L’évolution technique des MotoGP posent question à un moment où la philosophie Ducati s’est imposée au reste du plateau, poussant même violemment dans les cordes une marque Honda qui était jusque-là la référence pour ne pas dire le taulier. Le nouveau règne qui donne d’autant plus de l’urticaire qu’il n’y a strictement rien à reprocher aux Italiens qui ont scrupuleusement suivi un règlement qui offrait des possibilités que les Japonais n’ont jamais soupçonné. Au bilan, les machines vont de plus en plus vite, éprouvant aussi de plus en plus leur pilote. Et puis il y a ce fort symbole de la vitesse de pointe qui atteint des niveaux stratosphériques. Jorge Lorenzo s’en inquiète, mais il n’y a pas que lui…
Si l’on veut marquer les esprits sur l’évolution technique des MotoGP rapportée à la sécurité, il faut parler de la vitesse de pointe. Même si, du point de vue des accidents, c’est la vélocité imprimée lors du passage dans la courbe, aux zones de dégagement non ductiles, qui pose plus question. Mais il y a des chiffres qui parlent. Ainsi, le record absolu enregistré dans une ligne droite date de cette année, au Grand Prix d’Italie au Mugello avec un Jorge Martin qui frôle le domaine de la balistique avec 363,6 km/h. C’est 1,2 km/h de mieux qu’une autre Ducati l’an passé, mais aussi mieux qu’une KTM. Il y a un an, Brad Binder a ainsi atteint une vitesse de pointe de 362,4 km/h avec sa RC16 d’usine au Mugello.
Des valeurs qui interpellent Jorge Lorenzo qui commente dans des propos repérés sur Todocircuito : « si les motos atteignent les 365 km/h vous devez vous demander s’il faut laisser la liberté jusqu’à ce que vous atteigniez 400 km/h ». Por Fuera capte ainsi l’attention et il donne satisfaction à KTM qui s’interroge aussi ainsi : « au-delà de 360 km/h, on pénètre dans des zones critiques car les pilotes sont exposés à un grand risque. Les freins sont à bout et les crash zones sont trop petites pour ces vitesses » dit Pit Beirer qui alerte : « il ne faut pas aller plus loin. Mais la technologie dans cette classe va continuer à se développer et les motos vont devenir encore plus rapides. Kurt Trieb, directeur technique, va nous construire un moteur encore plus puissant et le châssis va encore s’améliorer. Les pneus vont aussi encore mieux et puis nous atteindrons finalement 370 km/h ».
Depuis que Ducati a commencé à expérimenter l’aérodynamique en MotoGP il y a cinq ans, les prototypes actuels n’ont plus rien à voir avec les motos que l’on voyait sur la piste il y a quelques années à peine. L’avènement des ailerons, des systèmes de correction d’assiette, et de nombreuses autres inventions, la plupart nées de l’esprit de Gigi Dall’Igna, ont complètement changé la dynamique de la course. Dans le paddock, des voix s’élèvent pour militer en faveur d’un MotoGP technologiquement moins avancé, et dans lequel la machine ne serait pas aussi importante.
Jorge Lorenzo : « avec 300 ch sans électronique ce serait suicidaire«
Dani Pedrosa a expliqué ce que vivent les pilotes d’aujourd’hui : « ces motos roulent plus vite, pèsent plus et sont plus difficiles à déplacer, car à vitesse plus élevée, avec tout l’appui qu’il y a, la moto est vraiment difficile à déplacer ». Il ajoute : « et la piste, par effet, devient plus petite. Il y a des pistes plus larges comme la Malaisie où vous pouvez doubler, mais sur des pistes plus étroites, à cette vitesse et avec ces kilos, vous ne pouvez suivre que cette ligne. Si vous devez être collé l’un derrière l’autre, à la vitesse à laquelle tu vas, tu ne tournes plus. Les dépassements sont très compliqués ». Pourtant, un de ses équipiers chez KTM, en l’occurrence Brad Binder, en a fait 96 de ces dépassements durant la saison 2022.
Reste que l’on entend réclamer de plus en plus des actions correctives. Oui mais lesquelles ? Sur ce point c’est la foire d’empoigne : « vous devez maintenant réfléchir à la manière de créer une limite dans la réglementation. En même temps, les développeurs doivent continuer à pouvoir développer des technologies de pointe. Vous ne pouvez pas dire que vous ne pouvez utiliser que d’anciennes technologies car le MotoGP est un prototypage et représente un développement technique au plus haut niveau », déclare Beirer, indiquant le difficile compromis. Jorge Lorenzo parle de « moins de tours » dans le moteur ou même « moins de cylindrée », ce qui reviendrait à revenir au MotoGP 800 cc que nous avons vu dans la première décennie des années 2000. Chez KTM on a une autre idée : « le plus simple serait d’avoir des pneus moins bons. Mais bien sûr, Michelin ne veut pas ça parce qu’ils ne veulent pas entrer dans l’histoire avec de mauvais pneus mais avec des records », avance Beirer.
Alors ? Alors on en est là avec aussi cette réalité avancée par le quintuple Champion du Monde : « ces motos sont plus faciles à rouler que celles d’avant, mais ne nous leurrons pas. Si vous mettez quelqu’un de normal qui fait des tours sur un circuit en MotoGP, il reste 20 ou 25 secondes derrière. Ça continue à être très difficile ». Et Jorge Lorenzo termine : « un bon début serait de retirer les ailerons et la moitié de l’électronique, mais pas tout car avec 300 ch sans électronique ce serait suicidaire ».