Primé lors de la quatrième édition du Monaco World Sports Legends Award, Loris Capirossi dresse le bilan d’une saison 2019 du Moto GP riche en enseignements.
Dans sa longue (22 saisons) et fructueuse (29 victoires, 41 pole positions, 99 podiums) carrière en Grand Prix, Loris Capirossi a amassé bon nombre de trophées et de récompenses individuelles. Sacré à trois reprises roi de sa catégorie (il a coiffé deux couronnes mondiales en 125 cc et une en 250 cc), l’Italien aurait « facilement » pu décrocher trois titres supplémentaires si son refus du compromis (1993, 1994) et un certain manque de réussite (2006) ne lui avaient pas joué des (mauvais) tours alors qu’il semblait bien parti pour prendre la direction d’une nouvelle consécration mondiale.
Mais, de ses échecs (relatifs) du passé, « Capirex » préfère ne retenir que le positif, focalisant toute son énergie à sa vie d’aujourd’hui, celle qui le voit écumer les circuits du monde entier dans son nouveau costume de membre de la Commission de Sécurité des Grand Prix. Engagé auprès de la Dorna (société détentrice des droits de la Moto GP) depuis la fin de sa carrière de pilote en 2011, le natif de Castel San Pietro Terme œuvre jour après jour à la sécurité d’une discipline où le danger demeure le plus grand ennemi. Accessible et enthousiasme comme à ses plus belles heures passées au guidon des Aprilia, Honda et autres Ducati, le Transalpin n’a rien perdu de sa passion pour un sport auquel il a consacré la majeure partie de son existence.
Récompensé lors de la quatrième édition du Monaco World Sports Legends Award, l’ancien numéro 65 profite de cette distinction pour revenir sur la saison 2019 du Moto GP et pour analyser le sixième sacre en catégorie reine du prodige Marc Márquez, interrogé par le journaliste Andrea Noviello.
La saison 2019 du Moto GP a, une nouvelle fois, été marquée sous le sceau de la domination de Marc Márquez. Si le pilote Honda avait déjà écœuré tous ses adversaires l’an dernier, l’Espagnol s’est montré encore plus tyrannique cette année. Le prodige de Cervera ne serait-il pas devenu intouchable désormais ?
Loris Capirossi : « J’évolue dans l’univers de la moto depuis plus de trente ans maintenant et je dois reconnaître que jamais par le passé je n’avais vu un pilote possédant le potentiel et la vitesse intrinsèque de Márquez. De nombreuses personnes mettent en avant le facteur Honda, mais je suis intimement convaincu que la RC213V n’était pas la meilleure machine du plateau en 2019. Marc a, tout simplement, un talent et une maîtrise de la moto hors du commun. Il sera très difficile à battre dans les années à venir. »
Preuve de son exceptionnelle régularité en 2019, Márquez n’a enregistré qu’un seul abandon cette saison lors du Grand Prix des Amériques. Sans cette chute à Austin, le Catalan aurait même pu égaler son record de treize victoires sur une année…
« Complètement. Márquez a, pratiquement, réalisé la saison parfaite cette année. Ce n’est plus le Márquez intrépide et impétueux que nous connaissions. Marc a beaucoup mûri. Il est plus réfléchi désormais, plus calculateur aussi. Quand il n’a pas les moyens de gagner, il sait se contenter des accessits. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il va terminer dixième. Pour lui, un accessit c’est la deuxième place ! Quand un pilote de son calibre ramène un podium à chaque Grand Prix, il devient quasiment mission impossible de le battre sur la longueur d’un championnat. Et ce sera encore plus difficile dans le futur, car Márquez va continuer de progresser. »
À seulement vingt-six ans, Márquez s’est déjà bâti l’un des palmarès les plus éblouissants de toute l’histoire de la Moto GP (6 titres, 56 victoires, 62 pole positions, 95 podiums Ndlr). Jusqu’où peut-il aller selon-vous ?
Difficile à dire. (Il réfléchit) Comme vous n’êtes pas sans savoir, la moto reste un sport où l’on peut se faire mal. Les vitesses sont très élevées et les pilotes n’ont pas réellement de protection si on excepte bien sûr la combinaison et le casque. Quand on tombe à plus de 200 km/h, on peut se blesser. Seule une mauvaise chute peut, selon moi, l’arrêter dans son inexorable course aux records. Il a, d’ailleurs, beaucoup évolué dans ce domaine. Márquez tombe très rarement en course. Il ne chute qu’en essais, car il cherche toujours à trouver la limite de sa moto. Une fois cette limite fixée, il effectue un pas en arrière pour conserver une marge de sécurité. Clairement, Marc a mûri en 2019 et il n’a pas encore fini de grandir. Je suis même persuadé que Márquez peut encore s’améliorer. »
Plus que jamais Márquez a prouvé en 2019 que c’était lui qui faisait gagner la Honda et non l’inverse…
« Absolument. Et ça, Honda le sait mieux que quiconque. Le seul point faible de Márquez aujourd’hui, c’est sa moto (sourire) ! Il sera intéressant d’observer comment l’écurie va être en mesure de développer sa machine la saison prochaine. Car si on analyse bien le championnat 2019, on s’aperçoit qu’aucun des autres pilotes de la marque n’a réussi à triompher au guidon de la Honda. Lorenzo est un grand champion. Pourtant, il n’est jamais parvenu à la piloter. Quant à Crutchlow, il s’est montré très irrégulier. Sur certaines pistes, il était très compétitif alors que sur d’autres il souffrait énormément. Je me répète, mais l’unique faiblesse de Márquez à l’heure actuelle, c’est la Honda. »
Propos recueillis par Andrea Noviello
WSLA 2019 : une quatrième édition sur les chapeaux de
roues
Inauguré en 2016 dans le but de promouvoir les valeurs éthiques et
morales du sport, le Monaco World Sports Legends
Award a récompensé, dans le cadre toujours aussi
fastueux de la Salle d’Or du Fairmont Monte-Carlo, la carrière de
sportifs à la trajectoire légendaire. Honorés tant pour leur
fabuleux palmarès en compétition que pour leur rôle d’exemple
auprès des nouvelles générations, ces athlètes d’exception se sont
vu remettre un Oscar lors d’une cérémonie de remise des prix animée
par la désormais incontournable Lorena Baricalla.
Déjà largement représentés lors des précédents WSLA (Mika Häkkinen,
Giacomo Agostini, Carl Fogarty, Michael Doohan, Jacky Ickx, Michèle
Mouton, Freddie Spencer, Jutta Kleinschmidt, Dr Claudio Costa,
Ayrton Senna) les sports mécaniques ont de nouveau été plébiscités
en 2019 puisque, outre le triple champion du monde moto Loris
Capirossi, Nasser Al-Attiyah (Rallye-Raid) et Mario Andretti (F1,
Indycar, Endurance) ont eux aussi été primés cette année. Ils
viennent s’ajouter aux trois autres lauréats de cette quatrième
édition, Ana Gabriela Guevara (Athlétisme), Connie Henry
(fondatrice de l’association Track Academy) et Ferenc Puskás
(Football).