Se faire sa place en Grand Prix n’est pas simple. Et encore moins lorsque l’on ne fait partie d’aucune filière particulière et que l’on n’a pas les moyens de monnayer sa place autrement que par ses seuls résultats. Il faut alors une grande conviction, de la persévérance, un soupçon de réussite et un bon manager qui ne pense pas seulement à son intérêt. Un parcours du combattant semé d’embûches que certains ont tout de même réussi. Par exemple, Joan Mir.
Joan Mir est un Champion du Monde de Moto3 millésime 2017 et à présent un officiel Suzuki en MotoGP. Sa première saison à ce niveau a eu lieu cette année et elle s’est soldée par dix résultats dans le top 10, une 12e place au championnat, une cinquième place en Australie comme meilleur classement. Mais aussi une grave blessure aux poumons à la suite d’une violente chute lors d’un test à Brno.
Un parcours qui n’a pas été simple, mais celui qu’il a assumé pour en arriver à ce niveau n’a pas été moins compliqué. Le Majorquin de 22 ans est donc déjà aguerri aux difficultés, une qualité que son manager Paco Sanchez décrit ainsi : « d’une manière ou d’une autre, Joan a été difficile à caser. Je l’ai rencontré pour la première fois à l’été ou à l’automne 2013. A cette époque, une connaissance de Majorque m’a appelé et m’a parlé d’un talent qui voulait postuler pour la Rookies Cup. J’ai donc décroché le téléphone et appelé Alberto Puig, qui est responsable de la sélection des talents là-bas. Je lui ai demandé de garder un œil sur Joan Mir. Puis il m’a appelé et m’a dit que Joan avait fait bonne impression, qu’il était talentueux », se souvient Sanchez sur Speedweek.
De bonnes dispositions confirmées en 2014 avec une seconde place à la Red Bull Rookies Cup 2014 derrière Jorge Martin. Mais il n’intéressait personne dans le paddock : « j’ai couru dans toutes les équipes de Grand Prix en Moto3 et Moto2, j’ai frappé et annoncé Joan pour 2015. Personne ne le voulait. Il n’y avait pas non plus d’intérêt en Supersport. Ses parents n’avaient pas d’argent, nous ne pouvions offrir que le talent du pilote. Enfin, j’ai collecté de l’argent et placé Joan dans l’une des équipes les plus pauvres du CEV Moto3. En 2015, il a dû piloter une moto 2012 contre les équipes d’Alzamora–Monlau et Ajo Motorsport, qui étaient sur la piste avec des équipements de niveau championnat du Monde. Néanmoins, Joan Mir a remporté les deux premières courses. Après cela, j’étais complètement convaincu de sa vitesse. Pour 2016, nous avons obtenu un contrat avec Leopard–KTM, il a remporté le Grand Prix d’Autriche et quelques places de plus sur le podium. Nous sommes restés avec Leopard pour 2017. »
On connait la suite avec dix victoires et dix-huit courses et le titre. Le voilà chez Suzuki aux côtés d’Álex Rins, un team que son manager connaît bien puisqu’il gère aussi les intérêts de Maverick Viñales. Une double mission qui a son anecdote : « Maverick veut l’exclusivité. Il n’a consenti à Joan que parce qu’il ne pensait probablement pas qu’il entrerait si vite en MotoGP… En course de moto, il n’est pas courant qu’un manager s’occupe de plusieurs pilotes. J’ai dirigé Pol Espargaró, Kallio et Rabat lors du Championnat du Monde Moto2 2013. Cela a bien fonctionné. En 2014, Rabat et Kallio étaient premier et deuxième chez Marc VDS en Coupe du monde. Il n’y avait pas de conflit. »
Paco Sanchez est heureux que Joan Mir ne fasse pas partie de ces adolescents qui ont sacrifié leur enfance pour le sport moto : « il est entré en Championnat du monde à 18 ans et il a été pilote MotoGP à 21 ans. Je pense que c’est l’idéal. On laisse les pilotes avoir leur enfance, ils peuvent se défouler et aller à l’école. Et quand ils viennent au championnat, nous n’avons pas à négocier avec les parents ou les grands-parents, mais avec eux, qui ont l’âge légal et sont autorisés à signer. Ils ne sont plus des enfants et sont conscients que ce sport peut aussi être dangereux. »