Depuis ses débuts en Grands Prix, Johann Zarco a toujours utilisé ses casques comme un véritable moyen de communication, que ce soit pour remercier un partenaire ou rendre hommage à une personne importante pour lui.
À ses débuts, dès l’époque de la 125 cc, Gabor Talmacsi, Jean Alesi, Jacques Bolle et Jacky Hutteau se sont par exemple vus commémorés tandis que lors des dernières saisons nombre d’entreprises ont eu droit à leur version dédiée du couvre-chef du pilote français : Bihr, Michelin, Maxxess, Agilis, etc.
La qualité de réalisation n’a jamais fait défaut mais, au fil des ans, les décorations des casques Shark RACE-R PRO GP utilisés par le double champion du monde sont devenues de plus en plus sophistiquées et attrayantes.
Nous en avons profité pour demander à David Matray, qui manie avec adresse le pistolet sous le nom d’Aéro Jam, de nous expliquer en détail son travail : « je reçois les casques en apprêt, avec le spoiler aérodynamique déjà posé et mastiqué. Cette étape est maintenant faite chez Shark, alors que l’année d’avant, on était obligé de le faire nous-mêmes. Je fais donc un léger ponçage pour être sûr de bien accrocher la peinture qui commence par une couche basique de blanc. Puis, au fur et à mesure, je masque les différentes zones qui reçoivent les différentes couleurs en fonction du design ».
Qui réalise le design ?
« Le design des casques de Johann Zarco est réalisé par Vyrus Graphics. Je l’ai régulièrement au téléphone pour que l’adaptation du design, qui est réalisé à plat, corresponde à la peinture qui, elle, est finalement en 3D ».
Vous recevez un document avec le casque sous toutes ses faces ?
« Ça dépend des fois, mais généralement oui ! Une vue de droite, une vue de gauche, une vue de face, une vue de dessus et parfois une vue de derrière. Je prends donc un casque que j’ai déjà peint en blanc, je prends des mesures et, à partir du design, je trace ce qu’on appelle des relevés en tenant compte des sponsors qui sont très importants à ce niveau-là de la compétition. Comme ça, je sais où je vais pour faire les 2 casques qui seront utilisés durant une course ».
À chaque fois, vous faites 2 casques ?
« Oui, une série spéciale, c’est toujours 2 casques pour un Grand Prix. Au cas où, on ne sait jamais : il vaut mieux en avoir un d’avance. Après, il y a le casque habituel de Johann. J’ai dû en faire 6 jusqu’au Mans, puis je le réapprovisionne au fur et à mesure où il les abîme. Mais en 2018, il a utilisé beaucoup de séries spéciales. C’est plutôt sympa ».
Comment faites-vous pour les superpositions de couches car, on peut en témoigner, à la fin on ne sent aucune surépaisseur ?
« En fait, je fais d’abord la partie peinture du casque, c’est-à-dire les couleurs, les liserés et toutes ces choses là. Généralement, tout ce qui est sponsor est en adhésif car ils respectent une charte graphique vraiment très précise et on n’a pas le droit de les peindre. Donc je peins le casque sans aucun sponsor, puis je le vernis, je le re-ponce pour avoir une surface parfaitement lisse, je pose mes adhésifs puis je revernis encore derrière. Généralement, je revernis 2 fois pour essayer de noyer les autocollants mais il ne faut pas trop insister car, après, le casque prend du poids. Donc j’essaie d’être à la limite : on sent encore un tout petit peu les autocollants mais ça va, ce n’est pas trop lourd ».
Justement, on a une idée du poids de la décoration ?
« Au début, je pesais les casques, mais j’ai arrêté depuis que ce n’est plus moi qui pose les spoilers. Mais on va dire que cela varie entre 200 et 400 grammes. Et oui, si vraiment on y va comme un mulet, on peut trop alourdir le casque. Je fais très attention à ça, car à ces vitesses là, le poids est très important, que ce soit côté performance mais aussi pour le cou du pilote ».
Entre le casque blanc, et le casque prêt à être livré, il y a combien d’heures de travail ?
« Généralement je les travaille par 2 car c’est rare que je n’en fasse qu’un seul. On va dire que ça me prend 3 jours de travail en comptant la finition et le vernis. Après, je remonte toutes les ventilations, je colle les joints et je le livre à Shark. Ce sont eux qui remontent l’intérieur. Selon la décoration, cela peut prendre plus de temps, mais généralement c’est à peu près 3 jours. Il faut dire que je suis aussi un peu maniaque (rires) ».
Pour chaque opération spéciale, il y a 2 casques. On peut imaginer que l’un va au sponsor, mais l’autre ? Il y a un musée secret ?
« (Rires) Je ne sais pas vraiment mais je pense que Johann doit avoir son propre musée, oui, pour décorer chez lui ».
La peinture utilisée est-elle une peinture à l’eau ?
« Non. La peinture à l’eau a bien évolué, mais on a quand même des arrachages ou des traces quand on pose par exemple les masques pour casser les différentes zones. Donc je travaille avec de la peinture polyuréthane et je termine avec un vernis céramique assez costaud. J’utilise d’ailleurs la même chose pour mes clients lambda et ça tient dans le temps sans problème ».
Avez-vous d’autres clients « pas lambda » ?
« Oui, par exemple, je m’occupe aussi maintenant des casques de Sam Lowes, en design et peinture, et de Miguel Oliveira. ».
Le casque est-il cuit, une fois fini ?
« On peut ! On peut le passer en étuve à 60° mais j’évite, pour éviter toute éventuelle réaction avec le spoiler ou son mastic. Je le laisse plutôt sécher en cabine à température ambiante, et avec le vernis céramique, le casque est sec au toucher en 20 minutes ».
Comment en arrive-t-on à être le peintre des casques de Johann Zarco ?
« En fait, de formation, je suis carrossier-peintre-formeur. Mais ça fait 15 ans que je suis à mon compte et j’ai toujours décoré des motos, des réservoirs et des casques à côté de ma première spécialité. Au fur et à mesure, la décoration a pris le pas sur la peinture lambda, et maintenant la peinture de casque prend le pas sur celles des motos. Aujourd’hui, je fais quasiment 80 % de casque, et c’est ce que je veux ».
Merci à Aéro Jam
Nouvelle adresse: 430 Bd de Lery, 83140 Six-Fours Les Plages