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La fin de l’année approche et il est temps de dresser le bilan de la saison MotoGP, ce que nous avons fait au soir de Valence avec Hervé Poncharal, dans son rôle de président de l’IRTA, l’association des teams.

Nous avons passé en revue avec lui l’essentiel des nouveautés qui ont marqué 2023, avec l’introduction des courses Sprint, le calendrier peu équilibré, le contrôle de la pression des pneus, l’introduction de l’Inde et bien d’autres sujets encore. Le représentant des équipes nous a ainsi partagé son éclairage mesuré et bâti sur plus de quatre décennies passées dans le paddock…


Hervé Pourcharal, peut-on dresser un bilan de cette saison où il y a eu beaucoup de modifications dans le format des week-ends, à commencer par les courses sprint à chaque rendez-vous ? Et là, quand on a appris ça et quand on a vu le premier Sprint, tout le monde s’est dit “bon, il n’y aura plus de pilote avant la fin de l’année”, et puis finalement, l’habitude venant chez les pilotes et les teams,  maintenant c’est attendu autant que les Grands Prix… 
Hervé Poncharal : « Oui, là on est déjà aux premiers tours de roues 2024 et tous les pilotes sont là, et il n’y en a pas un qui ne peut pas rouler. Et pour moi une chose est claire, c’est que dès que j’ai eu vent et qu’on m’a montré le projet d’organisation d’un weekend de Grand Prix, courant 2022, j’ai toujours été positif et pour ce format là, c’est à dire avec la grosse modification qui est la Sprint.
Qu’est ce que je peux dire ? Avec le recul, puisque maintenant le rideau est tombé sur la saison 2023, on a fait sur toutes les courses de la saison, les meilleurs samedis qu’on ait jamais fait, en présence physique sur les sur les circuits et en audience derrière les écrans de télé. Donc c’est clair que le Sprint ça a boosté le weekend et ça a surtout boosté l’intérêt le samedi. Le sprint, on sait que ça remplace la FP 4 qui était pour moi la séance la plus soporifique et le moment le plus soporifique du weekend, que n’aimaient ni les pilotes, ni les équipes techniques, parce que c’était un énorme warm up qui ne servait pas à grand chose juste avant la qualif. Donc sur le papier, j’avais trouvé ça génial. Pour moi, la réalité a validé ça, pour les raisons que je viens de te donner, la fréquentation, etc. 

Au départ, il y a eu pas mal de pilotes qui étaient un petit peu dubitatifs, et si aujourd’hui ils ne sont pas tous 100% pour, parce que c’est vrai qu’il y a de l’implication, de la pression, de la tension, et il faut toujours être en empathie avec ce que ce que disent nos héros, mais y en a beaucoup qui n’étaient pas tout à fait pour, et qui étaient même contre, qui aujourd’hui disent finalement le format, il marche et je prends du plaisir”. Et puis on a un joker, le sprint ça nous permet d’apprendre pas mal de choses pour préparer le Grand Prix du dimanche, et même les équipes techniques qui disaient qu’il y avait beaucoup de boulot, oui il y a beaucoup de boulot, oui il y a beaucoup de tension, mais maintenant c’est quelque chose qui est rentré dans les habitudes, et je ne pense pas que ça va être remis en cause par qui que ce soit.
On peut toujours évoluer. On a rendu la FP1 maintenant ne qui compte plus pour le passage en Q1/Q2, donc ça commence uniquement le vendredi après-midi, donc ça permet d’avoir du travail avec moins de pression. On a enlevé certaines obligations post warm up le dimanche matin pour donner plus de temps aux pilotes pour se préparer et tout, on a augmenté le temps entre la parade dans la charrette que vous adorez et la fin du warm up. Donc tout le monde est ouvert à des évolutions, mais je pense que le produit “MotoGP programme” tel qu’il est aujourd’hui, oui, il fonctionne bien. Il y avait besoin de ça pour rebooster notre sport par rapport à tout un tas de sports qui avec qui on est en concurrence, et aujourd’hui on sait très bien que “qui n’avance pas recule”, je vais pas te faire le truc…
Pourquoi il y a un Sprint à chaque course, alors que par exemple, ce n’est pas le cas en Formule1? Et ça c’est pareil, je souscris tout à fait à cette chose là : chaque Grand Prix pour moi doit être le même. Et pourquoi par exemple, il y aurait un Sprint en France et pas un Sprint en Angleterre ? On dirait ”il y a un Grand Prix A, et un Grand Prix B”. Donc c’est 37 points sur un weekend, et tous les weekends doivent marquer 37 points. Et puis une fois que tu t’es habitué à un format, tu as ta routine entre guillemets du format et et tu sais comment le gérer. Donc je pense qu’il n’a jamais été question qu’il ait des Sprints qui ne soient pas systématiquement sur toutes les épreuves  

Après les blessures, tu veux qu’on parle de ça maintenant ? De toute façon, qu’on le veuille ou non, et Dieu sait si on a tous travaillé, moi j’ai suivi l’évolution des Grands Prix sur ces 4 dernières décennies on va dire : on travaillera toujours et encore et encore et encore sur la sécurité des pilotes, que ça soit la sécurité des circuits avec des dégagements de plus en plus importants avec des bacs à gravier, et on a bien vu que c’était important suite à l’accident de Pol Espargaro à Portimao, avec des Airfence de plus en plus sophistiquées, avec des équipements des pilotes de plus en plus sophistiqués, et cetera, et cetera. Mais il n’en reste pas moins que, quoi qu’on puisse faire, la compétition moto c’est un sport dangereux, c’est un sport à risque. Donc plus on roule, plus il y a de probabilité d’avoir un problème. Mais pour moi, ce qui fait qu’il y a peut-être plus d’accidents entre guillemets, c’est le fait qu’on est excessivement proche, qu’on arrive à un niveau de pilotes, sur les 22 pilotes qui sont les nôtres, qui sont à moins d’une seconde en talent on va dire, et les machines sont aussi à moins d’une seconde. A Valence, le vendredi après-midi, il y avait 20 pilotes en 0,7 seconde ! Donc tout le monde est plus à la limite, quand tu quand tu te bats un coup de millièmes pour faire la différence, oui tu es à la limite, et donc tu es plus dans un risque de chute qu’avant. Mais je ne suis pas sûr que c’est le fait d’avoir une Sprint qui nécessairement implique ou fait qu’on a plus de chutes. Même si je suis d’accord de dire que le moment le plus crucial pour une course, et le moment où il y a le plus de danger, c’est le départ et le premier tour, où on sait très bien que c’est dur à de doubler parce que tout le monde a des performances très similaires, tout le monde freine quasiment au même endroit. donc. La place sur la grille, elle est clé, et la position à l’issue du premier tour, elle est clé pour la course, surtout quand tu es en Sprint qui est une course qui est relativement courte. Donc on en revient à la limite atteinte par les pilotes, et les risques qui en découlent.” 

Venons-en au calendrier, qui était un petit peu beaucoup déséquilibré cette année. Alors on ne sait pas trop pourquoi, le contexte mondial, on ne sait pas. Mais bon, on s’est retrouvé avec le Qatar qui a changé et surtout une fin de saison comprenant 8 GP en 10 semaines, très éprouvante pour tout le monde, pilotes, mécaniciens teams, et avec les Sprints en plus, c’était vraiment limite limite, non ?
« C’est évident que pour 2024 le calendrier comporte 22 weekends de courses si tous les Grands Prix sont confirmés, car il y en a encore quelques-uns qui sont prévisionnels seulement, qui sont pas confirmés à 100%, notamment le Kazakhstan. Mais l’intégralité des usines, des constructeurs motos, et l’intégralité des équipes Moto3, Moto2 et MotoGP ont signé un accord avec le promoteur où celui-ci peut aller jusqu’à 22 épreuves, “ up to twenty two”. Donc on n’ira jamais plus haut. Est-ce que 22 c’est le maximum du maximum ? Oui je le pense. Est-ce que 22 c’est beaucoup et limite ? Oui je le pense, que ça soit pour les pilotes, pour les équipes techniques, pour tout le monde. Le calendrier, il est compliqué, il est difficile, même si la Dorna essaye de gérer le calendrier en ayant une certaine rationalité quant au niveau des déplacements, des décalages horaires, des coûts aussi puisqu’on ne peut pas faire une épreuve aux USA, les épreuves d’après en Asie puis retourner aux USA, et cetera. Donc on essaye de rassembler sur la fin de saison les épreuves Asie-Pacifique. Il y a beaucoup de courses, c’est difficile. Alors après, on a des triplettes, mais si jamais on faisait un trou entre les deux, ça serait encore plus fatiguant ou contraignant, parce que les équipes, ou elles restent mais alors ça veut dire que pour 3 épreuves avec un trou entre chaque, ça fait 6 semaines loin de chez soi. Sans ça, si on rentre chez soi entre chaque, ça fait des gros décalages horaires à répétition. Doncon essaie d’avoir la moins mauvaise des solutions. On est en train de discuter pour 2025 que peut-être, sur les 6 Grands Prix qui sont en fin de calendrier, là pour l’instant au lieu d’avoir 2 triplettes on pourra peut-être avoir 3 doublettes.  
De toute façon, notre sport il faut qu’il grandisse, il faut qu’on aille partout, il faut qu’il y ait suffisamment d’épreuves., il ne faut pas qu’il y ait des trous dans le calendrier. On sait que cette année, il y a eu le Kazakhstan qui n’a pas eu lieu, et il y a eu 5 semaines sans rien. On a clairement vu qu’il y avait un drop terrible dans le suivi et l’intérêt des gens, parce que il y a de la compétition entre tous les sports, et s’il ne se passe rien, les gens décrochent. Donc 22 courses c’est beaucoup, mais je dirais quelque part que c’est un problème de riches. Ca ne veut pas dire grand chose un problème de riches, mais quand tu es un promoteur et que tu as la possibilité de faire 22 Grands Prix sur 22 stades qui sont au niveau pour recevoir le MotoGP, et qui chacun sont viables financièrement, ça veut plutôt dire que notre sport, qu’on aime, notre passion, elle est saine sur le plan économique et elle intéresse les télévisions et les promoteurs du monde entier. Quand tu vois l’intérêt qu’il y a en Indonésie, en Thaïlande, en Inde, ça fait plaisir, ça fait vraiment plaisir. Quand moi j’étais pour la première fois en Inde cette année, que tu rencontres dans le paddock des vrais fans qui sont des bibles ambulantes alors qu’on n’a jamais été là-bas, qui savent tout même sur Augusto Fernandez qui était rookie et qui n’est pas le plus charismatique des pilotes à ce jour, ils connaissent tout son palmarès, ses chutes, ses meilleures performances, et cetera. Ça, ça fait plaisir de voir que où que tu ailles sur la planète, il y a des gens qui sont des vrais passionnés du MotoGP. Donc de toute façon, la vie c’est un équilibre, et entre trop et pas assez, l’équilibre, il est subtil. 

J’ai commencé les Grands Prix, il y avait 8 à 10 Grands Prix pour le championnat du monde. Après, pendant très longtemps, quand on était à 12, on était au maxi maxi. De quoi on rêvait quand on était là? On avait quasiment toutes les courses en Europe, on en avait une après, à partir de 87 je crois, qui était au Japon à Suzuka, mais on n’allait jamais et on rêvait d’aller hors d’Europe, mais notre championnat du monde, c’était un championnat d’Europe en réalité. On rêvait de ça, maintenant, on l’a atteint. Il ne faut pas aller trop loin, mais on est bloqué à 22 et le promoteur sait très bien qu’on n’ira jamais à plus de 22, donc à nous de rationaliser le calendrier, à nous d’essayer de faire que les le format soit le plus gérable techniquement et humainement possible pour les équipes techniques et les pilotes. Et tout ça, c’est un équilibre. 

Dans la vie, et peut-être plus particulièrement chez nous, dans notre bel hexagone, il y a beaucoup de « y a qu’à, faut qu’on”. Et là je vais complètement changer de sujet, mais je vais te parler de la pression des pneus par exemple. Récemment, ça a été un des sujets de polémique numéro un, et je suis d’accord que ce n’est pas joli de perdre ou gagner une course sur le tapis vert par rapport à une pression de de pneumatique qui n’est pas suffisante. Mais d’un autre côté, tous les gens qui à juste titre parfois disent que ce n’est pas bien, je leur dis “mais c’est quoi votre solution ?” Parce qu’on sait très bien que techniquement parlant le pneu, mais comme autre chose, il a une zone de fonctionnement et que si on est au-dessus ou en dessous, on entre dans un problème de sécurité important qu’on ne peut pas se permettre de tolérer. Donc il faut qu’il y ait un gendarme. Parce qu’on sait aussi très bien que ça peut avoir des conséquences sur les performances, que ce n’est plus Fair, quoi. Donc voilà, il y a beaucoup de « y a qu’à, faut qu’on”, mais si on n’a pas assez de courses, on dit qu’il en faut plus, et s’il y a beaucoup de courses, on dit qu’il en faut moins. Encore une fois, il faut trouver l’équilibre et sans encore une fois être béni-oui-oui et dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, je pense qu’aujourd’hui on a un championnat MotoGP qui est beau, qui va dans pratiquement tous les continents, excepté l’Afrique mais on travaille dessus et j’espère qu’on pourra trouver une solution d’ici quelques temps. Il y a un format qui est super excitant avec un vendredi qui déjà détermine qui va faire Q1/Q2, le samedi avec une course courte qui est superbe, et puis le dimanche, l’apothéose avec le Grand Prix. 

Alors il y en a qui vont dire qu’on fait du show business, mais oui, de toute façon c’est le lot du sport mécanique et du sport en général. Est-ce que le football c’est du show business ? Est-ce que le rugby maintenant, c’est du show business ? Est-ce que le tennis c’est du show business ? Le sport, de toute façon, c’est un spectacle, une performance, donc oui, ça peut entre guillemets être du show business, et ça ne serait pas un gros mot, show business. » 

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