La saison risque d’être longue comme être à haut-risque pour une usine Yamaha qui n’a pas fait ses devoirs durant l’intersaison. Un incroyable loupé d’autant plus incompréhensible que l’on parle tout de même d’un constructeur qui connait le milieu et son métier. Mais le Grand Prix du Qatar a montré qu’à l’usine d’Iwata, on s’était bien moins impliqué qu’ailleurs. Fabio Quartararo l’a regretté et l’a payé à Losail tandis que Maio Meregalli n’a rien nié depuis les stands. Cette fois, c’est le directeur de course Lin Jarvis qui monte au créneau… En fustigeant les ingénieurs de la marque, ce qui est assez rare pour être souligné. La déception est donc immense et les conséquences suivront…
Yamaha s’en était toujours très bien sorti sur le tracé de Losail qui comporte pourtant une longue ligne droite de 1,068 mètre qui a systématiquement trahi une santé moyenne de son quatre cylindres à plat pour aller chercher le meilleure vitesse de pointe possible. La M1 se rattrapait néanmoins ailleurs, sinon elle n’aurait pas enlevé dix Grands Prix près de Doha depuis 2004. Ducati a triomphé six fois en 19 courses, Honda trois fois. Mais lors de manche d’ouverture de la saison 2022, les Japonais ont subi une grave défaite. Le champion du monde Fabio Quartararo n’était que 9e, à 10 secondes sous le drapeau à damier du vainqueur. En 2021, Yamaha avait remporté les deux courses MotoGP avec Maverick Viñales et Fabio Quartararo au Qatar. Pour le Français, c’était la première de cinq victoires cette saison et le début d’une saison exceptionnelle.
Un bilan que le directeur de course de Yamaha, Lin Jarvis, ne prend pas la peine d’embellir. Avec un Quartararo 9e, et un Morbidelli 11e, il sait que l’avenir est fait d’embûches. Et d’autant plus qu’il ne faudra pas s’attendre à des miracles. Alors, si l’Anglais veut bien éventuellement prendre sa part dans ce qui va se passer cette année, il met les choses au clair tout de suite, et avant le Grand Prix d’Indonésie à venir ce week-end : il ne plongera pas seul. Sur Speedweek, il dit ainsi : « nos ingénieurs japonais n’ont pas réussi à obtenir l’augmentation nécessaire des performances du moteur. Nous savions après la saison 2021 que nous aurions besoin de ces chevaux supplémentaires ». Pour peu, il se sentirait presque comme trahi… « Bien sûr, nos concurrents se sont améliorés. Regardez les performances de Honda et surtout de Suzuki. Ils se sont nettement améliorés par rapport à l’année précédente. Étonnamment, KTM a été très fort en course. Je pense que Brad Binder a réalisé une solide performance. Nous savions que Ducati est toujours très rapide à Doha.
Lin Jarvis : « nous nous sommes arrêtés en ce qui concerne les performances du moteur »
Lin Jarvis termine avec des mots assez durs à entendre lorsque l’on est Japonais : « chez Yamaha, nous nous sommes arrêtés en ce qui concerne les performances du moteur. Nous savions donc que nous aurions plus de mal que l’an dernier ». Mais le pire est qu’il n’y aura pas de solution. Même en jouant sur l’électronique. Lin Jarvis tue dans l’œuf tout espoir de ce genre : « je pense que nous avons parcouru un long chemin dans ce domaine. Donc je n’y attends pas grand-chose ».
L’autre souci rapporté par les pilotes Yamaha au Qatar a été l’élévation de la pression du pneu avant. Lin Jarvis explique : « nous avons été ralentis par une pression excessive des pneus à l’avant. Cela avait à voir avec l’aérodynamisme des motos. La pression des pneus augmente généralement lorsque vous êtes trop derrière un adversaire dans « l’air sale », c’est-à-dire dans la turbulence du sillage. Si vous vous rapprochez, c’est bon. Mais lorsque vous êtes coincé dans un groupe, la pression des pneus à l’avant augmente souvent ». Le manque de performance du moteur entraine donc une double peine…
Au vu de ce tableau déprimant, qu’attendre de la suite, et d’abord du prochain Grand Prix d’Indonésie, dès ce week-end ? « Je pense que nous ferons mieux en Indonésie. Nous avons obtenu de très bons résultats de test là-bas. C’est une piste qui convient mieux à la Yamaha. On peut aussi y éviter le problème de pression des pneus » commence Jarvis qui ne tient pas à se voiler la face pour autant : « mais au fur et à mesure que la saison avance, nous devrons faire face à un travail fastidieux. Nous pouvons apporter certaines améliorations au moteur, mais bien sûr nous avons homologué un « cahier des charges ». Le développement est gelé jusqu’à la fin de la saison ». A bien l’écouter, il n’y a donc que sur le carénage que l’on peut espérer un mieux, avec moins d’appuis pour plus de vitesse de pointe. Il est attendu pour le Mugello, le 29 mai, ce qui est loin. Et il semble s’annoncer comme un emplâtre sur une jambe de bois.