Comme nous le faisons systématiquement en hiver, nous avons profité de cette longue, très longue, pause estivale pour demander à un certain nombre d’intervenants du paddock MotoGP de dresser un bilan de cette première demi-saison 2021.
Aujourd’hui, c’est au tour de Piero Taramasso, Manager Deux-roues Michelin Motorsport, de nous expliquer en détail la stratégie mise en place par le manufacturier français, tout en soulignant le côté positif de ce bilan de mi-saison.
Au programme de cette première partie dont vous trouverez la suite demain, la stratégie utilisée pour relever le challenge consistant à abaisser la durée des courses, la réponse à la polémique de début de saison concernant les pneus avant et quelques informations sur le Grand Prix qui se déroulera sur le Circuit Of The Americas à Austin…
Quel bilan peut-on tirer chez Michelin de cette première moitié de saison 2021 ?
Piero Taramasso : « Si on remonte au tout début, on peut dire que la mise en marche a été un peu difficile car, à cause de la situation sanitaire, les essais hivernaux ont été réduits par rapport aux saisons précédentes. On a commencé au Qatar mais on n’a pas pu rouler à Sepang ni sur d’autres circuits. Je dirais donc qu’un peu tout le système, les motos comme les pilotes, n’étaient pas au point, et même si on a battu tous les records au Qatar et à Portimão, on a reçu des critiques. Au début, nous avons été critiqués pour le pneu avant asymétrique puis pour le pneu arrière, mais je trouve que c’était des critiques pas trop fondées puisqu’il s’agissait de pneus que l’on avait déjà dans l’allocation de l’année dernière. Je tiens à rappeler qu’on s’était engagé à ne pas changer les spécifications des pneumatiques entre 2020 et 2021 : Comme le développement des motos a été gelé, on a décidé de garder exactement les mêmes pneus que l’année dernière. Et cette année, dès les premières courses, on a entendu « le nouveau pneu avant, ça ne marche pas ! Le nouveau pneu arrière, pareil ! ». Il n’y a pas eu de nouveaux pneus ! On a juste introduit un peu plus de pneus asymétriques à l’avant, mais ce sont des pneus que l’on utilise depuis tout le temps à Valence, au Sachsenring, à Phillip Island et sur tous les circuits asymétriques. On en a mis quelques-uns de plus, par exemple au Qatar, à Barcelone et sur d’autres circuits, où on pensait que techniquement c’était une bonne solution. Et finalement, à la fin, ça a marché, même s’ils nous ont critiqué déjà avant de rouler. Mais bon… »
Un constructeur (autrichien) en particulier s’est également plein de ne pas retrouver son niveau de performance de l’an passé à cause d’un pneu avant qui a été retiré de l’allocation. De quel pneu s’agissait-il ?
« C’est vrai qu’on l’a retiré. Il s’agissait d’un pneu avec un mélange médium qu’on utilisait les saisons d’avant. Mais l’année dernière, 21 pilotes sur 22 ont clairement demandé à Michelin et à la Dorna, pendant la commission de sécurité en Autriche, de le retirer. Donc quand tu as 21 pilotes sur 22 qui te demandent de retirer un pneumatique parce qu’il ne leur procure aucun avantage, tu n’as pas le choix ! C’est un championnat où nous sommes fournisseur unique, donc il faut que tout le monde soit content et que personne ne soit avantagé ou désavantagé. Pour nous, la situation était donc claire et il n’y avait aucune raison d’entendre ces critiques en début d’année. C’était juste une question de travail, comme chaque nouvelle saison avec de nouveaux pilotes. C’était juste une question de réglages pour trouver le bon équilibre, et c’est ce qui s’est passé. »
À côté de ce point qui a été médiatisé, quels changements avez-vous effectué ?
« Au niveau des pneumatiques, les changements majeurs que l’on a faits pour cette saison ont été de choisir des mélanges typés plus médiums et plus durs, pour avoir une meilleure constance. Souvent, dans le passé, on était critiqué en ce qui concerne la dégradation des pneus après une dizaine de tours. Effectivement, les pilotes faisaient des choix très agressifs en prenant des mélanges soft qui avaient plus de potentiel au début et chutaient et se dégradaient plus rapidement. Donc qu’est-ce qu’on a fait ? Tous ces mélanges-là, on les a supprimés et on a choisi des crans un peu plus rigides, car pour nous l’objectif de cette saison était d’améliorer la durée des courses, d’avoir des durées de course plus réduites. Et ça, pour un manufacturier de pneus, ce sont les records qui parlent le plus, car ça veut dire que tu fournis un pneu qui a du grip, mais qui dure pendant 25 ou 30 tours, pour toute la course. C’est le changement majeur que l’on a fait : Supprimer les mélanges trop softs qui se dégradaient vite, au profit de pneus plus constants que l’on appelle « grip to last » (de l’adhérence jusqu’à la fin). Et pour le moment, ça fonctionne bien puisque l’on a battu des records de durée de course au Qatar, à Portimão, à Jerez, au Mugello, à Barcelone et à Assen ! Les seuls circuits où on n’a pas pu le battre, c’était au Mans puisqu’il y a eu de la pluie, et au Sachsenring pour les mêmes raisons. Donc si on regarde ça d’une façon globale, le bilan est positif et nous allons dans la bonne direction. Aujourd’hui, tous les pilotes et toutes les marques sont assez contents, et si on regarde les résultats, on peut voir des Suzuki, des Yamaha, des KTM, des Honda, des Ducati sur le podium, et l’Aprilia est souvent aux avant-postes, donc c’est la preuve que tout le monde peut trouver la meilleure solution pour se battre pour le podium. »
Êtes-vous également confiant pour la suite de la saison ?
« Pour la deuxième partie de saison, on espère continuer avec la même dynamique. On connaît tous les circuits mais c’est vrai qu’on va aller à Austin en automne alors que d’habitude c’est en début de saison. Les conditions météo devraient être à peu près les mêmes et cela ne va pas changer grand-chose, mais c’est vrai qu’ils ont resurfacé une partie du circuit et raboté une autre. Ils ont raboté l’asphalte pour le rendre un peu plus agressif et adoucir les bosses, et ça, pour les pneumatiques, c’est assez abrasif et assez dur. On amènera donc quatre solutions à l’avant et quatre solutions à l’arrière, comme on a fait à Assen en conséquence du nouveau resurfaçage. Donc nous ne sommes pas inquiets car avec nos quatre solutions nous savons que nous pouvons couvrir toutes les conditions, y compris en cas d’usure anormale ou de températures très élevées. »
Le calendrier de la deuxième partie de saison évolue régulièrement en fonction de la crise sanitaire. Cela vous pose-t-il des problèmes ?
« Oui, c’est un casse-tête car on ne peut pas anticiper comment aimerait, en produisant les pneus à l’avance et en les envoyant en bateau. Pour envoyer des pneus en bateau outremer, il faut compter trois mois, donc là, nous sommes tout juste : Il y a le temps mais il n’y a pas de marge, et s’il se passe quelque chose, cela va être compliqué, d’autant qu’avec la situation sanitaire il y a moins d’avions et moins de cargos. Tout ça fonctionne au ralenti et ce n’est pas facile de s’organiser, mais on le fait et on travaille étroitement avec la Dorna pour avoir les informations le plus vite possible. Nous n’avons que très peu de marge, donc au cas où un problème surviendrait, il faudrait produire très rapidement et envoyer par avion, avec les coûts supplémentaires et le stress que cela impliquerait. »
A suivre demain…