KTM fait ce qu’il faut pour trouver les champions de demain en Grand Prix moto en investissant avec son partenaire compatriote qui donne des ailes dans des filières susceptible de les révéler. Et des révélations, il y en a. On pense ainsi à Pedro Acosta, mais il faut aussi citer les noms de Remy Gardner et de Raul Fernandez. Le duo aurait dû être le parfait exemple de la réussite de cette politique. Promouvoir ainsi le Champion du Monde de Moto2 en titre et son dauphin au classement général, c’est quelque part dans l’ordre des choses comme il s’agit d’une démonstration de force qui ne peut que susciter des vocations à rejoindre ces rangs. Mais l’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions…
Lorsque l’on regarde la situation actuelle de Remy Gardner et de Raul Fernandez, force est de constater que l’expression ci-dessus a maintenant son cas concret avec KTM. L’élixir autrichien tourne en eau de boudin. Non seulement les résultats ne sont pas là, mais, en plus, les désillusions ont tendu les relations. Le grand patron Stefan Pierer a identifié l’entourage de Raul Fernandez comme un « désastre » et lorsque la question lui est posée de savoir si Remy Gardner a une chance d’être le futur équipier de Pol Espargaró chez Tech3 qui passera sous les peintures de guerre GASGAS en 2023, il répond de façon lapidaire « certainement pas » …
Ça tourne donc au vinaigre et la situation est regardée de près par la jeune génération. Alors, avant que cet épisode ne tourne au désastre, les patrons du blason confinent l’incendie sous l’aspect d’un accident de parcours, dont ils sont aussi les victimes. On lit ainsi sur Speedweek les propos de Hubert Trunkenpolz : « le saut de la Moto2 à une MotoGP est maintenant énorme. C’est pourquoi Remy Gardner et Raul Fernández ont eu du mal jusqu’à présent » commence-t-il, avant de préciser : « mais vous devez vous rappeler que, l’année dernière, ils nous ont tous les deux poussés à les promouvoir en MotoGP. Rétrospectivement, on peut peut-être dire : c’était peut-être un an trop tôt. Si nous ne les avions pas emmenés chez Tech3, ils seraient allés chez un autre fabricant. Parce que Remy a dit : « Je suis champion du monde ». Et Raul a affirmé : « Je suis plus rapide que lui ». Nous avons donc accepté le changement de classe ».
« KTM est le seul constructeur MotoGP à avoir développé un projet homogène pour nos talents »
Puis il rappelle le fondamental : « je dois préciser que nous sommes le seul constructeur MotoGP à avoir développé un projet homogène pour nos talents, de la Red Bull Rookies Cup, de l’Austrian Talent Cup et de l’European Talent Cup aux championnats du monde Moto3 et Moto2 et au MotoGP. Le fait que nous ayons un certain taux d’abandon avec ces nombreux pilotes, que certains pilotes passent à travers la grille, c’est dans la nature des choses » dit-il.
Certes, mais le fracas des naufrages de Remy Gardner et Raul Fernandez dont la dimension est grandie par les interventions acrimonieuses des responsables donne une conjoncture aux airs de véritable accident industriel. A Mattighofen, on en a aussi conscience avec ce mot de la fin revenant à Stefan Pierer : « nous nous sommes mis d’accord sur une division du travail dans ce domaine ».
Reste à savoir ce que l’histoire retiendra : le fait que KTM a amené un pilote jusqu’au titre de Champion du Monde de Moto2 ou celui que la même marque lui a brûle les ailes en ne lui laissant qu’une seule saison pour se révéler au plus haut niveau de la compétition ? Il s’agit bien ici de Remy Gardner, car pour ce qui de Raul Fernandez, il avait signifié à son employeur sa volonté de le quitter dès Jerez. Au fait, si « le saut de la Moto2 à une MotoGP est maintenant énorme », et c’est bien le cas, il faut fatalement laisser du temps à sa relève de s’y faire les dents. Sinon, à quoi bon ? Souvenez-vous de la première saison de Pecco Bagnaia, et regardez où il en est à présent…