Lors de cette nouvelle série d’articles, dont nous ne connaissons par encore le nombre exact, nous allons essayer de retracer ce qui a abouti à la création de l’IRTA (International Racing Team Association), une des quatre entités qui gèrent aujourd’hui le MotoGP avec Dorna Sports, la FIM et la MSMA.
Retrouvez ici la première partie concernant Kenny Roberts, Barry Sheene et le projet World Series
Durant l’hiver 79/80 la révolte des pilotes ayant abouti à l’idée de créer un championnat parallèle, les World Series, tombe donc progressivement (mais temporairement) à l’eau face à l’opposition de la FIM et de Honda qui tient au prestige du championnat du monde.
Le président de la FIM, « Don Rodil » rencontre Barry Coleman, le représentant des «World Series» à Chambésy (Genève) en janvier et lui signifie clairement que la fédération ne donnera jamais son accord à ce projet et préconisera aux fédérations nationales de rompre tous liens avec les promoteurs des World Series, d’autant que certains coureurs envisagent de boycotter complètement les Grands Prix lors de la saison 1980.
La FIM, dont le comité central se réunit les 3 et 4 mars à
Genève, prend en compte le sujet et Don Rodil ne cache cependant
pas que les instances responsables de la fédération avaient
également commis des erreurs et étaient en partie responsables de
cet état de fait. En conséquence, il est annoncé que les méthodes
de travail doivent être améliorées rapidement car les choses ne
peuvent pas continuer ainsi…
Cela dit, certains membres du conseil d’administration de la FIM
estiment que les déclarations de certains coureurs dans la presse,
Kenny Roberts en tête, sont inacceptables. Le
président Rodil fait alors remarquer que les déclarations faites
par un membre de la CCR (commission des courses sur route) au cours
des derniers mois sont encore pires. Ce délégué avait critiqué la
FIM et le bureau central en particulier. Chacun est libre de penser
et de parler comme bon lui semble, mais il serait préférable qu’un
délégué permanent élu travaille à l’amélioration de la fédération.
Pire encore, ce délégué venait de publier une photocopie d’une
proposition officielle inscrite à l’ordre du jour de la CCR. Le
Président Rodil juge inacceptable de mettre un document interne de
la FIM à la disposition de la presse.
Bref, les sujets de discorde sont nombreux, avant même d’aborder le plus gros problème, celui de la sécurité, à commencer par les courses sur les circuits du Nürburgring et d’Imatra, jugés les plus sensibles.
Le Néerlandais Wil Hartog, pilote Suzuki 500 nouveau représentant des pilotes, reporte son point de vue à la FIM : « Le problème avec le Nürburgring est que le Grand Prix y a lieu tous les deux ans (en alternance avec Hockenheim) et les coureurs ne le connaissent pas très bien, notamment les nouveaux venus ». Compte tenu de la longueur du circuit, Wil Hartog suggère que les séances d’entraînement devraient être beaucoup plus longues que partout ailleurs. Quant à Imatra, il ne pense pas que ce soit plus dangereux que les autres circuits…
Ces propos plus que mesurés contrastent toutefois avec la grogne réelle des pilotes contre la FIM qui se renforce. Ainsi, cette dernière envoie des lettres à Kenny Roberts et Barry Sheene pour leurs « écarts verbaux » ou leurs « écarts de conduite », comme par exemple à Zolder (Belgique) où ni Kenny Roberts ni le side-cariste Rolf Biland n’étaient montés sur le podium car bloqués d’accès par des officiels sous le motif qu’ils n’avaient aucun document d’identification (!). Le manager de Kenny Roberts répond cependant que son pilote est d’accord pour « faire amende honorable ». Barry Sheene, lui, avait refusé de courir à cause des problèmes de chronométrage et ne produisit aucune réponse à ces lettres. Prudent, le conseil d’administration de la FIM décide toutefois de suspendre pour le moment toute mesure en la matière, d’autant que le week-end avait déjà été l’objet du mécontentement des pilotes 500cc qui avaient protesté et fait une pétition pour que le nombre de pilotes admis sur le court tracé belge passe de quarante à trente…
Toutefois, il faut noter que la FIM, suite à l’affaire de Jarama et sous la pression du projet des World Series, avait fait en sorte que les primes de départ soient retirées mais que les primes d’arrivée soient augmentées de 500%. Au final, les pilotes ont ainsi vu leurs primes annuelles augmenter d’environ 300% en moyenne.
C’est dans cette ambiance tendue, renforcée par les disparitions d’Olivier Chevallier au Paul Ricard lors de la pré-saison et de Patrick Pons à Silverstone, que se déroule tant bien que mal le championnat du monde 1980, remporté pour la troisième fois consécutive par Kenny Roberts en 500cc grâce à ses 3 victoires lors des trois premières courses. L’Américain précède son compatriote Randy Mamola et sa Suzuki, auteur de 2 succès et Marco Lucchinelli monté une fois sur la plus haute marche du podium.
L’année 1981 va encore creuser le fossé entre la FIM et les pilotes, ces derniers constatant que non seulement très peu est fait en matière de sécurité, mais que le championnat comporte maintenant à nouveau deux circuits supplémentaires jugés dangereux : Imatra et de Brno !
La FIM, elle, semble concentrer ses sujets d’inquiétude sur les droits télévisés qu’elle entend contester aux fédérations nationales et aux organisateurs…
Lors d’une session extraordinaire qui s’est tenue les 2, 3 et 4 juillet à Rome, le président Rodil del Valle annonce dans une ambiance houleuse que les droits télévisés devaient rester sous le contrôle de la FIM qui en était le véritable détenteur, alors que jusqu’à présent les fédérations nationales et les organisateurs faisaient ce qu’ils voulaient ou presque. Selon lui, les fédérations nationales ont déjà reçu de l’argent grâce à la FIM, grâce aux titres de championnat du monde qui appartenaient à la fédération internationale qui détenait les droits de diffusion : « Les droits de retransmission des événements avec le titre de championnat du monde appartiennent entièrement à la FIM ».
En fin d’année, lors du congrès qui se tient du 5 au 12 novembre à Tokyo, Don Rodil rend compte des négociations en cours concernant les droits de télévision et son refus catégorique que le fédérations nationales conservent leur souveraineté sur la question : la FIM n’est rien d’autre que le regroupement de toutes ces fédérations et selon les statuts, les titres des championnats du monde lui appartenaient seuls.
Question sécurité, on avance très peu. Suite à une série d’accidents mortels aux Pays-Bas au cours de l’année 1980 en championnat national, le gouvernement néerlandais a décidé d’autoriser uniquement les courses sur circuit fermé avec des caméras de télévision couvrant l’ensemble de la piste. L’extension de cette règle à toutes les pistes fait l’objet de nombreux débats mais il est plus facile de proposer que de mettre en œuvre une telle mesure…
Angel Nieto, nouveau représentant des pilotes, attire immédiatement l’attention sur lui en interrompant la séance plénière et en critiquant l’inclusion d’Imatra et de Brno dans le calendrier. À Imatra, la piste comprend un passage à niveau et les arbres sont au bord de la piste. À Brno, la piste passe au milieu d’un village. Cette interjection en provoque d’autres qui conduisent à un scrutin secret qui confirme la décision de la FIM : Imatra et l’ancien circuit de Brno seront utilisés pour la dernière fois en 1982.
Au niveau sécurité, on déplore entre autres les décès des Français Michel Rougerie et Alain Béraud.
Au niveau sportif, l’année 1981 s’était bien présenté pour Yamaha qui visait un quatrième titre consécutif en 500cc grâce à une dream team constituée du « King » Kenny Roberts auquel venait s’adjoindre « Sir » Barry Sheene, le tout sur une toute nouvelle machine, la 0W54 « Square 4 » dotée de 4 cylindres en carré. C’était la première fois que Yamaha utilisait cette configuration pour les Grands Prix.
Hélas pour les deux pilotes officiels, les Suzuki étaient plus abouties. Kenny Roberts connaît quelques problèmes techniques et Barry Sheene ne dispose de cette moto qu’à partir du Grand Prix de France au Paul Ricard.
Au classement final, les deux stars ne déméritent pas, avec deux victoires pour l’Américain et une pour le Britannique, mais doivent s’incliner devant les cinq succès de Marco Lucchinelli et les deux victoires de Randy Mamola.
Le programme de l’année 1982 comporte trois changements de circuits. Le Grand Prix des Nations passe de Monza à Misano et Le Grand Prix de Saint-Marin délaisse Imola au profit du Mugello. Par contre, le Grand Prix de France abandonne le Paul Ricard au profit du déjà contesté Nogaro.
Et là, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et ça ne passe plus…
Retrouvez ici la première partie concernant Kenny Roberts, Barry Sheene et le projet World Series
Crédit photos : FIM, Mat Oxley, Jumping Jack, Yamaha Motor, etc.