KTM fait partie des cinq autres constructeurs qui s’opposent aux sixième et dernier engagé en MotoGP, en l’occurrence Ducati. Mais c’est peut-être la firme de Mattighofen qui s’exprime le plus sur cette opposition en insistant sur le thème de la sécurité. En cause ce fameux système de correcteur d’assiette agissant à présent sur l’avant de la moto. Une opportunité mécanique qui amène donc le pilote à assimiler une nouvelle action sur le guidon, parasitant sa concentration sur son seul pilotage, selon les détracteurs. Mais KTM n’avance pas que ça comme argument de l’accusation. Il verse aussi au dossier une expertise du spécialiste des freins Brembo qui interpelle peut-être un peu plus…
KTM Motorsport à travers son plus haut représentant Pit Beirer a insisté au Qatar, le week-end dernier, sur la nécessité d’interdire les dernières évolutions amenées par Ducati au dispositif mécanique de correcteur d’assiette. Il dit ainsi sur motorport-magazin.com : « notre point de vue est clair. Nous devons remettre la sécurité des pilotes au premier plan », puis le même tire cette sonnette d’alarme : « nous avons des instructions écrites de Brembo selon lesquelles les freins sont maintenant absolument à la limite. Si tel est le cas, cela n’a donc aucun sens pour nous d’apporter d’autres aides techniques à la moto pour atteindre encore plus de vitesse de pointe ».
Ducati, en tant que pionnier de cette technologie se défend en accusant ses concurrents de vouloir bannir le fruit de ses travaux pour une autre raison : celle de prendre un retard technique aussi dû à une moindre compétence en termes de recherche et de développement. Cependant, on rappellera que le record de vitesse de pointe est actuellement partagé par Ducati et KTM et plus exactement entre Johann Zarco au Qatar et Brad Binder au Mugello qui, l’an passé, ont fixé la barre à 362,4 km/h.
« Ce sont des systèmes technologiquement exceptionnels, mais nous ne devons pas aller plus vite », prévient Beirer. « Si maintenant nous abaissons également les motos à l’avant, cela signifie encore quelques km/h de plus. Où est-ce que cela est censé mener ? 370, 380 km/h ? C’est là que ça devient vraiment inconfortable pour les pilotes ». Un argument qui a aussi été avancé par l’officiel Suzuki et Champion du Monde 2020, Joan Mir.
Justement, les pilotes : ils perçoivent la distraction causée par l’utilisation des systèmes comme particulièrement désagréable. « Vous devez maintenant appuyer sur huit boutons sur la moto », explique Beirer. « Les pilotes peuvent tourner leurs machines de haut en bas dans toutes les directions, ajouter ou supprimer de la puissance. Le MotoGP est souvent comparé à la Formule 1. Ce sont en fait aussi des athlètes absolument brillants mais ils ont beaucoup moins de mouvement dans leur corps. Surtout, ils ont une monocoque autour d’eux. Lorsqu’un pilote MotoGP heurte un mur de pneus, la zone de déformation commence au nez. Nos pilotes sont suspendus sur leur moto et ils doivent actionner des boutons en même temps. C’est de la folie totale ! ».
KTM rappelle la procédure et pense à une autre voie pour réduire les performances
Cependant, un changement de règle immédiat nécessite une décision unanime des six constructeurs MotoGP au sein de leur association MSMA, la Motorcycle Sports Manufacturers Association. Ils soumettent ensuite leur proposition à la Commission Grand Prix, où elle est normalement approuvée par les représentants de l’Association mondiale de motocyclisme FIM, le promoteur Dorna et l’association des équipes IRTA. Ducati refusant logiquement de renoncer à ses recherches, cette procédure semble difficile d’accès.
Cependant, il y a la possibilité d’une interdiction avec préavis : « une décision unanime est bien sûr plus facile et elle est préférée par la FIM ou Dorna. Mais nous pouvons aussi décider à la majorité et ensuite la proposition doit être mise en œuvre dans les deux ans », précise Beirer sur les processus de la MSMA. « L’année dernière, nous avons fait réviser les statuts de la MSMA après 20 ans de stabilité. Chaque fabricant peut les faire vérifier par ses avocats et donner son avis. Nous travaillons maintenant avec ces statuts clairs. C’est pourquoi je ne comprends pas pourquoi quelqu’un est contrarié par maintenant ».
Si une interdiction des correcteurs d’assiette tarde à venir ou n’apporte pas les résultats escomptés, il pourrait également y avoir d’autres moyens de ralentir le MotoGP. L’année dernière, la classe reine s’est mise d’accord sur l’introduction progressive de carburants durables. D’ici 2024, au moins 40 % devraient provenir de sources non fossiles. D’ici 2027, l’objectif est de dire complètement adieu aux matières premières fossiles.
Ce changement pourrait également s’accompagner d’une réduction de la puissance du moteur. Les premiers tests avec des moteurs Moto3 n’ont montré que des pertes minimes, mais en MotoGP, on s’attend actuellement à environ 15 ch de moins, selon le type de carburant. « Samedi au Qatar, nous avons demandé de manière informelle si nous pouvions passer complètement à ces e-carburants avant même 2027 », révèle Beirer. « En tant que série de courses, notre objectif doit être d’utiliser le plus rapidement possible un carburant neutre en CO2. Si nous pouvons également réduire les performances de cette manière, tant mieux ». A suivre …