Paco Sanchez est un homme qui, en ce moment, boit du petit lait, à chaque fois qu’il voit Joan Mir sabler le Prosecco. Le premier est en effet le manager du second, et s’il voit aujourd’hui son pilote aux couleurs du team officiel Suzuki jouer le championnat du monde MotoGP, il n’oublie pas qu’il y a peu, il avait le plus grand mal à convaincre la moindre équipe de son talent. Un revirement qu’il explique ainsi et qui rappelle une autre trajectoire…
Joan Mir n’a pas eu la vie facile pour arriver au stade où il en est en cette fin saison 2020 de MotoGP. Un moment où il joue carrément la couronne en MotoGP, en menant le classement général à trois courses du but. Son manager Paco Sanchez aime à le rappeler : en 2014, le pilote était encore difficile à placer dans une écurie.
Après dix résultats dans le top 10 de sa saison de rookie, Joan Mir est monté sur un podium en MotoGP pour la première fois de sa carrière au Grand Prix d’Autriche le 16 août. Depuis, cinq autres podiums ont été ajoutés. Cette constance est récompensée dans cette saison 2020 raccourcie et concentrée dans l’espace par le fait que le pilote d’usine Suzuki mène le classement du championnat avec une avance de 14 points après onze courses. On rappellera que l’Espagnol de 23 ans n’a pas encore gagné de course en MotoGP.
Mais avant d’en arriver là, il y a eu une période de vache maigre comme de doute : « d’une certaine manière, Joan était difficile à faire signer » se souvient son manager. « Je l’ai rencontré pour la première fois à l’été ou à l’automne 2013. À ce moment-là, un ami de Majorque m’a appelé et m’a parlé d’un talent qui voulait postuler pour la Rookies Cup. J’ai donc pris le téléphone et appelé Alberto Puig, qui était responsable de la sélection des talents là-bas. Je lui ai demandé de garder un œil sur Joan Mir lors de la sélection des talents. Puis il m’a appelé et m’a dit que Joan avait fait bonne impression, qu’il était doué », raconte Sanchez dans une interview avec Speedweek.com.
Mais après avoir terminé deuxième du classement général de la Rookies Cup en 2014, aucune équipe de Moto3 ne s’est intéressée à Joan Mir. Johann Zarco a subi le même sort après la saison 2007 et la victoire générale de la Rookies Cup. Aucune équipe du championnat du monde ne l’avait considéré.
« Personne ne voulait de lui »
« Je suis allé dans toutes les équipes de GP Moto3 et Moto2, j’ai frappé et vanté Joan pour 2015. Personne ne voulait de lui » déclare Sanchez. « Il n’y avait pas non plus d’intérêt pour la Coupe du monde Supersport. Mais ses parents n’avaient pas d’argent, nous ne pouvions offrir que le talent du pilote. Finalement, j’ai mis la main sur un peu d’argent et j’ai mis Joan dans l’une des équipes CEV Moto3 les plus pauvres. En 2015, il a dû piloter une moto de 2012, et cela contre les équipes d’Alzamora-Monlau et Ajo Motorsport, qui étaient pratiquement sur la piste avec du matériel de Championnat du monde ».
« Néanmoins, Joan Mir a remporté les deux premières courses. Puis j’ai été complètement convaincu de sa vitesse. Pour 2016, nous avons obtenu un contrat avec Leopard-KTM, il a remporté le Grand Prix d’Autriche et a obtenu quelques places de plus sur le podium. Nous sommes restés avec Leopard en 2017 ». Le reste est connu avec le titre de Champion du Monde Moto3 sur la Leopard Honda 2017, après dix victoires en 18 courses.
L’histoire de la réussite s’est poursuivie en Championnat du Monde Moto2 chez Marc VDS. Il a terminé troisième du podium pour la première fois dans la cinquième course au Mans, puis il est devenu clair qu’il y avait déjà des offres MotoGP de Ducati, Honda et Suzuki. Cela a été suivi par de nouvelles places sur le podium au Mugello (3e), Sachsenring (2e) et Phillip Island (2e), mais aussi quatre abandons. Mir a terminé sa première et unique saison de Moto2 à la sixième place en 2018.
En 2019, Mir a terminé 12e du championnat du monde en tant que nouveau venu en MotoGP, bien qu’il ait raté deux Grand Prix après son accident lors du test de lundi à Brno. Parmi les rookies, seul le Fabio Quartararo a été meilleur que lui.
Paco Sanchez se réjouit que Joan Mir ne fasse pas partie de ces adolescents qui ont sacrifié leur enfance pour le sport moto : « il est entré au championnat du monde à 18 ans et était pilote de MotoGP à 21 ans. Je considère ce parcours comme exemplaire. On laisse ainsi les pilotes avoir leur enfance, ils peuvent se défouler et aller à l’école. Et quand ils viennent en championnat du monde, nous n’avons pas à négocier avec les parents ou les grands-parents. Les pilotes sont majeurs et autorisés à signer. Ils ne sont plus des enfants et sont conscients que ce sport peut aussi être dangereux » termine le clairvoyant manager.