Ce weekend j’ai entendu tout et n’importe quoi au
sujet du mal de bras et du syndrome des loges…
Alors je vais vous dire mon point de vue.
il y a deux ans quand j’étais allé donner un coup
de mains a Johann Zarco j’ai pu constater ce que je pensais depuis
un petit moment, les motos de MotoGP progressent et vont de plus en
plus vite (plus de puissance, plus de grip pneus, anti-patinage,
plus de frein) et donc forcement les contraintes physiques sur les
pilotes augmentent, c’est juste logique.
Ce n’est pas étonnant de voir arriver de plus en
plus de problèmes physiques sur les pilotes, mal de bras, fatigues,
essoufflements et j’ai un peu l’impression qu’ils découvrent tout
ça depuis peu, venant souvent, de plus, des catégories Moto2 qui
sont des motos beaucoup moins physiques que les MotoGP.
Je viens du Moto-Cross et du Super-Cross et je peux
vous dire que le mal de bras je connais, le pilote de Cross est
confronté a ce problème dès son plus jeune âge : Dès qu’il essaye
d’aller vite sur une longue distance, il est sujet au mal de
bras.
Bien sûr, certains pilotes ont plus de soucis que
d’autres et il peut y avoir beaucoup de raisons a cela, la
génétique, l’entrainement passé, l’entrainement actuel, la
position, le stress, la pression de la course, l’enjeu, bref
beaucoup de choses entrent en jeu dans le mal de bras.
Dans le Moto-Cross et le Super-Cross on apprend à
vivre avec et surtout à gérer son effort, car si on insiste trop,
le syndrome des loges arrive et après c’est incontrôlable.
Revenons donc sur le sujet du weekend où Fabio
était en tête de la course MotoGP de Jerez et a dû ralentir pour
pouvoir finir ce Grand-Prix avec une tétanisation complète de son
avant bras. Je n’ai pas parlé avec lui ou ses proches mais de mon
expérience et de ce qu’il a expliqué je suis certain d’avoir déjà
ressenti cette sensation dans ma carrière de pilote de
Super-Cross.
La phrase la plus simple que j’ai entendu est “Mal
de bras donc syndrome des loges donc opération et tout sera
OK…”
Maintenant prenons de la hauteur pour essayer d’
analyser cette situation.
1- le circuit de Jerez est un des circuits les plus
difficile physiquement avec une Motogp, lignes droites très
courtes, si courtes que ce n’est même plus des lignes droite car
les pilotes se battent avec leur moto pour revenir sur la bonne
trajectoire de freinage, beaucoup de virages rapides et trois
virages très lents, donc gros freinages et grosses
accélérations.
2- Fabio avait un rythme impressionnant en course
pour essayer de faire le trou avec ses poursuivants, il essayait,
je pense, de se mettre à l’abri en cas d’usure de son pneus arrière
dans les 5 derniers tours. Mais il y a une grosse différence entre
faire un ou deux tours très rapides et en faire 7 ou 8.
3- Le mal de bras survient généralement quand la
contrainte est trop forte et trop longue, le muscle manque
d’oxygènes et il gonfle et du coup le sang circule moins bien
et donc encore moins d’oxygènes, c’est un cercle vicieux dans
lequel il ne vaut mieux pas rentrer.
Maintenant pourquoi cela arrive a certains pilotes
et pas à d’autres ?
L’an passé durant le confinement on m’avait posé la
question sur ce que je pensais de Fabio, ça m’avait valu un coup de
fils de sa garde rapprochée pour me signaler que j’avais tort de
dire ça… J’avais dit a ce moment la que Fabio avait deux gros point
faible à travailler, le physique et le mental, car, lors de la
saison 2019, j’avais remarqué que sur les circuits très physiques,
il avait du mal à garder sa moto sous contrôle, surtout après
quelques tours et que mentalement il avait tendance à abandonner
l’effort quand il y avait des soucis techniques (usure pneu ou
mauvais réglages).
Ne pensez pas que je critique Fabio, j’essaye
toujours de comprendre les points forts et les points faibles des
pilotes, j’ai toujours été perfectionniste et j’ai toujours essayé
de comprendre le pourquoi du comment dans tous les domaines.
Donc j’étais très content de voir sa progression
coté mental lors des 3 premières courses de la saison, là, je me
suis dit, impressionnant le Fabio, il a pris beaucoup de
confiance.
J’avais un petit doute sur le physique, car j’avais
entendu quelques plaintes au sujet de ses bras.
L’opération du syndrome des loges n’est jamais la
solution idéale car généralement le problème revient car la cause
qui a provoqué le problème est toujours là.
Maintenant, l’opération peut permettre de reprendre
une activité intense rapidement mais il faut absolument travailler
ce qui provoque le mal de bras.
Si on améliore sa condition physique et ses
capacités cardiovasculaires, le corps est capable d’amener plus
d’oxygène dans les muscles et donc les bras.
Quand on a une meilleure condition physique et des
capacités cardiovasculaires meilleures, le cœur bat plus bas pour
le même effort. Cela nous donne une marge en cas de coup de stress
durant la course ou une demande temporaire plus importante et donc
toujours d’apporter plus d’oxygène dans les muscles.
On peut aussi grâce a l’entrainement constituer un
muscle plus endurant et moins explosif, les fibres des muscles se
travaillent et se spécialisent selon le type d’effort demandé à
l’entrainement, fibres à contraction lente et rapide.
Il est possible aussi de travailler sa stratégie en
connaissant ses points faible, il aurait été peu-être plus sage en
sentant le problème arriver, de baisser un peu le rythme et se
laisser doubler par Miller et de le contraindre à imposer le rythme
de la course.
Voilà mon analyse. Je ne critique absolument pas Fabio, j’essaye
de comprendre avec sincérité et objectivité ce qu’il s’est passé et
je lui souhaite de trouver les solutions à ses problèmes pour
pouvoir se battre pour le titre mondial.
Crédit photo : Roman Borák