De gros efforts physiques sont nécessaires pour aller vite sur une moto. Les pilotes ne sont pas simplement assis sur leur selle, à voir défiler le paysage. Si on observe de près, contrôler et exploiter tout le potentiel d’une moto de course demande un effort démesuré et une concentration épuisante.
En regardant une course de moto le dimanche après le repas, tranquillement installé sur son canapé, on a tendance à se dire que ce sport est précis, gracieux, acrobatique.
Mais en observant de plus de près, c’est une séance de gymnastique exigeante, intense et épuisante sur un objet mécanique de presque 300cv en mouvement, chaud et vibrant. Regardez à quelle vitesse les pilotes changent de position sur leurs motos lorsqu’ils changent de direction. Oui, ils doivent le faire précisément parce qu’une grande partie de leurs efforts passe entre leurs mains – qui restent consacrées à la tâche de rester précisément en ligne.
Les guidons sur les motos de course sont ce que l’on appelle des bracelets, des demi-guidons disposés à l’extrémité des tubes de fourche droite et gauche. Et pour tourner, cela demande aux pilotes des efforts démesurés pour combattre la puissante force gyroscopique des roues qui tournent et l’inertie de l’ensemble du vélo et de son carburant. Le pilote doit combattre sa machine pour aller le plus vite d’un virage à l’autre.
Mais que se passe-t-il si le pilote n’est pas assez fort et endurant ? Il risque de ne pas réussir à tourner assez tôt et va élargir son virage, voire aller hors de la piste. Quel est le remède dans ce cas ? Ralentir suffisamment pour lui laisser plus de temps afin de réaliser ce changement de direction. Sans maîtrise, la puissance n’est rien : pour passer vite, il faut être fort !
Être pilote, c’est être un athlète complet
Pourquoi les motos de course modernes ont-elles des roues en magnésium ou en fibre de carbone, avec les disques de frein en carbone les plus légers possibles ? Parce qu’une grande partie de la résistance d’une moto en virage réside dans la stabilité gyroscopique de sa roue avant. Erik Buell, pendant son temps en tant que fabricant de motos, a mesuré les efforts subis par une moto – pour la moto dans son ensemble et également pour les roues seules – afin que ses ingénieurs puissent réduire son poids de toutes les manières possibles. L’objectif était de créer une moto plus agile et facile à piloter.
SI on observe des pilotes sur des virages lents – où la décomposition du mouvement est plus fluide, et donc plus facile à apprécier sans les ralentis réalisés à la télévision – à la fin de la phase de freinage, les pilotes se repositionnent vers l’avant pour mettre du poids sur la roue avant en ayant pour objectif de contrer les effets dus la forte accélération. Lorsque la roue avant se soulève, c’est tout ce qu’il y a à faire. Accélérer encore plus fort ne fait qu’ajouter au manque de contrôle. Le pilote ne s’empêche de reculer qu’à la force de ses bras. Imaginez, c’est comme essayer de faire des tractions avec les bras légèrement pliés, tout en « pesant » 140% de son poids normal (1,4G est une juste estimation de ce que subissent les pilotes à l’accélération). Et il faut piloter précisément en même temps.
Le même pilote, au même virage, mais positionné un peu plus en arrière verra sa roue avant décoller du sol. En sortie de courbe, la moto ne suit plus la trajectoire idéale, les aides électroniques s’en mêlent – anti-wheeling et éventuellement contrôle de traction – et le pilote perd du temps, en plus de se battre contre sa moto. Résultat : les chronos sont moins bons.
Que dire des freinages, où l’intensité maximale du freinage engendre des efforts de l’ordre de 2.5G pour le pilote ! Les poignets de Danilo Petrucci, par exemple, doivent retenir 195kg, lui qui pèse en temps normal 78kg – c’est l’un des pilotes les plus lourds du plateau MotoGP. Cela explique que nombre d’entre aux aient des soucis aux bras !
C’est pourquoi les meilleurs pilotes d’aujourd’hui suivent tous des programmes d’entraînement physique intensif – pour leur donner la force et l’endurance nécessaires pour mettre rapidement leur poids là où il doit être : droite, gauche, avant, arrière – tout en conservant la précision nécessaire pour maintenir la trajectoire. N’est pas Champion du Monde qui veut !
Lorsque les motos ne se comportent pas idéalement – un amortisseur qui pompe, un châssis trop souple, ou lorsque les pneus glissent puis reprennent de l’adhérence – le contrôle du pilote est menacé. On a vu récemment Jack Miller se mettre en appui sur ses chevilles et laisser sa moto guidonner violemment. C’est également arrivé l’an dernier à Fabio Quartararo, où lors d’un guidonnage, il n’avait pas écarté ses coudes du réservoir, ce qui a compromis temporairement sa capacité à diriger la moto.
Lorsque vous vous approchez des danseurs, vous pouvez entendre les grognements de l’effort et voir les efforts musculaires intenses nécessaires pour se déplacer et tourbillonner, ce qui à distance semblent si gracieux. C’est un art. Les pilotes de moto leur ressemblent, avec en plus un monstre mécanique ultra-puissant à maîtriser pour réaliser le meilleur chrono et gagner une course.