Hervé Poncharal, l’emblématique patron de l’équipe Tech3 présente en MotoGP et en Moto3 avec KTM, nous a fait la gentillesse de bien vouloir sortir de son silence pour faire notre point traditionnel à l’issue des essais d’intersaison.
Bien sûr, cette année, cette très longue conversation revêt également, et peut-être avant tout, un caractère extra-sportif, dû aux difficultés financières rencontrées par KTM, la firme qui équipe la structure de Bormes-les-Mimosas.
Mais comme d’habitude, l’homme d’expérience par ailleurs Président de l’IRTA, l’association des teams, a bien voulu répondre à toutes nos questions en toute franchise. Merci à lui !
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partie concernant la situation de KTM
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partie concernant un éventuel plan B
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partie concernant les essais des pilotes Tech3 Maverick Vinales et
Enea Bastianini
Hervé Poncharal : « Pour terminer le sujet Red Bull KTM Tech3, Bastianini et Vinales, c’est une saison hyper importante pour tout le monde, mais pour nous, pour KTM, par rapport à tout ce qui vient de se passer, c’est hyper important de montrer à tous les investisseurs que la course ça fait partie de l’ADN de la marque, et le meilleur moyen de leur montrer ça, c’est de performer. Le fait qu’ils aient gagné le Dakar en tout début janvier, c’était génial comme timing. Mais nous, on connaît la mission qui est la nôtre : on a 2 pilotes qui ne sont pas des rookies, qui sont des vainqueurs de Grand Prix, que ça soit Vinales ou Bastianini, donc voilà, c’est une saison très importante pour nous. On est hyper motivé et il faut qu’on continue de bosser, de progresser, d’avancer, il faut qu’on soit parmi les meilleurs ou la meilleure KTM, et il faut que la meilleure KTM soit parmi les meilleures ou la meilleure moto au scratch. Donc l’objectif, bien entendu, c’est de passer devant et d’essayer de gagner des courses. »
Qu’avez-vous pensé de la présentation du MotoGP à
Bangkok ?
« Moi, j’ai beaucoup aimé. Je n’y étais pas
physiquement parce que j’avais des choses à faire ici mais toute
l’équipe était là-bas, donc j’ai pu suivre ça via les médias.
C’est quelque chose qui nous trottait dans la tête depuis 2
ou 3 ans, parce que chaque équipe fait toujours sa
présentation personnelle avant le début du championnat, mais de
plus en plus le temps est limité, les budgets sont de plus en plus
limités et des présentations où avant on invitait tous les médias,
où ça se faisait en présentiel avec tout le monde, il y a de moins
en moins d’équipes qui font ça maintenant. Ça se fait tout en
ligne, les interviews de pilotes, team managers et compagnie, ça se
fait en visio, car l’impact du direct-n’est plus ce qu’il était.
Donc l’idée, c’était de laisser toutes les équipes faire leur
présentation individuelle chacune de leur côté, donc les pilotes,
les couleurs et les interviews de base étaient faites, et
après de présenter le championnat dans son ensemble avec
l’intégralité des équipes, mais le faire tous ensemble dans un lieu
emblématique. Et comme le premier Grand Prix a lieu en
Thaïlande, les autorités thaïlandaises étaient très intéressées
pour que ça se passe chez eux, où il y a un tout nouveau quartier
d’affaires hyper moderne à Bangkok, et qui a été mis à disposition
du MotoGP. Et on sait qu’en Asie du Sud-Est, que ça soit Malaisie,
Thaïlande, Indonésie, Vietnam, Philippines, tous ces pays-là, le
MotoGP est excessivement populaire, et je pense que tout ce qu’on a
fait dans les rues de Bangkok a été très bien perçu par les fans de
MotoGP en général. Sur place à Bangkok, ça a créé vraiment quelque
chose de fort et de puissant, de voir l’intégralité du plateau qui
se présentait avant le début du championnat.
C’était la première, ça fait un
moment que ça nous trottait dans la tête, comme je te l’ai dit, il
va y avoir un gros debrief très bientôt entre toutes les équipes,
les pilotes et tout le monde, pour voir ce qui ce qui était bien,
et il y avait beaucoup de choses, ce qu’on peut faire mieux, et
réfléchir pour le futur. Mais je pense que c’est quelque chose qui
devrait maintenant exister tous les ans.
Ce qui m’a fait plaisir aussi, c’est que
les pilotes, ils sont très sollicités en ce moment avec les
présentations individuelles de chaque équipe, avec tous ces tests,
qui sont fatigants physiquement, et là, c’était partir
de Sepang pour aller à Buriram, en faisant un stop
à Bangkok, beaucoup d’avions, beaucoup d’interviews, beaucoup
de choses à faire, lever tôt le matin, coucher tard le soir:
et malgré tout, tous les pilotes étaient super
enthousiastes de cette organisation et ils avaient tous le
sourire. Je pense que tous les gens qui étaient derrière
leur écran et qui ont suivi l’événement, ils ont vu que les
pilotes ont vraiment joué le jeu, et on a reçu des petits
mots de félicitations et de remerciements des pilotes qui ont dit
“c’était génial, on a beaucoup bossé, mais bravo pour avoir
fait ça parce que ça va faire avancer notre sport de manière
importante”.
Oui, parce qu’on n’a vu qu’une partie diffusée en
streaming, puisque c’était en fait toute la journée, du matin
au soir…
« Oui, oui,
c’est parti dès le matin avec les tuk-tuks qui partaient avec les
motos, les photos des motos devant les temples, les pilotes qui
roulaient en ville, la présentation proprement dite, la soirée
habillée. Non, non, il y a eu beaucoup de
choses. »
Alors puisque vous réfléchissez à l’an prochain,
Paddock-GP suggère qu’il y ait une course de tuk-tuks aux couleurs
des teams et pilotés par les pilotes MotoGP dans les rues de
Bangkok. Je pense que ça plairait beaucoup aux fans…
« Ça plairait beaucoup aux fans,
mais il y a une chose qu’il faudra qu’on dise à Paddock- GP, c’est
que les pilotes sont fragiles et les pilotes sont des fous. Et que
si on fait une course avec un pilote, quelle que soit l’engin qu’il
utilise, ça va être une course, et qu’une course de tuk-tuks dans
les rues de Bangkok entre Fabio Quartararo, Marc Marquez, Jack
Miller, Pedro Acosta, Enea Bastianini et Maverick Vinales, ça
pourrait se terminer sur le toit avec des bobos. Et nous, nos
pilotes, on a envie de les garder en pleine forme.
Mais oui, il y a plein de choses à
faire, mais je pense que déjà le petit clin d’œil qui a été fait
avec tous les tuk-tuks peints chacun aux couleurs de chaque équipe,
qui avaient la petite remorque et les motos de course derrière,
c’était quand même un bon clin d’œil à la Thaïlande et au
public. »
Alors plus sérieusement, maintenant on ne parle plus au
patron de Tech3 ou au président de l’IRTA, mais on parle au simple
passionné de moto. Il y a un championnat qui s’ouvre devant nous
avec deux grands favoris sur le papier, mais qui vont donc rouler
avec un moteur 24, un cadre 24, un carénage 24. En fait, ils vont
rouler avec une 24 quasiment quoi. Est-ce que le passionné que vous
êtes pense que quelqu’un pourrait aller les chatouiller, si ce
n’est sur le championnat, au moins ponctuellement pour des
victoires ?
« Le
championnat MotoGP, et quand je dis ça, c’est bien évidemment le
promoteur, la Dorna avec son boss à la tête, Carmelo Ezpeleta, plus
tous les gens qui travaillent, que ça soit la FIM, l’association
des constructeurs où l’IRTA, tous on a toujours eu une obsession,
c’est de faire en sorte que notre championnat, notre sport, notre
bijou, il soit le plus éclatant possible. Ce bijou, pour
qu’il soit éclatant, il faut qu’il y ait des performances mais
surtout des batailles, et il faut surtout qu’il y ait peu d’écarts.
Donc déjà, ce qui a été fait avec les les concessions et les super
concessions qu’on donne maintenant aux constructeurs qui sont un
petit peu derrière au niveau performance, et là ça touche depuis 2
ans les 2 Japonais qui sont Yamaha et Honda, ça montre
qu’on essaye de faire en sorte qu’il n’y ait pas de
domination, ni d’un pilote, ni d’un constructeur. Après, il faut
respecter la loi du sport, et s’il y a un pilote ou un constructeur
qui domine et qui est plus fort, chapeau bas ! Mais en
tout cas il faut tout faire pour que les courses se terminent en
paquets et qu’on ait le plus possible les 10 premiers dans le plus
petit laps de temps possible sous le drapeau à damier. Évidemment
qu’aujourd’hui, il y a une écurie qui est considérée, entre
guillemets, même si le terme est peut-être un peu excessif, comme
l’épouvantail, c’est les Ducati rouges, c’est les Ducati
qui font rouler Pecco Bagnaia et Marc Marquez, deux monstres de
talent, de résultats, d’expérience. A eux deux ils ont 9
titres, ils ont ce qui est considéré comme la moto la plus
performante aujourd’hui avec une écurie qui est hyper rodée et qui
est celle aussi qui a le plus de partenaires donc où il y a le plus
de moyens, et tu ne peux pas envisager au niveau des pronostics de
pas mettre Bagnaia et Marquez dans dans le paquet de
tête.
Après, quels seront leurs adversaires en dehors de l’un pour l’autre ? J’ai parlé des concessions il y a quelques secondes et je pense qu’on a vu clairement que Yamaha avait excessivement bien travaillé pendant l’hiver, et ce qui nous rend heureux, c’est que notre notre leader national, Fabio Quartararo, se retrouve avec une moto qui sera certainement beaucoup plus apte de lui donner la possibilité d’être beaucoup plus près que l’année dernière des rouges. Il ne faut pas oublier notre autre représentant, Johann Zarco, parce qu’on voit aussi que les Honda ont aussi profiter de ces concessions, et ça va continuer toute l’année, parce que comme tu l’as dit, Ducati a décidé de valider le moteur 24 pour les saisons 25 mais c’est aussi pour 26, parce que comme il y a un nouveau règlement technique qui arrive en 2027, il a été décidé que les 3 constructeurs qui n’ont pas de concession, c’est à dire les 3 Européens, Aprilia, KTM et Ducati, le moteur qu’ils valideront à la première course, c’est à dire dans quelques jours à Buriram, sera le moteur qui sera utilisé jusqu’à la fin 2026, donc jusqu’à la fin de l’ère 1000cc. C’est quand même un choix important, et ça veut dire qu’il y aura une stagnation pour KTM, pour Ducati et pour Aprilia jusqu’à la fin 26. Ça fait quand même, s’il y a 22 Grands Prix par saison, ça fait quand même 44 Grands Prix, et s’il y a 2 courses à chaque Grand Prix, ça fait 88 courses avec le même moteur. Par contre, et Honda et Yamaha, tant qu’ils n’ont pas les résultats qui leur feront perdre les concessions, eux ils peuvent amener autant de spécifications moteur qu’ils veulent jusqu’à ce qu’ils perdent leurs concessions. Donc même si on peut considérer qu’il y a encore un petit peu de marge entre les constructeurs qui ont des concessions et les constructeurs qui sont leaders, au cours des saisons 25 et 26, les choses peuvent se resserrer et les choses peuvent même changer. Donc il faut avoir tout ça à l’esprit.
Après, c’est vrai que dans les challengers de Marc Marquez et Francesco Bagnaia, on voit Alex Marquez qui est très fort sur la 24, et en fin de compte il aura des motos similaires aux autres. Tout le monde attend et pense que Fabio va pouvoir être beaucoup plus proche et éventuellement se battre avec eux, et moi personnellement sur certains circuits, j’y crois ! KTM était le 2e constructeur l’année dernière derrière Ducati, et il n’y a pas de raison qu’on soit beaucoup plus loin. Leur fer de lance, aujourd’hui, c’est Pedro Acosta, donc il sera aussi dans la bataille devant. Malheureusement, Jorge Martin n’a pas pu rouler sur l’Aprilia, on peut dire pas du tout, donc attendons un peu, mais on voit que Marco Bezzecchi marche fort. Donc ça va être un beau championnat, c’est évident, et puis quand j’ai parlé uniquement de Pedro Acosta pour KTM, il ne faut pas oublier Binder, Vinales et Bastianini, qui vont se rapprocher comme on l’a dit. Mais oui, sur le papier, les deux qui devraient avoir la plus grosse cote, c’est Pecco Bagnaia et Marc Marquez. Par contre, n’oublions pas Portimao 2024, où Bagnaia a croisé les skis à l’intérieur de Marc Marquez et en a emporté deux. Donc de toute façon les deux veulent gagner le championnat, Pecco parce qu’il l’a en travers de l’avoir perdu l’année dernière, et Marc qui court après depuis 2020 et qui voit qu’il a la possibilité là. Et ils vont de toute façon se battre comme des chiffonniers, ils vont se battre de manière incroyable, ça va être chaud, et il faut surtout d’entrée de jeu qu’ils marquent leur territoire, et je pense que c’est pour ça que les premières courses, que ça soit la Thaïlande, l’Argentine, le Texas, le Qatar, ça va être explosif ! Et c’est pour ça aussi que tous les pilotes qui sont très proches d’eux peuvent tirer leur épingle du jeu de cette bataille qui va être une bataille, je ne sais pas comment la qualifier, je n’ai pas envie de dire bataille à mort, mais une bataille d’un niveau incroyable. Et même s’il y a des sourires aujourd’hui entre Pecco et Marc Marquez, je pense que rarement on aura vu un tel antagonisme et une telle intensité : ça va être compliqué à gérer pour Tardozzi et Dall’Igna. C’est clair, parce que là il y a deux monstres. Ce sont deux monstres. On verra, ça va être explosif.«
FIN
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