Les deux Grands Prix MotoGP à Misano en Italie étaient pour nous l’occasion idéale pour vous partager cette interview de Lucio Cecchinello, le patron du team LCR, que nous avions réalisée au Mans.
Au delà de l’actualité de son team qui fait courir Johann Zarco et Takaaki Nakagami sous des couleurs différentes, ce sont en effet bien l’homme, son parcours et son approche de la compétition, qui nous ont séduits, dans un milieu où les capitaines des teams satellites MotoGP se comptent sur les doigts d’une main, souvent ballotés entre la bonne volonté des usines et la réalité économique. Entre la passion et les affaires, leurs facettes sont nombreuses et leur portrait forcément intéressant, et à ce titre Lucio Cecchinello est très loin de nous avoir déçu…
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Alors, avant qu’on parle de Johann Zarco parce qu’on est
au Grand Prix de France, on va poser deux questions très simples,
aujourd’hui, quelle est la plus grande satisfaction de Monsieur
Lucio Cecchinello ?
« J’ai eu des grandes satisfactions
dans ma carrière de sportif, et aussi dans ma carrière de team
manager. C’est difficile à dire les moments exacts, parce qu’il y a
plusieurs moments importants. Je veux dire, satisfaction de la
première victoire première victoire de ma vie dans les courses de
motos, à Monza en 89, satisfaction de ma première victoire en
Championnat d’Europe en 92, satisfaction de gagner le premier Grand
Prix du championnat du monde en 98, satisfaction de rentrer en
MotoGP avec Casey Stoner et faire la pole position dans mon tout
premier Grand Prix MotoGP de ma vie en 2006, satisfaction de gagner
un Grand Prix MotoGP avec Cal Crutchlow en 2016. Ça, c’est des
highlights de satisfaction, mais si je fais un step en arrière et
j’essaie de regarder ce qui me rend fier et que me donne de la
satisfaction, c’est de dire “aujourd’hui, on est en MotoGP, on est
un partenaire fidèle de Honda qui est le premier manufacturier du
monde, on est respecté de la part des organisateurs du championnat
du monde, que sont Dorna, IRTA et FIM. Heureusement, on a réussi à
rester là depuis longtemps, dans l’environnement du championnat du
monde et j’ai gagné disons du respect de la part de grandes
organisations et du premier constructeur au monde. Ça, ça me donne
de la satisfaction.
Et aujourd’hui, quand Monsieur Lucio Cecchinello se lève
le matin et se couche le soir, quel est son plus gros souci
?
« Aujourd’hui, c’est faire des
résultats, c’est faire des résultats. Aujourd’hui, les sponsors,
c’est quelque chose que j’ai appris, ils vont et ils viennent, et
cela est une conséquence des résultats. Quand tu fais des
résultats, les sponsors, ils arrivent. Malheureusement, quand il
n’y a pas de résultats, tu peux commencer à rentrer dans une
spirale négative qui peut démotiver tes sponsors. Donc là, c’est
très important de réussir à garder et motiver les sponsors, même
dans un moment difficile. Alors le plus grand souci pour moi
aujourd’hui quand je me réveille le matin, c’est “Qu’est ce
que je peux faire pour arriver au prochain Grand Prix et faire un
un step dans mon résultat sportif”. Première chose. La 2e chose,
c’est de dire “À travers notre capacité de communiquer, on va
essayer de faire notre mieux pour que les sponsors soient contents
même s’il n’y a pas vraiment de résultats sportifs au très haut
niveau”. Et donc là, on a pris aujourd’hui que, par exemple, c’est
très important de développer des ce qu’on appelle “sponsorship
activation” avec les sponsors. Ça veut dire créer des contenus pour
leurs réseaux sociaux, et tout faire pour donner de l’importance à
la sponsorisation sans forcément avoir les résultats sportifs. Et
donc là, tout ce qui est activités promotionnelles qui sont faites hors piste, c’est
très important. Je donne un exemple, on a finalisé un contrat
important cette année avec Castrol qui est un partenaire depuis
2015, donc ça fait 10 ans qu’on est partenaire avec Castrol. Mais
un des marchés importants de Castrol, c’est l’Inde et le Sud-Est
asiatique. Et là en Inde par exemple, en conséquence du fait qu’il
y a le Grand Prix MotoGP, Castrol Inde a lancé un projet très
intéressant de donner la possibilité à 3 Indiens de gagner 2
semaines en Europe pour rester aux côtés du teal LCR, apprendre
comme les pilotes du team LCR s’entraînent, essayer d’organiser un
essai sur circuit avec les pilotes du team LCR. Donc tout ça, c’est
quelque chose qui, au niveau des retombées médiatiques en Inde, est
quelque chose d’énorme. Donc on a appris que c’est très important
de faire des résultats sportifs mais aussi très important de faire
ce genre d’activités à côté.
«
Le nouveau règlement qui interviendra en 2027, vous en
êtes content ?
« Pour être honnête, le nouveau
règlement, si je le regarde en tant que team manager, c’est
positif, parce qu’on va comprimer les possibilités des
interventions technologiques, donc les holeshots, aussi au niveau
de l’aérodynamique, on a moins de surface disponible. Le fait
d’avoir un moteur de 850cc, ça peut aider à diminuer un peu les
vitesses maxi, les poids. Ca c’est bien parce que normalement,
comme team manager, je vois que ça va dans la direction de diminuer
théoriquement un petit peu les coûts de gestion, OK. De l’autre
côté, si je le regarde commeun passionné de technologie que je
suis, passionné de l’industrie de la moto, j’aimerais dire que je
m’attendais à quelque chose au niveau de introduction de quelques
technologies hybrides. »
Hybride ? Comme en Formule 1
?
« Oui. Oui, disons pas forcément
comme en Formule 1, mais moi je pense, et c’est mon point de vue,
que la prochaine étape de l’industrie de la moto, ça sera des
moteurs compressés. Je pense que
ça, c’est le futur de l’industrie de la moto, et je pense qu’on va
donc avoir des moteur de cylindrées réduites, avec des
compresseurs, qui peuvent aussi être aussi des turbines, et
cetera.
Et là, aujourd’hui, on n’a jamais
imaginé de faire ça avec les anciennes technologies, parce que
l’exploitation de la puissance, ça peut être très négatif au niveau
de la distribution du couple. Mais aujourd’hui, avec les
technologies que l’on a et avec l’aide de l’électronique et des
systèmes électriques, on peut aller dans la direction d’avoir un
couple très constant. Et là, je pense qu’on pourra faire, déjà
aujourd’hui, imaginer quelque chose dans cette direction-là. Mais
c’est vrai que ce n’est que mon avis, je ne suis pas à la table des
constructeurs, et probablement que les constructeurs ne veulent pas
encore imaginer d’aller dans cette direction pour des raisons de
coût. Mais je pense qu’on suivra le chemin de la voiture, et qu’un
jour ou l’autre, on va y arriver. On va certainement y arriver, et
on va y arriver parce que les gouvernements de chaque pays se sont
engagés à réduire les émissions. Et quand tu veux réduire les
émissions et garder des moteurs à combustion, l’unique chose et la
prochaine étape ça sera de réduire les capacités des moteurs,
réduire les cylindrés, et supercharger le moteur, donc, ça veut
dire rendre les moteurs plus efficients et avec moins de
pollution.
Donc team manager, c’est bien que les règlements qu’ils ont fait,
mais passionné de technique, je dis que peut être je souhaiterais
aller un peu plus dans la direction pour donner une contribution à
l’industrie de la moto. Parce que l’industrie de la moto, ça je le
mets par écrit, elle va être développée dans cette direction-là,
comme l’industrie de la voiture : moteur réduit en cylindrée et
turbocompressé. »
Nous sommes au Grand Prix de France, alors pourquoi Johan Zarco, d’abord ?
Là, nous sommes désolé, mais cette partie concernant la saison 2024 sort du portrait et vaut bien un article à elle seule. Elle sera donc publiée séparément prochainement.
Un grand merci à Lucio Cecchinello, non seulement pour le temps accordé et ses propos captivants, mais aussi pour le fait de s’exprimer dans un français aussi parfait que charmant !
Lucio Cecchinello MotoGP LCR
Lucio Cecchinello MotoGP LCR
Lucio Cecchinello MotoGP LCR