Rarement on aura autant parlé d’un pneu arrière lors d’une saison MotoGP que celui de Jorge Martin au Grand Prix du Qatar !
Responsable d’un GP déterminant dans la lutte pour le titre, alibi trop simple pour les autres, chacune des deux parties, de bonne foi, croit dur comme fer à sa version des faits, et on ne peut nullement leur reprocher.
Par contre, nous sommes allés recueillir dans le paddock de Valence l’avis impartial d’une tierce personne utilisant ces pneumatiques à longueur d’année, et ce depuis une époque où le Madrilène du team Pramac n’était même pas encore né : Guy Coulon.
Et son avis est particulièrement intéressant, apportant
l’éclairage inédit d’un homme à qui on ne raconte pas d’histoires
et qui, pour une fois, a bien voulu partager son opinion sur un
sujet quelque peu « sensible ».
Au final, le sorcier de l’équipe Tech3 nous fait découvrir comment
on arrive à concilier, bon pneu, patinage au départ et rythme de
plus en plus médiocre en course alors que l’on a gagné la
veille…
Merci à lui.
Guy Coulon, après plus de 40 ans de paddock et
d’utilisation de pneus tous les weekends, quel est votre point de
vue sur cette histoire
du pneu arrière de Jorge Martin au Qatar qui gâche un peu la fin de
saison ?
Guy Coulon :
« Bah, je peux répondre un peu avec l’expérience que j’ai
des années précédentes, que je n’ai plus maintenant.
Ce qui se produisait assez souvent, et avec un peu tous les
pilotes au moment de la séance de qualification notamment où on
emploie en général 2 pneus soft : 2 tours, rentrer et 2 autres
tours avec un second pneu. Ce que j’ai pu constater et vérifier et
recontrôler moult fois, avec différentes séances et différents
pilotes, c’est que après le premier pneu qualif, quand le pilote
rentre et qu’il est dans sa zone de performance normale, qu’il est
assez satisfait de sa position, il repart avec le 2e pneu
satisfait, je dirais, ou à peu près. Il va piloter convenablement,
en souplesse, et en général améliorer un peu son temps. S’il rentre
et qu’il n’est pas dans son créneau, qu’il est un peu bas, et
cetera, en position, il va repartir avec le 2e pneu, il va
bûcheronner, être un peu nerveux, un peu moins souple, et avoir
plus d’attaque, et cetera, et systématiquement il va rentrer en
disant que le 2e pneu ne marchait pas, qu’il n’avait pas de grip,
parce qu’il aura été plus agressif avec sa moto. Et donc on peut
reporter ça également quand un pilote fait un pas bon départ : et
bien pour compenser, il est un peu plus agressif, moins concentré
sur son pilotage, et il commence à trouver que le pneu ne va pas,
parce que justement il est agressif donc il perd un peu le grip, et
il commence à traîner ça toute la course et à se dire « je
vais pas y arriver à cause de ce pneu », et à être encore plus
agressif et un peu à paniquer et à se trouver en délicatesse. Et à
la fin, il vous dit « bah le pneu ne marchait pas ».
«
Donc le fond de votre pensée, ça s’applique un peu à un
certain pilote espagnol à la dernière
course…
« Ça s’applique aux à des pilotes italiens ou
espagnols ou français, ou ce que vous voulez, qui loupent un peu
leur départ et après ils sont un peu à la peine. »
Le spectaculaire patinage au départ, cela a également
été le cas dans la même course pour votre pilote Augusto
Fernandez… »
Voilà, comme l’a fait Augusto le dimanche sur 25 mètres, parce
qu’il s’est trouvé dans une zone sale. Il a loupé complètement son
départ, et après ça a été difficile. Alors que le samedi, il était
dans une meilleure zone sur la grille, il a fait un bon départ, il
était dans son créneau de marche, si je puis dire, et il a fini la
course très convenablement. Mais je me souviens aussi d’avoir dit à
des pilotes aux qualifications » Au premier tour d’un pneu
neuf à la qualif si tu trouves que le pneu n’a pas de grip, qu’il
ne va pas, c’est sûrement parce que tu es trop agressif. Finis le
tour en te reconcentrant et en étant plus décontracté, et part pour
le dernier tour cool à la poignée ». «
Donc ça pourrait expliquer le mauvais départ par le
changement de position sur la grille entre le samedi et le
dimanche, sur la partie salle de la piste le dimanche avec des
réglages pour la partie propre…
« Voilà, parce que la position sur la grille entre
le samedi et le dimanche était différente, due au déclassement
d’Aleix. »
L’hypothèse d’un mauvais pneu dans une série vous semble
donc peu plausible chez Michelin…
« Pour moi oui. Bon, je ne suis pas super fan parce que je
trouve qu’ils sont très difficiles à employer et à contrôler. La
logique de choix n’est pas simple. Par contre dans la qualité de
production et dans la constance de production et la façon de
pouvoir répéter le même niveau de pneu dans un type de pneu, ça par
contre c’est impressionnant ! De ce côté-là, un mauvais pneu dans
une série peut peut-être arriver, mais j’y crois peu
(rires). »