Cette saison 2020 a vu énormément de retournements de
situation. Mais quel est le « point de non
retour » ? En d’autres termes, quand Joan Mir remporta
t-il le championnat du monde MotoGP ? Ensemble, tentons de
répondre à cette question. Tout porte à croire qu’il s’agit du
Grand Prix de San Marin, en première partie de saison.
Un peu de contexte s’impose. En repartant de
Jerez, le chemin semblait tout tracé pour Fabio
Quartararo. En effet, il venait de rouler sur les deux
courses avec une aisance assez déconcertante. Cependant, les choses
se compliquèrent sérieusement durant les manches suivantes.
Álex Rins, revenant de blessure, ne pouvait pas
évoluer au meilleur niveau. Maverick Viñales, tout
comme Andrea Dovizioso,
restait en embuscade.
Il était difficile de se douter que Joan Mir allait jouer le
championnat du monde, tout comme Franco
Morbidelli. Ces derniers sont arrivés plus tard dans la
course au titre. C’est justement de quoi il est question
aujourd’hui.
Mir savait. En réalité, il était dans le coup
depuis le début de saison mais ne subissait aucune pression.
Certes, il dut abandonner lors de la première manche à Jerez et fut
percuté à Brno. Mais autrement, ses résultats étaient très
corrects, marqués par une deuxième place en Autriche.
Pendant que tous les médias, y compris certains pilotes,
voyaient Fabio et Andrea se
disputer la gagne, Joan passait hors du champ des radars. La course
de Misano n’est que la continuité de ce phénomène
: en réalité, il n’y a pas eu de point d’éclosion. À un moment
donné, tout le monde s’est subitement rendu compte du potentiel de
l’Espagnol, et ce, à force de le voir devant.
À n’en pas douter, cet aspect d’outsider permanent aidait Joan. En
revanche, pour la concurrence, tout bascula à Misano. Au moment de
poser les valises, Quartararo est en dedans mais
mène encore le championnat, trois points devant
« Desmodovi ». Suit un Jack
Miller surprise, à quatorze points derrière.
Une fois de plus en essais libres, c’est la position « sous-marin »
de Mir qui impressionne. Le Majorquin n’est pas un spécialiste de
l’exercice, c’est le moins que l’on puisse dire. Il n’en a pas
enregistré une seule, du jamais vu pour un champion depuis Wayne Rainey en 1992.
En F1, il faut remonter à Niki Lauda en 1984 pour voir cela.
Ceci est donc extrêmement rare en sports
mécaniques.
Il se positionne huitième, dans le peloton. Une position difficile,
mais que le circuit peut compenser. En effet, le premier secteur
est propice aux dépassements et peut permettre de remonter. Le
risque principal étant de se faire emboutir.
Andrea Dovizioso ne semble pas y arriver, et peine
terriblement. Pendant ce temps, Fabio Quartararo
enregistre sa première chute de la saison, un moment absolument
décisif pour le championnat ! Mir ne fait que remonter.
Animé par une force indescriptible, il gagne des places et double
Valentino Rossi tard dans la course, pour s’offrir un nouveau
podium. En une course, tout change. Mir passe 4e
du championnat, à seulement 16 points de Dovizioso leader. Miller,
huitième, voit doucement le titre lui échapper. Ce moment précis
lancera Mir vers la conquête du titre. Après cette manche, il
montera de nouveau sur le podium; le seul vrai faux-pas de sa
saison est en réalité sa contre-performance du Mans (11e).
Ce Grand Prix de San Marin montre à quel point un petit détail peut
être important lorsqu’on élargit le champ de vision. Personne ne se
doutait que Mir allait le faire, sauf lui. Ainsi, son titre
apparaît comme un exemple de détermination et de confiance en soi.
Jamais il n’eut cette « pression de la
couronne », avant ou après Misano.
Photo de couverture : Michelin Motorsport