage des sports mécaniques. Car on en est là, dans un monde qui se cherche et dont les spasmes trahissent son anxiogène instabilité. Une conjoncture qui a déjà révélé ses conséquences dommageables avec le retrait quasiment sans préavis de Suzuki. Un avertissement car, cette année, il va falloir poser les bases du futur règlement 2027. Un débat qui sera regardé de très près par les actionnaires et les investisseurs des marques actuellement en lice en MotoGP. Et Lin Jarvis, qui porte les couleurs Yamaha, n‘est pas le dernier à le signaler…
Le règlement actuel du MotoGP court jusqu’à la fin 2026, mais dès à présent, il faut penser à la suite. « Le règlement technique doit être défini d’ici fin 2023 », confirme d’ailleurs Lin Jarvis, directeur général de Yamaha Motor Racing sur Speedweek. « Parce que tous les constructeurs doivent commencer à travailler pour 2027. Nous devons donc nous mettre d’accord au sein du MSMA d’ici la fin de la saison ». Actuellement, c’est Ducati qui a la main sur le terrain, avec une Desmosedici qui a ouvert la voie à une nouvelle ère en termes de développement. Entre les correcteurs d’assiette et les ailerons, la firme de Borgo Panigale a radicalement et réglementairement changé la donne, mettant la concurrence dans les cordes et les Japonais KO.
2027 devra-t-il être le retour à l’équilibre ? Pour Lin Jarvis, ce n’est pas si simple. Il précise ainsi : « avant de parler de certains détails, du genre à savoir si nous allons garder certains dispositifs, nous devons réfléchir au concept. Que voulons-nous réaliser en tant que constructeur en MotoGP, en dehors du sport ? Pour Dorna, promoteur du Championnat du monde, la course consiste à organiser un spectacle. Ils ont donc une perspective différente de la nôtre en tant qu’équipe d’usine. Nous sommes de l’autre côté et utilisons le MotoGP comme plate-forme de développement pour notre technologie. Nous voulons montrer ce que nos motos peuvent faire. Ce que nous utilisons dans le Championnat du Monde MotoGP doit être pertinent pour notre cœur de métier. Ce n’est pas facile ».
Or, ce « cœur de métier » est actuellement en plein doute, vacillant sur ses bases en subissant les coups de butoirs d’une nouvelle mobilité enragée par l’écologie punitive. Et il sera d’autant plus compliqué de comprendre où se situer et quoi proposer pour un constructeur en 2027 que son espace-temps l’amène à se projeter bien plus loin : « bien sûr, nous pouvons maintenant élaborer des réglementations qui seront pertinentes en 2027, mais ces réglementations seront-elles toujours d’actualité en 2031 ? » s’interroge ainsi Lin Jarvis. « Difficile à dire car le monde change tellement vite en ce moment ».
Lin Jarvis : « qu’est-ce qui est durable pour nous, nos actionnaires et nos investisseurs ?«
Puis l’Anglais pose la vraie question : « c’est pourquoi les « major players », c’est-à-dire les acteurs les plus importants, doivent réfléchir à ceci : qu’est-ce qui est durable pour nous, nos actionnaires et nos investisseurs ? Nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons les convaincre de continuer à investir beaucoup d’argent dans ce sport afin que nous puissions développer des technologies qui ont du sens, également d’un point de vue commercial. En même temps, nous devons nous assurer de continuer à offrir un sport divertissant. Nous devons donc d’abord nous creuser la tête pour savoir quels concepts MotoGP ont du sens pour 2027-2031 ».
Pour le moment, la piste choisie pour réunir le promoteur Dorna et les industriels de la moto est le biocarburant. « Nous pensons que c’est une idée très sensée d’aller dans le sens d’un carburant durable. Nous discutons beaucoup au sein de l’entreprise de ce que nous pouvons faire. Mais nous n’avons pas encore discuté de plans spécifiques pour 100 % de biocarburant d’ici 2026 » commente Jarvis sur le sujet en évoquant aussi une forte priorité : « ce serait bienvenu si nous pouvions réduire les coûts. Mais à ce niveau du sport, il n’est jamais facile de réduire les coûts. Mais au moins, nous devons nous assurer qu’il n’y a pas d’autre escalade des coûts ».
Un discours qui montre que le MotoGP est véritablement à la croisée des chemins que Dorna et les constructeurs ont fait jusque-là ensemble. Mais on a compris que la logique des deux parties commencent à se différencier. Une tendance qui n’est sans doute pas ignorée du promoteur qui doit réfléchir à un plan B, au cas où. Ce qui nous ramène à cette réflexion illustrée par le monde du sport-automobile : l’avenir des Grands Prix ne serait-il pas plus genre NASCAR, véritable show d’un promoteur que Formule 1, toujours liée aux constructeurs ?