Le début de saison de Valentino Rossi ne laisse plus de
doute. À 42 ans, il s’agit de ses derniers tours de roues
au guidon d’une machine de Grand Prix. « The doctor »
s’effacera en légende, et ce n’est pas cette dernière saison qui
entachera son héritage, contrairement à ce que beaucoup laissent
entendre. Pourtant, si l’on prend du recul, la retraite de Vale’
signe la fin d’une ère bénie. Un moment de nostalgie
s’impose.
31 mai 2009, Montmeló. Jorge
Lorenzo, dans sa deuxième année seulement, bouscule les
codes de la catégorie. Un style emprunté à Valentino
Rossi, en moins chaleureux, pour sûr. D’ores et déjà, il
éblouit le monde de son talent, n’hésitant pas à jouer des coudes
avec son coéquipier légendaire.
C’est lui qui s’élancera depuis la pole position. Pour la course,
il faudra se méfier du n°46, le champion du monde en titre.
Beaucoup le trouvent vieillissant, moins fulgurant qu’à l’époque
Honda.
Casey Stoner, champion du monde 2007 sur Ducati, est en
embuscade, tout comme Dani Pedrosa, futur crack de
la catégorie. La décennie suivante est là, sous nos yeux. Le
« Big 4 » joue la gagne, tous les
weekends de course. Les caractères de ces champions sont très
différents : du côté des fans, tout le monde y trouve son
compte.
C’est Valentino qui draine le plus de monde sur les circuits,
mais la nouvelle génération devrait rapidement prendre le relai. Ce
dépassement miraculeux dans le dernier virage ressemble aux
premières lignes d’un succulent livre. C’est ici que tout commence,
que de vagues images se muent en souvenirs.
Ce bon bouquin s’est refermé depuis bien
longtemps.
8 novembre 2015, Cheste. Après avoir bataillé aux
quatre coins du globe, nos héros se retrouvent à 500 kilomètres du
lieu de départ. Pour en découdre une dernière fois. L’explication
finale, notre « Suzuka ‘89 ».
De nouveaux sont arrivés, des anciens sont partis.
Rossi, Lorenzo et
Márquez sont en guerre, les uns contre les autres
ou contre eux-mêmes, à vrai dire, on ne sait plus. Dans une tension
extrême, les trois vont s’élancer avec un titre en jeu. Le titre
qu’il faut remporter, pour l’histoire. Jamais
l’affrontement direct entre deux officiels d’une même équipe ne fut
aussi serré.
Les tribunes sont pleines à craquer, personne n’arrive à
respirer. Une chape de plomb plane au dessus de Valence, et tout le
monde sait qu’elle va s’effondrer. La guerre fait partie de
la vie, l’histoire est inévitable.
Le vainqueur importe peu aux yeux du temps. Le livre est terminé,
mais comme souvent, une suite moins intense est rédigée. Depuis
2016, nous avons l’occasion d’apprécier un spectacle pour le moins
intéressant, plus équilibré qu’avant. L’électronique unique comble
un grand nombre d’observateurs, et il est vrai que jamais le sport
n’a été aussi disputé.
Mais la rivalité, parent de tout triomphe, manque un
peu. Chaque génération laisse place à une autre, souvent
meilleure d’ailleurs, mais pas forcément plus grande. Malgré les
moments de tristesse et de deuil, nous avons vécu dans un âge d’or
de sept années, qui propulsa la MotoGP dans une toute autre
dimension.
La retraite de Vale’ signera la fin d’une ère bénie. Un dernier
chapitre se clôturera, pour laisser place à une autre œuvre,
une autre époque.
À nos souvenirs.
Photo de couverture : Michelin Motorsport