En langue française un tantinet argotique, on dirait « Et mon c… c’est du poulet ? » alias le « And my ass it is chicken ? » de nos vertes années…
Message aux pronostiqueurs de tous poils et même dans le paddock, surtout hors du stand Honda, qui veulent nous gâcher le plaisir, merci d’avaler le grelot (de la fermer)… Un peu d’argot ne gâche jamais rien, c’est une langue très poétique mais pour les puristes je passe au franglais habituel des sports mécaniques…
On a un championnat MotoGP de folie, où l’on voit un rookie français attaquer la star absolue qu’est Marc Márquez, on a un Rins qui bat ledit Márquez sur le circuit d’Austin où il était soi-disant imbattable, on a un Petrucci qui n’en revient pas de gagner sur son « home circuit »… (Circuito a casa)…
Alors oui, on n’est pas encore à la moitié du championnat, on y sera après Brno, un pilote a des points d’avance au général, c’est comme ça dans tous les sports mécaniques…
Mais seulement dans les sports mécaniques, dans les autres disciplines il y a des huitièmes, des quarts et des demis, en GP c’est finale à tous les coups !
D’accord, ce n’est pas n’importe qui le pilote en tête au général, cinq fois titré dans la cylindrée « first class » (je déteste l’expression « catégorie reine » tellement utilisée par mes confrères…). Tiens un jour je vous donnerai la définition du « confrère », mais là je reste à donf à l’horizon tchèque…
Et au fait que les mecs qui disent et écrivent que Márquez est déjà titré me gavent sévère… Pourquoi ? Parce que les GP c’est un plaisir, une émotion, un frisson, du bruit et de la fureur, et ce durant toute la saison, témoin le nombre de spectateurs hallucinant du dernier GP chaque année à Valence…
D’ailleurs, un GP est aussi un spectacle, et au spectacle même quand je connais la fin et chaque plan et chaque réplique j’ai le frisson… « Rio Bravo » vu plus de cinquante fois, les « Tontons flingueurs » le double, « Sympathy for the Devil » écouté mille fois, « Good golly miss molly» dansé dix mille fois…
Chaque fois c’est la chair de poule.
Alors quand je ne connais pas la fin, je déteste le mec derrière qui raconte ce qui va se passer…
Une démonstration peut se faire par les chiffres, Marc Márquez a cinquante huit points d’avance au général. Il reste dix GP, soit 250 points à distribuer au(x) vainqueur(s) potentiels, et vous me dites que le titre est déjà « in ze pocket » ?
Une démonstration peut se faire par les tripes, Ducati, challenger autoproclamé dit déjà que Marquez est imbattable, j’ai joué au rugby dans ma jeunesse, un mec qui entrait sur le gazon avec la trouille au ventre (et vu les gros violents en face, il y avait de quoi !) était laissé sur le banc…
Une démonstration peut se faire par l’absurde… On va voir Rins, Quarta, Viñales, si on leur dit avant de monter à califourchon que ce n’est pas la peine d’aller se tuer, qu’ils sont battus d’avance, ils plient les gaules ou ils nous mettent une droite ?
Une démonstration peut se faire par intime conviction, dans son célèbre « J’accuse », Zola avait écrit « Je vous jure que Dreyfus est innocent », je suis sûr aussi que si je vais dire à Márquez, avant un GP, qu’il est déjà titré, c’est moi qui vais la prendre la droite…
Une démonstration peut se faire par analogie. Si vous êtes si sûrs qu’il est déjà titré, je vous propose d’attaquer Brno au guidon de Márquez, la ligne de départ sera géniale si vous ne calez pas, on passe la deux, la trois waoouuuu ! Après, prendre plus de 65 degrés d’angle, là finalement on va le regarder à la TV…
Le génie des sports mécaniques (je les ai pratiquement tous suivis et je suis toujours comme un gosse dès que je regarde un tour de formation) est que justement rien n’est jamais sûr…
Si vous avez besoin de certitudes à la c… faites des sondages en politique, allez jouer une martingale de folie au casingue, hurlez « I hate blacks » en plein milieu de Harlem ou bien faites comme le mec décrit par Steve Mc Queen dans « Les Sept Mercenaires », le héros de sa blague court tout nu dans le désert et se jette sur les cactus juste pour savoir ce que ça fait… Croire que l’on voit l’avenir, voilà l’ennemi (partout d’ailleurs, pas seulement en sports mécaniques) c’est le doute qui est un formidable coup de cœur permanent.
Une démonstration peut se faire en historien, demandez à Rossi (si vous n’avez pas encore pris assez de baffes…) si en 2006 on peut perdre un titre (comment dit-on déjà ? gagné d’avance… ?) durant le dernier GP de la saison?
Alors vivement dimanche à Brno… qu’un de mes confrères prononce « beurno »…
Pourtant facile de prononcer Brno…
Mais non, vous vous en foutez de Brno, vous savez déjà qui sera titré, alors à quoi ça sert de regarder la TV (payante) ou de lire les journalistes qui sont comme ceux de Paddock GP… plus passionnés qu’eux tu meurs ?
D’ailleurs (à la boxe on appelle ce dernier argument le « knock out ») même si je savais à l’avance que Márquez sera champion, je regarderais quand même les GP, avec le cœur qui bat à 20 000 t/mn, alors les casseurs de fête, cassez vous !
Jean Louis Bernardelli, alias « Loulou » pour les intimes, est journaliste dans la moto et l’auto depuis des dizaines d’années, autrement dit c’est un vioque. Et c’est connu les vioques c’est toujours de mauvaise humeur. Sauf les jours de GP ! Et cette rare bonne humeur vaut bien un billet… (Un billet de dix balles précise le red-chef…)
Jean-Louis Bernadelli