Si la frénésie du premier test MotoGP 2023 qui vient de s’achever à Sepang est retombée pour les pilotes, il n’en est pas de même pour les constructeurs et les équipes de la catégorie reine qui, à l’inverse, ont entamé une course contre-la-montre avant le prochain test qui aura lieu le 11 mars au Portugal.
Hervé Poncharal a bien voulu nous éclairer sur cette période de la saison où le travail est intense, bien que souvent ignoré par les médias.
Hervé Poncharal : « Grosso modo, ce qu’il
faut savoir c’est que, pour des raisons qu’on comprend tous et que
je supporte totalement, par rapport à essayer de juguler une
inflation qui ne rapporte rien si ce n’est que les plus forts
deviennent toujours de plus en plus forts, on a réduit le nombre de
jours d’essais.
Maintenant, il n’y a plus qu’une journée à Valence après la
dernière course, où tu peux donner quelques informations sur
lesquelles les équipes d’essais ont travaillé, mais c’est court,
surtout quand tu changes de pilotes. L’année dernière, dans notre
stand, il y avait Augusto Fernández qui découvrait la MotoGP, il y
avait Pol Espargaró qui ne connaissait pas la moto 2022 puisqu’il
arrivait de chez Honda et il y avait Jack Miller qui arrivait de
chez Ducati. Donc il n’y avait que Brad Binder, et en une journée à
Valence tu ne fais pas des milliers de kilomètres !
Après ça, toutes les usines qui travaillent d’arrache-pied, et
Dieu sait si elles travaillent et bossent sur les moteurs dans le
département moteur, l’aérodynamisme dans le département aéro, les
châssis dans le département châssis, etc., et tu te retrouves
arriver à Sepang où tu as un petit dégrossissage de trois jours qui
s’appellent le skakedown, et après, en trois jours, il faut arriver
à déterminer quelle sera la moto de l’année.
Ça veut dire que, et pas seulement chez nous, tu as une
multitude de configurations aérodynamiques, plusieurs
configurations de moteurs, plusieurs châssis, et c’est seulement à
l’issue de ces essais de Sepang, le dimanche soir, tu valides
quelle sera ta moto, avec le châssis que tu vas utiliser pour le
début de saison, le type de moteur que tu vas utiliser pour le
faire homologuer en début de saison, idem pour l’aéro, etc. Ça veut
dire que seulement le lundi matin, tu appelles tous les
sous-traitants et tu leur dis « il me faut X carénages du
modèle Y, on monte les moteurs avec les vilebrequins ceci et les
culasses cela, et il me faut des châssis avec ces spécifications
là ». Donc tu peux imaginer que c’est une course contre la
montre et qu’il y a des gens qui vont travailler plus de 35 heures
par semaine. Et encore, si ça va bien, parce que quand tu entends
ce que dit Massimo Meregalli que j’ai écouté, ou même chez Honda,
ils vont encore travailler au Portugal. »
Ce qui veut dire qu’ils doivent faire au moins le double
de pièces pour parer à toute éventualité…
« Dans
un sens, oui, parce que Portimão–Argentine–Texas–Jerez, tu n’as
rien le temps de faire : les motos sont dans les avions, mais d’un
autre côté tu es obligé de fonctionner comme ça car tu ne vas pas
valider en janvier une moto, qui n’a pas été testée, pour qu’elle
soit prête à temps. Donc oui, c’est chaud, mais quelque part la
course a toujours été un domaine chaud. »
Pour synthétiser, chez Pierer Mobility où on aligne 8
motos pour Brad Binder, Jack Miller, Pol Espargaró et Augusto Fernández, on passe commande de combien
de châssis le lundi matin après le test de Sepang ?
«
Franchement, je n’en sais rien, mais je pense que comme ce sont
des gens qui ont de l’expérience et qui sont prudents, ils vont
commander un certain nombre de châssis mais en plus ils vont en
commander d’autres avec d’autres spécifications, parce que même si
un modèle est validé, tu as parfois besoin de réessayer une autre
option. Donc même si cela n’a pas répondu à ta question, cela fait
beaucoup de châssis. »
En partie si, parce qu’en comptant tous les châssis
nécessaires plus les rechanges indispensables en cas de chute, on
parle d’au moins 20 châssis pour Pierer Mobility…
« Ah oui ! Oui, oui. »
Sans parler des moteurs et des carénages, et tout ça en
deux ou trois semaines, puisque après il faut les envoyer, les
décorer, les monter et transporter les motos…
« Oui.
Par exemple, pour les carénages, il faut les faire, ils vont les
envoyer chez nous, nous on va les envoyer chez le peintre, le
peintre va les peindre et nous les renvoyer pour qu’on pose les
stickers. »
Cette course contre la montre est-elle stressante
?
« Non, parce qu’on a confiance dans l’organisation Pierer
Mobility. En fait, je pense que ça les stresse plus eux que nous,
parce qu’on sait très bien qu’on les aura, même si c’est toujours
au dernier moment, sans parler de toutes les contraintes
médiatiques et marketing en parallèle. Par exemple, en ce qui nous
concerne, je pars ce weekend faire des photos à Barcelone avec les
pilotes, donc il faut qu’il y ait des motos qui soient aux couleurs
pour la présentation qui aura lieu le 4 mars, avec au moins des
carénages 2022 en secours, et si possible des 2023, peints aux
bonnes couleurs. Puis à Portimão, le 9 mars, il y a toutes les
photos qui seront faites, donc il faut que tout le matériel soit
prêt, donc oui, il y a un délai qui est très serré mais quelque
part c’est ce qui est excitant et qui nous fait tous vibrer : C’est
l’adrénaline, c’est la course !
La course est à tous les étages, pour les pilotes entre le
départ et le drapeau à damier, mais les équipes techniques et les
ingénieurs font tous la course aussi. On ne s’en rend pas souvent
compte quand on regarde une épreuve sportive en général ou un Grand
Prix MotoGP en particulier, mais il y a une énorme quantité de
travail en amont, que ce soit pendant la semaine précédant la
course ou aussi en amont de la saison. Nous, on parle de Pierer
Mobility qui a quatre pilotes, mais Ducati en a huit ! On reste
quand même des PME et on fait beaucoup appel à l’artisanat : Tous
les gens qui font les châssis, les carénages et les moteurs, c’est
du prototype, pas de la production de masse, et tout le monde est
en stand-by avant qu’on leur donne le feu vert, et quand on leur
dit GO, c’est effectivement une sorte de course aussi ! »
A suivre…
A suivre…